La désinformation est une activité souvent très bien huilée, qui ne doit rien au hasard.
En témoigne ce nouvel exemple.
L’article était en bonne place dans l’édition papier du Monde, occupant tout le haut de la page 5, photo choc à l’appui.
Signe d’une campagne savamment orchestrée, le même message a été diffusé simultanément le 12 janvier à travers les médias des grands pays occidentaux. En France, mais aussi aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne (avec une tribune directement signée dans le Guardian par le directeur de B’Tselem qui s’auto-proclame « plus important groupe de défense des droits humains en Israël ») ou en Espagne.
L’apartheid dévoyé
Disons-le d’emblée : le rapport de B’Tselem sur lequel se basent les articles est un concentré de contrevérités flagrantes destinées à diaboliser l’Etat juif.
Le mot-clé, « apartheid », est dévoyé depuis des années par les activistes anti-israéliens. Cela a commencé il y a près de 20 ans, lors de la Conférence contre le racisme organisée par l’ONU à Durban, Afrique du Sud, en 2001.
Lors de cet événement, la noble cause de l’anti-racisme avait été détournée et la mémoire de l’apartheid sud-africain instrumentalisée sans vergogne par des gens dont le seul but était de nuire à lsraël en l’assimilant à l’une des horreurs de l’histoire du XXe siècle.
B’Tselem réactualise cette opération de propagande en la faisant passer dans la presse comme une « information » sérieuse, estampillée « ONG » pour la caution morale.
L’apartheid, littéralement la « séparation », était une politique consistant à séparer des populations selon des critères raciaux ou ethniques, un groupe étant destiné à dominer les autres. C’était une institutionnalisation du racisme.
Il peut y avoir, en Israël comme ailleurs dans le monde, des inégalités. Mais les Arabes y jouissent de l’ensemble des droits dont bénéficie le reste de la population.
Ils votent. Ils disposent de représentants au parlement : il y a des députés arabes à la Knesset israélienne ; les Arabes des territoires sous administration palestinienne sont quant à eux représentés au Conseil législatif palestinien (qui ne s’est toutefois pas réuni depuis 2006, en raison non pas d’une volonté israélienne mais de dissensions entre les deux principaux partis, le Fatah et le Hamas…).
On trouve aussi des Arabes israéliens dans l’armée ou même à la Cour suprême. Ils exercent la profession de leur choix. Aucune loi ne leur interdit de s’établir dans un quartier majoritairement juif (alors que l’Autorité palestinienne interdit et punit toute vente d’immobilier à des Juifs dans les territoires qu’elle contrôle). Ils peuvent s’assoir où bon leur semble dans les transports en commun ou au restaurant.
Bref, l’analogie avec l’expérience raciste de l’Afrique du Sud est absurde. Et offensante pour la mémoire des Noirs sud-africains qui ont subi le véritable Apartheid.
La « suprématie juive », une calomnie dans l’air du temps
L’autre grande – et franchement abjecte – mystification menée par B’Tselem est de coller l’étiquette de la « suprématie juive » à Israël.
Il est vraisemblable que cette accusation n’arrive pas maintenant par hasard. Avec la transition des Etats-Unis vers une administration démocrate, un courant de pensée en vogue dans une partie de la gauche américaine va avoir le vent en poupe.
InfoEquitable a évoqué la manière dont la journaliste Bari Weiss s’est retrouvée marginalisée au New York Times, ou sévit cette idéologie qui, écrivions-nous, s’appuie sur un mélange de concepts : post-modernisme, post-colonialisme, politiques identitaires, néo-marxisme, égalitarisme absolu, « théorie critique de la race »… Elle promeut un discours où « l’homme blanc » est sommé d’expier éternellement le péché originel de la colonisation des peuples opprimés.
Dans ce tableau, les Juifs ont beau avoir été historiquement persécutés, leur particularisme les assigne au camp des « oppresseurs blancs » coupables de « white privilege » (qu’il y ait des Juifs éthiopiens n’y change rien).
Car le particularisme est insupportable pour les tenants de ces concepts : « Croire en la justesse de l’existence de l’État juif – croire au particularisme juif – c’est se faire l’ennemi de ce mouvement », explique Bari Weiss.
Mais pour qui n’est pas en proie à ces courants de pensée, l’accusation de « suprématie juive » est franchement grave. Elle est même, disons-le, antisémite, en diabolisant le peuple juif assimilé à l’extrême droite la plus dure (quasiment « nazifié », même).
Qu’elle soit proférée par une organisation basée en Israël n’y change rien. L’ancien leader du Ku Klux Klan avait utilisé l’expression dans le titre d’un livre qu’il a écrit bien avant que B’Tselem lui emboîte le pas…
Le sionisme, une question d’égalité
Il faut rappeler que l’idéologie qui a donné naissance à l’Etat d’Israël moderne, le sionisme, ne cherchait pas à doter les Juifs de droits supérieurs aux autres peuples mais bien à leur permettre de jouir d’un droit dont chaque peuple de la planète doit en principe bénéficier : le droit à l’auto-détermination.
Il s’agissait de mettre le peuple juif sur un pied d’égalité avec les autres peuples.
B’Tselem reproche à la loi fondamentale « Israël : Etat-nation du peuple juif » adoptée en 2018 d’« entériner ce droit à l’auto-détermination pour le peuple juif à l’exclusion de tous les autres ». La constitution française donne ce droit au peuple français, fait du français la seule langue officielle. Certains Basques ou Corses qui vivent en France peuvent revendiquer l’auto-détermination, mais l’insatisfaction de cette revendication ne les désigne pas pour autant comme victimes d’« apartheid » ou de « suprématie »…
Quant aux Palestiniens : pour le moment, entre le terrorisme et le refus systématique de tout plan de paix par les Palestiniens, aucune solution négociée n’a pu être trouvée. Certains peuples à l’histoire plus ancienne – les Kurdes, par exemple – n’ont pas non plus d’Etat, et le peuple juif a dû patienter 2000 ans avant de retrouver le sien.
Il serait bien trop long de démentir chaque contrevérité du rapport de B’Tselem. Israël y est par exemple accusé d’avoir divisé le territoire situé entre le Jourdain et la Méditerranée pour mieux dominer les Palestiniens.
Offensive arabe en 1948 et occupation jordanienne, occupation égyptienne à Gaza passé aujourd’hui dans les mains du Hamas qui professe ouvertement la destruction d’Israël, accords d’Oslo qui ont abouti à la création de trois zones en Cisjordanie et à l’avènement de l’Autorité palestinienne… La division existante n’a pas été dessinée sur une carte un beau matin par un cynique stratège israélien.
Bases de toute bonne désinformation : l’absence de contexte et de points de vue contradictoires
B’Tselem a été généreusement présentée par l’ensemble de ses relais comme une ONG défendant les droits humains. Le public est ainsi incité à faire confiance à cette source et à prendre l’information au sérieux.
Le hic, c’est que tous ces médias se gardent bien de donner tout élément de contexte sur cette organisation.
En quelques mots : il s’agit d’une organisation très politisée, marquée à l’extrême gauche, qui a pour but affiché de mettre fin à l’occupation israélienne des territoires palestiniens et qui mène cette bataille par des actions de communication comme celle que nous décrivons.
Comme beaucoup d’ONG oeuvrant sur ce terrain, le terme « non-gouvernemental » est très galvaudé. Le site de NGO Monitor, spécialisé dans l’analyse du fonctionnement de ces ONG, explique que plus de 11 millions d’euros ont été versés à B’Tselem par des organismes gouvernementaux entre 2012 et 2020 – y compris l’Union européenne, la France, la Grande-Bretagne, la Suisse, les pays scandinaves et d’autres…
Outre le choix de ne pas fournir ces informations au public, les relais médiatiques de B’Tselem ont largement fonctionné en mode « publi-reportage » : sans laisser à des Israéliens représentant le point de vue opposé (après tout, la position de B’Tselem est très minoritaire en Israël) la possibilité de s’exprimer.
Le Monde a raison (sur un point…)
Le correspondant du Monde, Louis Imbert, a bien tenté d’appuyer le discours de B’Tselem en citant un juriste connu pour être du même bord que l’ONG (Michel Sfard) et en invoquant le droit international avec le statut de Rome qui fait de l’apartheid un crime contre l’humanité.
Mais au détour d’une phrase, le journaliste lâche le morceau :
« Reste l’essentiel : la dénonciation d’une suprématie juive institutionnalisée. Pour fonder son raisonnement politique et non juridique, B’Tselem passe en revue les outils déployés selon elle par Israël pour garantir cet état de fait. »
Les arguties juridiques ne servent qu’à faire passer le message choisi.
Et ce message ne résulte pas d’une enquête factuelle et dépassionnée.
Il s’agit d’une campagne politique menée contre l’Etat juif.
Une campagne, ajouterons-nous, menée en des termes – « suprématie juive » – susceptibles d’attiser l’antisémitisme.