Antisémitisme et liberté d’expression sur les campus britanniques
Manfred Gerstenfeld s’entretient avec Lesley Klaff
« On assiste à une escalade de l’antisémitisme sur :es campus universitaires britanniques depuis 2001. Cette année-là, la Conférence mondiale de l’ONU contre le « Racisme » à Durban, en Afrique du Sud, a accusé Israël de racisme, d’apartheid, de nettoyage ethnique, de tentative de Génocide et de crimes contre l’humanité.
« Les antisémites des campus ont dissimulé leurs attaques contre Israël, dans un langage déformé à souhait, issu des Droits de l’Homme. Souvent, ils promeuvent l’idée que le « Sionisme est un racisme » et qu’Israël est un « Etat d’occupation coloniale ». Ce narratif comprend aussi l’équation mettant à égalité les Israéliens, les Sionistes ou tout simplement les Juifs avec les Nazis. En dehors de cela, il fait la promotion de BDS, un programme politique global, dont le buit est de détruire Israël. Les partisans étudiants des Palestiniens stigmatisent fréquemment les Etudiants juifs pro-Israéliens comme étant des « apologistes du Racisme », « des Partisans de l’Apartheid », des « racistes ou simplement des « Nazis ».
Lesley Klaff est Maître de Conférence principale en Droit à l’Université Sheffield Hallam et membre des Juristes britanniques pour Israël, une ONG qui offre des conseils juridiques bénévoles et une assistance aux victimes d’antisémitisme.
« Le narratif antisioniste sur les campus britanniques est particulièrement aigu au cours des conflits armés entre Palestiniens et Israël. La période qui a fait suite au début de l’Opération Bordure Protectrice, à l’été 2014, a été particulièrement mauvaise. Les sociétés d’Etudiants favorables à la « Palestine » diabolisaient Israël et les Israéliens.
« Au Royaume-Uni, il existe un Bureau du Conciliateur Indépendant pour l’Enseignement Supérieur (OIA). Son objectif est d’étudier les plaintes contre les universités, afin de décider si telle plainte donnée est bien justifiée, partiellement justifiée ou non justifiée.
« J’ai été impliquée dans un dossier contre une Université, ouvert par un étudiant juif qui se faisait harceler par des membres de la Société des Etudiants pour la Palestine. L’université a décidé de ne requérir aucune action contre la Société pour la Palestine. L’étudiant a alors déposé plainte contre cette université à l’OIA. Celle-ci a démontré en 2016 que la plainte de l’étudiant était « partiellement » justifiée.
L’OIA a recommandé que l’université offre des compensations à hauteur de 3.000 lires sterling à l’étudiant. Le décompte decdette somme se subdivisait comme suit : 2.500 livres sterling pour avoir refusé de répondre de façon appropriée à la plainte de l’étudiant et 250 livres pour le retard dans l’examen de la plainte. Une somme supplémentaire de 250 livres a été offerte parce que l’université a insinué que l’étudiant a porté plainte parce qu’il était sous l’influence de personnes extérieures (sous-entendu, dans le cadre d’un complot contre l’université).
« Il y a un problème général qui relève du fait que les administrateurs de l’université sont analphabètes en matière de langage antisémite et d’iconographie caractéristique de l’expression antisioniste. Un problème central dans tout cela concerne la « liberté d’expression » sur le campus. Il y a une tendance dans l’université en Grande-Bretagne à croire que la liberté d’expression sur le campus est absolue. Beaucoup pensent que l’université est le « marché aux idées » et que cela signifie que les points de vue peuvent être librement échangés,mais s’ils provoquent des insultes.
« Cette métaphore de la place du marché aux idées est périmée. La liberté d’expression est circonscrite par plusieurs lois britanniques conçues pour promouvoir l’égalité raciale, religieuse, sexuelle et relative au handicap sur le campus, afin d’empêcher le harcèlement et la discrimination et de promouvoir l’égalité des chances dans l’enseignement. Beaucoup d’universités sont incapables de prendre en considération ces lois, facilitant ainsi l’épanouissement de l’antisémitisme sur le campus.
« Beaucoup de problèmes sont dus au fait que les universitaires en Grande-Bretagne confondent le principe de liberté d’expression avec la liberté académique. La liberté universitaire signifie , d’abord et avant tout, le droit des universités à rester libres et indépendantes à l’égard de l’ingérence de l’Etat et de la politique. En outre, les universitaires anglais sont libres de mettre à l’épreuve le sens commun et d’exprimer des points de vue contradictoires sans risquer d’être limogé. La liberté académique comprend aussi le droit des universités de désigner des équipes et d’admettre des étudiants et de décider ce qu’on veut leur enseigner et quelles recherches entreprendre.
« Pourtant, la perception de nombreux universitaires – que la liberté académique veut dire la même chose que liberté d’expression absolue – est totalement fausse et trompeuse. Cette confusion entre la liberté universitaire et la liberté absolue d’expression signifie que les visions antisémites d’Israël, du Judaïsme et des Juifs sont souvent considérées tout au plus comme de la controverse, éventuellement injurieuse.
« Beaucoup d’universités britanniques sont incapables de remplir les contraintes juridiques qui leur sont imparties par la loi sur l’enseignement (N°2) de 1986. Sa section 43 requiert que les universités doivent assurer la liberté d’expression sur le campus dans le cadre de la loi, pour ses membres et les orateurs en visite dans son enceinte, ainsi que pour les « étudiants et les employés. Cela veut dire qu’il n’y a aucun devoir de laisser s’exprimer des orateurs propageant la haine sur le campus au nom de la ‘ »liberté d’expression » ou de la « liberté universitaire » et qu’il y a, par contre, un devoir de mener une évaluation du risque dans ces cas-là. Cela veut aussi dire que l’université devrait assurer la sécurité et la liberté d’expression d’un orateur israélien en visite.
« Jusqu’à récemment, il y avait un autre problème important : aucune définition généralement acceptée de l’antisémitisme n’existait. Cependant, en décembre 2016,le Royaume-Uni est devenu le premier pays à adopter officiellement la définition de l’antisémitisme de l’Alliance Internationale pour la Mémoire de la Shoah. Le Gouvernement a recommandé à la police, aux Conseils,aux Universités et aux organismes publics, d’utiliser cette définition afin d’aider ces organismes à décider si un incident est antisémite ou pas. Les forces de police du Royaume-Uni l’emploient déjà à cet effet. On ne peut qu’espérer que si elle est adoptée par les universités, cette définition rendra plus facile pour les étudiants juifs de porter des plaintes ayant une chance d’être entendues, pour harcèlement antisémite. En cas de rejet, ils pourront porter le dossier devant l’OIA ».
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