David a reçu pour sa bar mitsva une magnifique montre. Hélas, en ouvrant le boîtier, il réalise que les différents composants de la montre n’ont pas été assemblés. Le ressort, les aiguilles, la pile, le bracelet, le balancier… tout y est, mais impossible de profiter de ce cadeau tant qu’un horloger n’aura pas tout assemblé.
Il faut aussi savoir assembler les éléments des mitsvoth…
Chaque mitsva que l’on accomplit lors des fêtes juives comporte son lot de coutumes. La mitsva des quatre espèces [‘arba minim] ne fait pas exception à la règle. Il nous est demandé chaque jour de la fête de Souccoth [à l’exception du Chabbath] de prendre les quatre espèces. Observez dans votre synagogue comment les fidèles lient ces différentes espèces. Vous constaterez que certains les insèrent dans un étui en feuille de loulav, tandis que d’autres les attachent avec un double nœud dont le nombre varie aussi selon les personnes. Quel est la source de ces habitudes ? Pourquoi ces différences ? Tentons d’expliquer l’origine de ces différentes coutumes et les détails de leur application.
La source de ces coutumes
Une discussion sur ce sujet est rapportée dans la Michna (Soucca 3,8). D’après rabbi Yehouda, il faut attacher les espèces ensemble. Le lien fait donc partie intégrante de l’accomplissement de la mitsva. En revanche, l’éthrog ne fait pas partie du bouquet. D’après les autres Sages, il n’y a pas d’obligation d’attacher les espèces ensemble : il s’agit simplement d’une façon d’embellir la mitsva. Dès lors, il n’y a pas d’interdit de rajouter une espèce étrangère [comme un fil de coton].
En pratique, la loi suit l’avis des Sages, et il n’y a donc pas d’obligation de nouer les espèces entre elles : « C’est une mitsva [NDLR : mais pas plus] d’attacher [les espèces] avec un double nœud [de telle sorte qu’elles ne puissent glisser en-dehors du nœud] afin d’embellir le bouquet » (Choul’han ‘Aroukh 651,1).
Petit tour d’horizon des différentes coutumes
Il convient de distinguer les nœuds qui sont autour du loulav de ceux qui servent à attacher les espèces entre elles.
◆ Les nœuds autour du loulav
Cette coutume consiste à attacher les branches du loulav entre elles pour les maintenir proches du tronc central. Les communautés ont adopté différents usage à l’égard de cette coutume.
Au Maroc, on utilise des fils colorés, pas forcément de la même espèce que le loulav (Magen Avoth). En Europe de l’Est, on fait trois nœuds avec des feuilles de loulav parallèlement aux trois Patriarches, tout en laissant le haut du loulav sans nœud pour qu’il puisse être remué quand on le secoue (Kitsour Choul’han ‘Aroukh). Les communautés ‘hassidiques font soit deux nœuds, [‘Habad, Viznitz] soit trois [Bobov]. La coutume selon la Kabbala comprend dix-huit nœuds sur le loulav qui correspondent aux dix-huit vertèbres de la colonne vertébrale (Ari zal).
◆ Les nœuds pour attacher les espèces
La coutume achkenaze consiste à former un double nœud pour attacher les espèces (Kitsour Choul’han ‘Aroukh). Chez ‘Habad, on attache soi-même le loulav dans la soucca la veille de Yom tov avec trois nœuds. Les ‘hassidim de Wiznitz font un nœud, et ceux de Bobov trois nœuds (Otsar minhagué ‘Habad). Le Rema rapporte l’usage d’enrouler un fil autour des espèces, puis d’enfoncer l’extrémité dans l’enroulement. Beaucoup s’étonnent de cet usage, car si à Yom tov cette méthode est ingénieuse pour ne pas faire un nœud interdit pendant ces jours, pourquoi se contenter de cet enroulement en semaine (Michna Beroura) ?
La pochette faite de loulav tressé [« Koichiklakh »] est rapportée par plusieurs décisionnaires, mais elle fait l’objet de nombreuses critiques. Le ‘Hatam Sofer a expliqué à ce sujet qu’il incombe de suivre ce que la Tora décrit comme un embellissement, et non ce que nous imaginons l’être. Ainsi, on doit faire un double nœud avec des feuilles provenant du loulav, et ne pas utiliser ces sortes de pochettes dans lesquelles on enfonce le loulav avec les hadassim et les ‘aravoth. Malgré tout, on peut constater que certains achkenazim utilisent cette pochette et ont sur qui s’appuyer, car « il n’y a pas d’obligation d’attacher ces espèces ». Certaines pochettes composées d’un seul compartiment permettent que les espèces soient bien collées entre elles, mais celles qui sont composées de trois compartiments, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, ne permettent pas vraiment d’embellir ce bouquet car les espèces ont chacune leur place. Pour une personne qui a la coutume d’utiliser cette pochette, il faudra rajouter un double nœud sur les espèces (rav Eliachiv).
Guide pratique relatif à cette mitsva
* Comment attacher ces espèces ?
Selon les kabbalistes, on pose les feuilles de saule sur les feuilles de myrte de chaque côté du loulav, à droite et à gauche, et on les accroche et serre ensemble avec le loulav, en faisant un double nœud. On les nouera ensemble à plusieurs endroits afin que leur assemblage ne se sépare pas et qu’ils soient attachés l’un à l’autre.
D’autres ont l’habitude de les nouer en mettant les feuilles de myrte à droite du loulav et les feuilles de saule à gauche.
Il faut attacher ce bouquet de façon à ce que le myrte [hadass] soit au-dessus des feuilles de saule [‘arava], parce que le myrte est cité avant le saule dans le verset de la Tora (Wayiqra 23,40 au nom du Levouch).
* Le problème de ‘hatsitsa (interruption entre le loulav et nos mains)
Il n’y a pas ‘hatsitsa si on attrape à l’endroit du nœud, car puisque le nœud sert à embellir, il ne fait pas écran (Michna Beroura). Il s’annule par rapport au loulav, comme s’il faisait partie du corps du loulav.
* Un non-juif peut-il attacher les espèces ?
Si un non-juif attache le bouquet, il sera cacher (Rema) mais a priori on évitera cette pratique (Michna Beroura), selon le principe qu’une personne qui n’est pas astreinte à pratiquer une mitsva ne peut pas non plus l’arranger. Il en est de même pour un enfant et une femme.
* Quand les attacher ?
On liera les espèces avant l’entrée de la fête, afin de ne pas former de nœud pendant Yom Tov. Toutefois, si l’on n’a pas pu le faire à ce moment-là, il sera possible de les attacher pendant la fête en faisant un nœud coulant. Celui qui se permet de faire deux nœuds pendant Yom Tov a sur qui s’appuyer (‘Hida).
Il est permis d’arracher des feuilles du loulav pendant Yom Tov afin de les utiliser comme lien, dans la mesure où il n’y a aucune interdiction d’arracher d’un élément qui est lui-même déjà arraché.
L’unité du peuple juif
Un célèbre Midrach compare les quatre espèces à quatre types de « Juif » aux niveaux spirituels différents. Attacher ce bouquet par un nœud montre à quel point le peuple juif doit être appréhendé comme une entité. C’est cette unité qui fait d’ailleurs sa beauté, comme pour le nœud dont la vocation est d’embellir les quatre espèces. Cette union doit être forte comme un double nœud et ne pas céder à la moindre crise.
Par ‘Hai Gozlan
Kountrass numéro 179