De Sciences Po à Rennes 2: face à l’antisémitisme, la lâcheté domine dans l’enseignement supérieur
Par Judith Waintraub
DÉCRYPTAGE – Pour Samuel Lejoyeux, président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), les responsables des facs et des grandes écoles redoutent de s’attaquer au problème.
Ce lundi 18 mars, Samuel Lejoyeux a passé sa matinée au commissariat. Il a déposé plainte pour provocation à la haine et à la discrimination dans le cadre de l’affaire Sciences Po : une étudiante juive qui s’est vu interdire l’entrée d’un happening propalestinien, le 12 mars, dans l’amphi Boutmy, au motif qu’elle serait «sioniste». Le mot a été entendu par plusieurs témoins présents mais pas par la jeune fille, qui a pu pénétrer dans l’amphi occupé après avoir appelé l’administration à la rescousse.
« Mort à Israël, mort aux Juifs »
L’enseignement supérieur est devenu l’un des lieux d’expression privilégiés d’une haine antijuive en augmentation exponentielle. Fin janvier, deux jeunes femmes et un jeune homme de l’UEJF, qui collaient des affiches en faveur de la libération des otages du Hamas agrémentées de tags « Non à l’antisémitisme » près de l’université de Strasbourg, ont été tabassés par un groupe de six personnes. À Nanterre, où le député LFI Antoine Léaument a improvisé un meeting sur la pelouse du campus le 10 octobre, des étudiants juifs sont sommés de condamner Israël. On ne compte plus les inscriptions « Mort à Israël, mort aux Juifs » dans cette fac gangrenée par l’extrême gauche islamiste depuis les années 2000. À Rennes-2, des banderoles proclament le soutien inconditionnel aux Palestiniens. Dans d’autres facs, des portraits d’otages ont été arrachés quelques heures après avoir été placardés.
L’antisémitisme est une question qui dérange plutôt qu’un problème à combattre. Elle est traitée avec une forme de lâcheté alors qu’elle devrait être aussi essentielle que la réussite des étudiantsn Samuel Lejoyeux, président de l’Union des étudiants juifs de France
Face à cette déferlante, la consigne «tolérance zéro», lancée par la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau dès le 9 octobre aux responsables d’établissements, a fait long feu. « Tant que la pression médiatique a duré, les présidents d’université n’ont pas pu s’autoriser le “pas de vague”, analyse Samuel Lejoyeux. Mais quand elle s’est relâchée, les vieux réflexes sont revenus. De façon générale, l’antisémitisme est une question qui dérange plutôt qu’un problème à combattre. Elle est traitée avec une forme de lâcheté alors qu’elle devrait être aussi essentielle que la réussite des étudiants, l’insertion professionnelle ou les classements de Shanghaï. Il faut des cellules de signalement des actes de haine visibles, des modules de formation obligatoires, bref arrêter de traiter l’antisémitisme comme un sous-sujet. »