Benjamin Netanyahou ou l’insubmersible..

Benjamin Netanyahou ou l’insubmersible..

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La commission électorale a presque achevé son dépouillement à près de 99%, les dés sont jetés. Le peuple a parlé, l’affaire est entendue. Comme l’a été le vœu de Netanyahou de se voir accorder une majorité stable lui permettant de revenir au pouvoir et de gouverner son pays, Netanyahou disposera de près de 64 députés. Peut-être un peu plus, ce qui est très confortable. Cet exceptionnel retour aux affaires n’aurait jamais pu se réaliser sans la droitisation du corps électoral israélien. On peut s’en féliciter ou s’en lamenter, les faits sont là, l’homme fort de la vie politique israélienne n’a pas varié et a maintenu son ascendant à la fois au sein de son propre parti, le Likoud, et au sein de l’électorat général.

Tous les sondages donnaient une primauté incontestable à ce parti majoritaire, sous la direction de Netanyahou. Même lors de ses précédentes tentatives avortées de constituer un gouvernement, une majorité confortable d’Israéliens le jugeaient le mieux à même de devenir le Premier ministre du pays. Ajoutons que la quadruple mise en examen qui le vise depuis des mois n’y a rien changé : on continue de le considérer comme le mieux préparé à exercer les plus hautes fonctions.. Quand on connait le degré de férocité qui caractérise le débat politique dans l’Etat hébreu, on ne peut que saluer une telle performance. Jamais, aucun sondage, n’a laissé percevoir le moindre effritement.

La traversée du désert de Netanyahou n’aura duré qu’une petite année. Yaïr Lapid a fait de son mieux durant ce qu’il faut bien appeler un simple intérim. Mais on peut porter à son actif certains progrès, notamment l’accord avec le Liban sur les frontières maritimes de l’Etat juif. Mais la recrudescence des attentats sous le gouvernement de Lapid a pesé lourd dans le plateau de la balance : au moins vingt morts causés par des terroristes. Presque chaque jour, un attentat est commis, sans même parler des centaines d’autres déjoués par des services de sécurité particulièrement aguerris. Ce n’était visiblement pas assez. Les Israéliens en avaient assez de vivre dans une insécurité permanente. Ils ont préféré donner la majorité à un homme qui, à leurs yeux, a fait preuve de son savoir-faire.

Mais ce n’est peut-être pas l’essentiel dans l’analyse de ces résultats étonnants. On doit comprendre les résultats (quatorze mandats) pour le parti du sionisme religieux, comme l’expression d’une volonté de renforcer le caractère juif de l’Etat… Et cela risque de se faire au détriment de l’autre membre du binôme : sioniste et démocratie… Au fond, c’est le pari que fait l’électorat israélien : se replier un peu plus sur un comportement assez rigide et adopter des positions à la limite du fonctionnement d’une démocratie libérale. Or, le nombre de mandats récoltés par des personnalités comme Itamar Ben Gvir aura nécessairement des répercutions sur certains déséquilibres entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

En Israël comme dans toutes les démocraties libérales, la rétroactivité des lois est interdite. Or, de manière plus ou moins claire, les nouveaux élus veulent mettre fin aux poursuites judiciaires visant leur chef. Mais il est douteux qu’ils y parviennent de manière grossière. En revanche, il est une institution judiciaire dont le pays est fier, c’est la cour suprême, et certains veulent lui rogner les ailes. Il est quasi certain que la cour suprême va, lors des prochaines semaines, vivre des moments difficiles. L’argument brandi par ses adversaires est toujours le même : les juges suprêmes ne doivent pas se mettre en travers des décisions de la Knesset, régulièrement élue par le peuple souverain… On prévoit donc de belles empoignades en perspective.

Les partis religieux font un score stupéfiant ; mis bout à bout le nombre de leurs députés approchent la trentaine. Même si on y inclut les députés élus sous l’égide d’Itamar Ben Gvir dont certaines déclarations ont soulevé un véritable tollé, sans même parler des pressions du gouvernement américain pour éloigner ce député réputé extrémiste de l’exercice du pouvoir…

Laissons de côté pour le moment les problèmes économiques des habitants d’Israël, la hausse des prix qui atteint des niveaux inquiétants et inacceptables. Les jeunes couples ont de plus en plus de mal à se longer en raison du renchérissement de l’immobilier. Que fera Netanyahou quand il sera investi comme chef de gouvernement, selon toute probabilité ? Il serait sage d’atténuer certaines exigences de ses encombrants collègues afin de rassurer les
Arabes d’Israël.

Il convient de ne pas perdre de vue ses regrets et son amertume ; ses dirigeants n’ont pas gérer la situation et se sont laissés marginaliser, donnant libre cours aux ferments de la discorde. On assiste déjà à de violentes discussions sur la conduite à tenir face à ce gouvernement qu’on soupçonne de dérive droitière. Ce front intérieur mérite la plus grande attention. Il faut le surveiller comme le lait sur le feu.

Au plan de la politique étrangère, les impératifs de ce petit pays encore entouré d’ennemis ne changeront pas. Il faudra aussi consolider, voire élargir encore plus le cycle de normalisation avec d’autres Etats arabes. Apparemment, Netanyahou sait faire. Il lui faut encore faire ses preuves.

Maurice-Ruben HAYOUN (professeur à l’Uni de Genève).
Dernier ouvrage paru, Regard de la tradition juive sur le monde (Slatkine, Genève)
Photo : shutterstock

NDLR : « Ce gouvernement qu’on soupçonne de dérive droitière »… Voici qui est plus que drôle : et le gouvernement précédent, ne souffrait-il pas d’une déviation totale et cruelle gauchiste ? Puis, au fait, en quoi le fait de vouloir appliquer les compréhensions de la droite s’appelle-t-il une dérive ?

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