Par Gilles William Goldnadel pour Dreuz.info – Illustration : le lieu du crime, Wikipédia
Lundi 3 avril s’est ouvert sans grands bruits le procès de Hassan Diab, accusé d’avoir commis l’attentat contre la synagogue de la rue de Copernic à Paris, le 3 octobre 1980. Quarante-trois années après un crime qui aura entraîné la mort de quatre personnes et fait de très nombreux blessés !
Qu’il me soit permis de commencer cet article par un souvenir personnel douloureux. Dans la fin de l’après-midi de ce vendredi 3 octobre, il y a quarante-trois ans, je me suis retrouvé en la compagnie de ma consœur Aude Weill-Raynal, au milieu des blessés ensanglantés, défigurés, hurlant de douleur et d’effroi, dans le décor dantesque de cette rue Copernic dévastée. Nous avions entendu l’énorme explosion dans l’immeuble très voisin de l’avenue Kléber où nous faisions nos débuts d’avocats et sommes descendus immédiatement avant même que les services de secours n’arrivent. Cela ne peut s’oublier.
Et, quarante-trois plus tard, voila que nous représentons des parties civiles dans un procès dont la tardiveté relève de l’euphémisme…
Je ne souhaite pas ici peser trop lourdement sur les débats à venir. Je renvoie mes lecteurs à l’ouvrage journalistique minutieux de Clément Weill-Raynal (frère de la précitée). Le titre de son livre résume tout : Rue Copernic, l’enquête sabotée*.
L’auteur explique par le menu les lenteurs administratives, le travail exceptionnel du juge d’instruction Trevidic, qui réussit l’exploit, près de trente ans après les faits, d’obtenir des éléments accablants, la reprise du dossier par deux juges, dont il n’exclut pas certains tropismes idéologiques et une décision de non-lieu assez inexplicable qui permet à l’accusé de partir sans revenir malgré un appel courroucé du parquet. S’ensuivent un nouvel enlisement et, décision unique dans une affaire de terrorisme criminel, un arrêt de la chambre d’instruction qui infirme le non-lieu !
Ce livre m’a donc remémoré des souvenirs amers qui ne sont pas consolés par un présent radieux.
Mais je voudrais surtout montrer combien le triste passé n’est pas révolu, sous un angle plus idéologique. C’est sans doute en effet à travers l’attentat antisémite contre la synagogue de la rue Copernic que s’est opérée pour la première fois ce que j’appelle la grande diversion et qui sans doute me structurera intellectuellement.
Je veux parler de l’instrumentalisation fantasmatique autant qu’opportuniste d’une extrême-droite fascisante moribonde pour ne pas avoir à incriminer des coupables plus gênants.
Contre l’évidence aveuglante, dès le soir de l’attentat, c’est l’extrêmement à gauche et prétendument antiraciste MRAP qui lancera sans la moindre preuve l’accusation que la bombe avait été posée par des nazis et qui prit l’initiative d’une immense manifestation populaire.
On cria dans Paris en colère « Le fascisme ne passera pas ». Le PS s’émut de « l’impunité du terrorisme d’inspiration néonazie et raciste ». Serge July, dans Libération, des le vendredi soir, dans son éditorial titré « Qui ? », répondit sans ambages : « Les tueurs sont évidemment des fascistes. » Et c’est ainsi que le mardi 7 octobre, à l’appel des grandes organisations de gauche, une grande marche « unitaire » fit descendre 200 000 personnes manifester contre des moulins à vent, alors que les tueurs antisémites venaient du Proche-Orient. Le moins triste de cette histoire n’est pas qu’une partie de la communauté juive française organisée ne fut pas la dernière à se tromper.
Ce ne sera, hélas, pas l’ultime fois où l’on tentera cette grossière diversion. Egalement dans l’affaire Mohammed Merah, on tentera de faire croire ou d’espérer que l’auteur du massacre de l’école juive était un odieux membre de l’extrême droite. Tant il était cruel idéologiquement de constater que l’antisémitisme criminel était, une nouvelle fois, et comme toujours depuis 1945 en France, issu de l’islamisme ou du palestinisme.
Et tout dernièrement encore, au lendemain du match de football France-Maroc, et alors même qu’une expédition punitive contre des gitans fut menée par certains membres de la communauté maghrébine de Montpellier, Libération fit croire que des membres de l’ultra-droite avaient mené des « pogroms » dans plusieurs villes de France…
Le drame de la synagogue de la rue Copernic incarne le triste précipité des errements judiciaires et politiques de notre société égarée par les lâchetés du présent et les fantasmes du passé.
Il n’est que temps de ne plus s’en laisser conter.