Apocalypse en Italie, par Daniel Pipes

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ROME – Quand il est question des migrants et de l’islam, on ne pense pas forcément à l’Italie.

Contrairement à ses voisins du nord, l’Italie n’a pas connu de miracle économique nécessitant une importation massive de main-d’œuvre. Le pays est dépourvu de tout lien profond avec une source majeure de migration comme l’est l’Asie du Sud pour la Grande-Bretagne. Il n’a pas subi d’acte majeur de violence djihadiste comme la France. Contrairement à la Suède, il ne vit pas d’histoire d’apaisement insensé et contrairement à la Belgique il ne connaît pas de zones partielles de non-droit. Contrairement aux Pays-Bas, aucune personnalité politique anti-islam charismatique comparable à Geert Wilders n’a émergé et contrairement à l’Allemagne, aucun parti anti-immigration ne s’est mué en force politique significative.

Désormais, l’Italie et la Libye constituent les principales routes d’accès à l’Europe pour les Africains.

Toutefois, à l’instar de ses voisins du nord, l’Italie mérite qu’on s’y attarde car elle est en train de vivre un bouleversement majeur sans doute plus lourd de conséquence et à la fois plus volontairement ignoré que dans les pays du nord.

Pour commencer, il y a le paramètre géographique. Non seulement la célèbre botte italienne s’enfonce profondément dans la Méditerranée, ce qui fait du pays une cible attrayante pour les migrants illégaux vivant au bord de la mer mais en plus le territoire italien s’étend jusqu’à l’Afrique du Nord : la petite île de Lampedusa, peuplée de 6000 habitants, se situe à seulement 113 km des côtes tunisiennes et 300 km de la Libye. En 2016, 181.000 migrants, presque tous illégaux, sont entrés en Italie, pratiquement tous par la mer.

La situation était déjà suffisamment compliquée à l’époque où le Libyen Mouammar Kadhafi jouait avec le robinet de l’immigration au gré des concessions qu’il voulait obtenir de l’Italie, à l’instar de ce que fait à présent Recep Tayyip Erdoğan avec l’Allemagne. Mais depuis le renversement de Kadhafi en octobre 2011, l’anarchie qui s’est installée en Libye a rendu la situation bien plus compliquée encore. Le fait de payer Kadhafi avait au moins le mérite de l’efficacité. À présent il est infiniment plus difficile de traiter avec une myriade de barons locaux et de trafiquants d’êtres humains.

Pour accentuer cette tendance que le philosophe français Renaud Camus appelle le Grand Remplacement de populations, 285.000 Italiens ont quitté leur pays en 2016, ce qui représente une augmentation bien plus importante que les années antérieures.

Au paramètre géographique s’ajoute le paramètre historique. La présence musulmane en Sicile a duré près de cinq siècles, de 827 à 1300, et bien que moins valorisée que l’Andalousie, les islamistes s’en souviennent et, à ce titre, veulent récupérer la Sicile. Rome, siège de l’Église catholique, représente le symbole par excellence de l’ambition rageuse des islamistes ce qui fait de la Ville éternelle une cible hautement probable de violence djihadiste.

Les tendances démographiques y sont même pires qu’en Europe du Nord car l’indice synthétique de fécondité (le nombre d’enfants par femme) est de 1,3 soit bien moins que la France voisine (2.0). Le journaliste Giulio Meotti m’expliquait que l’indice en question est de près de 2,0 pour les migrants et d’environ 0,9 pour les Italiens autochtones. Certaines petites villes sont menacées d’extinction. L’une d’elles, Candela, qui a vu sa population chuter, passant de 8.000 dans les années 1990 à 2.700 actuellement, a réagi en offrant de l’argent liquide pour inciter les immigrés économiquement productifs à s’y établir. La ministre italienne de la Santé, Beatrice Lorenzin, a comparé cette tendance démographique à « une apocalypse ».

Signes des temps en Italie : des graffiti favorables aux migrants illégaux mais rejetant les touristes.

 

Ces deux facteurs combinés sont pour l’Italie annonciateurs d’une crise de civilisation. Mais la chape de silence et de déni est en voie d’achèvement. Il est vrai que la Ligue du Nord et le Mouvement Cinq Étoiles sont opposés à une immigration sans frein mais ce n’est pas là-dessus qu’ils se concentrent. S’il est inégal et condescendant dans le nord, le débat sur l’immigration et l’islamisme est bien pire en Italie. Les voix qui se sont élevées à ce sujet il y a dix ans comme Magdi Allam, Oriana Fallaci, Fiamma Nirenstein, Emmanuele Ottolenghi et Marcello Pera n’a plus aucune résonance. Le déni triomphe.

Le pape François s’est lui-même posé comme le défenseur en chef d’une immigration illimitée et d’un accueil indifférencié de tous les migrants, ce qui rend encore plus difficile une discussion sensée sur Le sujet. À cela s’ajoutent les dérives politiques et les errements du gouvernement du Premier ministre Paolo Gentiloni qui soutient les platitudes habituelles de la gauche et reconnaît à peine le séisme actuellement à l’œuvre.

Après avoir parcouru une douzaine de villes italiennes, je suis parti avec l’impression que la crise est tout simplement trop terrible pour que la plupart des Italiens puissent y faire face. Une scène capturée dans un parc de Padoue représente selon moi l’Italie de demain : sur les quatre bancs entourant une statue, on voit sept femmes italiennes, âgées, serrées sur un banc alors que huit hommes africains se répartissent sur les trois autres bancs. Cette scène résume à la fois l’aversion mutuelle et le sentiment de supériorité très présent chez les migrants.

Dans les Giardini dell’Arena de Padoue, le 25 octobre, sept femmes italiennes se serrent sur un banc alors que huit hommes africains se répartissent sur les trois autres bancs.

 

Que va-t-il falloir aux Italiens pour se réveiller et commencer à ouvrir les yeux sur cette catastrophe démographique et civilisationnelle à laquelle est confrontée leur culture d’un attrait unique ? Faudra-t-il, comme je le crains, un attentat djihadiste majeur à Rome ?

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