Le traité talmudique Meguila (31b) enseigne :
« ‘Ezra a instauré que le peuple d’Israël lise avant Atsérèth [c’est-à-dire : avant la fête de Chavou’oth] les malédictions évoquées dans le Torath Cohanim [parachath Be’houkotaï, à la fin du livre de Vayikra/Lévitique]. Quant à celles du Michné Tora [à la fin du livre de Devarim/Deutéronome, parachath Ki Tavo], ‘Ezra a demandé que le peuple juif les lise avant Roch haChana. Pourquoi ? Abayé, et selon d’autres Rech Lakich, a répondu : « Pour que cette année prenne fin, elle, et toutes ses malédictions » ».
La parachath Be’houkotaï est donc liée, par essence, au rendez-vous de Chavou’oth, tout comme Ki Tavo et Nitsavim nous préparent aux dix jours qui entre Roch HaChana et Kippour. Et pour cause : cette lecture nous oblige à reprendre les termes de l’alliance (brith) qui rend possible le don de la Tora, la Tora ayant été donnée deux fois – la première à Chavou’oth et la seconde à Kippour.
« …Mais si vous ne M’écoutez pas… »
Il faut donc interroger le lien entre l’alliance contractée avec Hachem par le biais des berakhoth (les bénédictions) et des kelaloth (les malédictions) telle qu’elle est présentée dans Be’houkotaï, et la kabalath haTora de Chavou’oth.
Dans son commentaire sur l’expression « Kel Chakaï » utilisée par Yits’hak dans la parachath Vayétsé au moment de bénir une seconde fois Ya’akov (« L’Eternel (Kel Chakaï) […] te bénira » – Beréchith 28,3), le Ramban écrit :
« Il est fait mention maintenant de ce Nom (Chakaï) car c’est par Lui que se réalisent les miracles cachés (…) comme tous ceux accomplis pour Avraham et les autres Patriarches, et tous ceux évoqués par la Tora dans la parachath Be’houkotaï (Vayikra/Lévitique 26,3-46), ou dans la parachath Ki Tavo (Devarim/Deutéronome 28,1-68), dans les kelaloth et les berakhoth ; toutes, elles relèvent du miracle. De fait, il n’est pas de l’ordre des lois de la nature que la pluie tombe parce que nous ne servons pas Hachem, ni que les cieux soient [chauds] comme le plomb sous prétexte que l’on plante dans les champs l’année de la Chemita. Ainsi en est-il des promesses de la Tora : elles relèvent toutes du miracle et du triomphe sur l’ordre astrologique, sans par ailleurs opérer un quelconque changement dans le déterminisme naturel… ».
Il n’est pas de l’ordre des lois de la nature que la pluie tombe parce que nous ne servons Hachem
Si le renouvellement de l’alliance oblige à passer par l’évidence des kelaloth, c’est pour nous faire entendre qu’une « brith » fait toujours apparaître une nouvelle forme de création. Avec le don de la Tora, l’existence juive sort du cadre « naturel » dans lequel elle croyait se trouver pour entrer dans celui de la brith. Elle apparaît alors sous une nouvelle forme, qui la définit désormais dans les nouveaux termes de l’alliance. Soit ces derniers sont respectés, et la bénédiction peut s’exprimer ; soit ils ne le sont pas, et c’est alors l’existence même qui se trouve remise en cause. Après avoir contracté l’alliance, il n’y a en effet plus aucune situation possible en-dehors d’elle.
A ce titre, les berakhoth et les kelaloth se répondent. Elles sont comme les deux faces d’une même médaille : d’un côté, l’existence juive conforme à son essence ; de l’autre, sa remise en cause…
On ne sera donc pas étonné de compter précisément 49 kelaloth. De fait, de même que 49 dimensions du monde nous conduisent jusqu’au don de la Tora, le 50ème jour, il y a aussi 49 types de destruction qui nous excluent de la route authentique du réel. Accomplir la takana de ’Ezra en lisant la parachath Be’houkotaï avant la fête de Chavou’oth aurait ainsi pour but de nous rappeler le sens de notre engagement : elle constitue, en soi, un rappel. C’est seulement de cette manière, en effet, que nous pouvons rejoindre le « 50ème jour », l’accomplissement de la Tora.
R. I. RUCK