La Shoah est l’entreprise d’extermination systématique, menée par l’Allemagne nazie contre le peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale, qui conduit à la disparition d’entre cinq et six millions de Juifs, soit les deux tiers des Juifs d’Europe et environ 40 % des Juifs du monde (Shoah Wikipedia).
La Shoah aurait-elle pu être stoppée plus tôt ? Photographié pendant la guerre par un avion allié, le centre d’extermination nazi d’Auschwitz a pourtant continué de tourner à plein régime jusqu’à sa libération par les Soviétiques, le 27 janvier 1945. Plus d’un million de juifs y ont été assassinés.
Le 1er janvier 1943, l’URSS se joint aux Anglo-Américains pour lancer à Moscou une proclamation qui promet des représailles contre les auteurs de crimes de guerre mais reste muette sur le sort particulier réservé aux Juifs. Roosevelt n’amende ce texte en y citant le cas des Juifs qu’en mars 1944.
Les Juifs américains commencent à agir auprès de leurs gouvernements afin que leur pays accueille de nouveaux immigrants. Ils demandent à la Grande-Bretagne d’ouvrir les portes de la Palestine.
Mais au début de l’année 1943, le ton change à Washington et à Londres. On met une sourdine à cette information, et on cherche à faire de la rétention d’informations. En mars 1943, le secrétaire d’Etat américain Cordell Hull, « souleva la question des soixante mille ou soixante-dix mille Juifs qui se trouvent en Bulgarie, et qui sont menacés d’anéantissement si nous n’arrivons pas à les faire sortir 40 ». La réponse du ministre des Affaires étrangères britanniques, Anthony Eden, fut décevante : elle invitait à la prudence.
En avril 1943, la conférence des Bermudes, pour analyser — comme naguère Évian — le problème des réfugiés. Londres et Washington échangent leurs points de vue selon lesquels il faut d’abord gagner la guerre, ne pas tenter d’évacuer des Juifs de Pologne vers la Palestine, ne pas affaiblir les moyens réservés aux transports de munitions et de troupes pour les destiner aux Juifs. C’est un échec dont on peut retenir deux faits majeurs : d’une part, les participants à la conférence refusent de traiter le problème juif comme un sujet particulier, d’autre part, ils ne veulent pas proposer l’évacuation des Juifs réfugiés dans les pays neutres.
Un témoignage poignant permet de bien cerner l’étendue du problème concernant l’abandon des Juifs. Samuel Zygelboim, représentant du Bund auprès du gouvernement polonais à Londres, se suicide le 11 mai 1943, deux semaines après la fin de la conférence des Bermudes, pour attirer l’attention du monde sur le drame qui se joue pour les Juifs de Varsovie, en laissant ce message posthume : « Le dernier acte d’une tragédie qui n’a pas d’égale dans l’histoire se déroule actuellement derrière les murs du ghetto. La responsabilité du crime d’extermination totale des populations juives en Pologne incombe en premier lieu aux fauteurs de massacre, mais elle pèse indirectement sur l’humanité entière, sur les peuples et sur les gouvernements des nations alliées qui n’ont jusqu’ici entrepris aucune action concrète pour arrêter ce crime »
C’est à bon droit que l’on parle de l’abandon des Juifs, et chacun a ses raisons. Ainsi, la Grande-Bretagne exerce de lourdes responsabilités en Palestine. Puissance mandataire, elle s’est engagée dans une politique contradictoire qui cherche à louvoyer entre deux groupes nationaux opposés. Dès 1933, face à l’afflux d’immigrants juifs en Palestine, en particulier venant d’Allemagne et de Pologne, le nationalisme arabe est exacerbé.
Le gouvernement britannique publie, en 1939, un Livre Blanc qui fixe à soixante-quinze mille seulement le nombre de Juifs qui pourraient immigrer dans les cinq années suivantes. Cette sanction est prise pour rassurer les Arabes inquiets de cet afflux.
Si les Alliés parvenaient à sauver de l’enfer nazi des centaines de milliers de Juifs, que se passerait-il ? Les laisserait-on entrer en Palestine ? Courrait-on le risque de provoquer un nouvel accès de colère des Arabes, déjà sensibles aux slogans antibritanniques de la propagande allemande ? Ne vaut-il pas mieux fermer les yeux sur le drame de l’Europe plutôt que de provoquer une menace sur l’Empire ?
Quant aux autorités américaines, elles expriment des sentiments contradictoires. Elles ne restent pas insensibles à la sauvagerie des nazis, mais elles maintiennent les lois de quotas qui limitent très strictement l’immigration. Il n’est pas question de laisser entrer un plus grand nombre de réfugiés.
Les Juifs américains, le président américain et une bonne partie de la presse tentent néanmoins de bousculer l’administration. C’est Henry Morgenthau, secrétaire au Trésor, qui provoque ce changement. Le 7 janvier, le président américain est désormais convaincu de la culpabilité des Alliés vis-à-vis des Juifs. Un bureau des réfugiés de guerre, War Refugees Board ou WRB, est créé pour s’opposer aux « plans nazis visant à l’extermination des Juifs ». Roosevelt autorise l’engagement de certaines tractations avec les nazis, en Hongrie. À partir du 8 juillet 1944, le diplomate suédois, Raoul Wallenberg, distribue un grand nombre de passeports aux Juifs hongrois.
Grâce à des fonds collectés, des Juifs ont pu être sauvés à Budapest. Mais pour l’historien américain Wyman, auteur de L’Abandon des Juifs, c’est « trop peu et trop tard ». D’autant que les camps d’extermination, repérés et photographiés par des avions de reconnaissance, continuent de fonctionner.
Pourtant, ces camps ne sont pas bombardés : les Alliés refusent le bombardement des lignes de chemin de fer. N’aurait-il pas pourtant causé un retard décisif pour les opérations de déportations ? Et les États-Unis refusent le marchandage que propose Himmler. En effet, en mai 1944, ce dernier, par l’intermédiaire d’Eichmann, veut échanger un million de Juifs contre dix mille camions, du café, du thé, du cacao. Joël Brand est chargé de transmettre aux gouvernements alliés. Il s’entend répondre par Lord Moyne, délégué anglais en Égypte : « Qu’est-ce que je ferais d’un million de Juifs, où les mettrais-je ? »
Ainsi Wyman explique par des motifs d’ordre essentiellement intérieur la politique américaine à l’égard des réfugiés et de l’immigration, laquelle — en dépit de l’effort de guerre — a pu susciter un profond sentiment d’abandon.
Par Jforum
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