Après Auschwitz, qui sont ces Israéliens qui choisissent de vivre à Berlin ?

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La vie à Berlin face à l’antisémitisme : un défi pour les Israéliens expatriés

Berlin, ville cosmopolite et symbole de la réconciliation, est devenue un carrefour pour de nombreux Israéliens. Cependant, ces dernières années, un climat d’antisémitisme croissant vient ternir l’expérience de vie pour certains dans la capitale allemande. Les manifestations anti-Israël, les graffitis hostiles et les agressions liées à la judéité ou au lien avec Israël soulèvent des inquiétudes. Malgré cela, nombreux sont les expatriés israéliens qui trouvent encore de la valeur à s’installer et à prospérer dans cette métropole dynamique.

L’antisémitisme en hausse : un problème qui s’aggrave

Les données recueillies par les autorités et les organismes de surveillance comme le RIAS montrent une augmentation préoccupante des actes antisémites à Berlin. Le premier semestre 2024 a déjà enregistré plus d’agressions contre des Juifs que l’ensemble de l’année précédente, avec des dégradations fréquentes des mémoriaux de la Shoah et des appels à la violence lors de manifestations. Une grande majorité de ces actes sont liés à des tensions politiques autour d’Israël, notamment dans les quartiers à forte concentration d’immigrants originaires du Moyen-Orient.

Barbara Slowik, cheffe de la police de Berlin, a mis en garde les Juifs et les homosexuels contre les risques potentiels dans certains quartiers comme Neukölln, connus pour leur soutien à des mouvements hostiles à Israël. Ces déclarations, bien que basées sur des préoccupations sécuritaires, soulignent une réalité difficile : la cohabitation dans ces zones est parfois marquée par une hostilité latente.

Des vies marquées par la résilience
Pourtant, de nombreux Israéliens installés à Berlin continuent d’apprécier la ville et ce qu’elle a à offrir. Jonathan, un expatrié de longue date, estime que malgré les défis, Berlin reste un lieu sûr et accueillant, surtout dans les quartiers majoritairement allemands.

Cependant, Jonathan admet éviter certains quartiers où la tension est palpable. « Le fait de savoir que quelqu’un pourrait vouloir me faire du mal me met mal à l’aise », confie-t-il, tout en soulignant que son quotidien est marqué par la convivialité de ses voisins et un environnement globalement serein.

De son côté, Vicky, artiste tatoueuse, a une expérience différente. Originaire de Moscou et passée par Israël, elle s’est installée à Kreuzberg, un quartier souvent mentionné pour ses graffitis anti-Israël et ses slogans en faveur de la Palestine. Bien qu’elle évolue dans un milieu où les opinions anti-israéliennes sont fréquentes, elle parvient à naviguer ces complexités avec pragmatisme, adaptant parfois son identité selon les situations.

Entre protection et adaptation
Daniel, un autre expatrié israélien, résume bien le paradoxe de la vie à Berlin. Bien qu’il ait ressenti un besoin accru de discrétion après les atrocités du Hamas en octobre 2023, il souligne l’empathie inattendue des Allemands à son égard. Travaillant dans l’hôtellerie, il a été surpris par la solidarité exprimée par ses clients après cette tragédie, parfois à un point où cela devenait émotionnellement lourd.

Cependant, l’avenir à Berlin n’est pas sans incertitudes. Les prochaines élections, qui pourraient voir la montée du parti d’extrême droite AfD, inquiètent certains expatriés, malgré les positions pro-Israël de ce dernier. Daniel, tout comme d’autres, garde ouverte la possibilité d’un retour en Israël, bien que des considérations économiques rendent cette décision complexe.

Durant la Shoah, des millions de Juifs n’ont pas eu la chance de trouver un refuge, un État qui les protège de l’anéantissement. Avant d’être assassinés dans les camps de la mort, beaucoup ont certainement cru qu’après de telles horreurs, jamais un Juif ne reviendrait vivre à Berlin, et encore moins pour le plaisir. Ils n’auraient pu imaginer qu’un jour, des citoyens israéliens choisiraient de quitter leur terre natale pour s’installer dans l’Allemagne de leurs bourreaux.

Ces expatriés volontaires incarnent une nouvelle génération pour laquelle, semble-t-il, les valeurs fondamentales du judaïsme ne représentent plus la même force. Attirés par un mode de vie matérialiste, parfois teinté des idéaux de la culture « woke », ces individus paraissent s’éloigner des héritages historiques et spirituels qui ont façonné leur identité. Être juif, pour certains d’entre eux, ne semble plus être une priorité ou un élément central de leur existence.

Dans quelques jours, le monde commémorera le 80ᵉ anniversaire de la libération d’Auschwitz, ce lieu devenu symbole des crimes les plus impardonnables de l’Histoire. La haine des Juifs y a conduit à des atrocités inimaginables. Alors, face à cette mémoire si lourde peut-on réellement vivre heureux à Berlin en étant Juif aujourd’hui ?

Il est difficile de répondre à cette question, mais il semble que ceux qui ont choisi cette vie ont, peut-être inconsciemment, tourné la page de cette mémoire tragique. Ils semblent vivre dans un présent détaché des leçons du passé, où l’identité juive est reléguée au second plan. Pourtant, l’ombre de l’Histoire demeure, nous rappelant que cette réalité ne saurait être ignorée ou oubliée.

Jforum.fr

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