Antisémitisme: la lâcheté domine dans l’enseignement supérieur

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De Sciences Po à Rennes 2: face à l’antisémitisme, la lâcheté domine dans l’enseignement supérieur

Par Judith Waintraub

DÉCRYPTAGE – Pour Samuel Lejoyeux, président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), les responsables des facs et des grandes écoles redoutent de s’attaquer au problème.

Ce lundi 18 mars, Samuel Lejoyeux a passé sa matinée au commissariat. Il a déposé plainte pour provocation à la haine et à la discrimination dans le cadre de l’affaire Sciences Po : une étudiante juive qui s’est vu interdire l’entrée d’un happening propalestinien, le 12 mars, dans l’amphi Boutmy, au motif qu’elle serait «sioniste». Le mot a été entendu par plusieurs témoins présents mais pas par la jeune fille, qui a pu pénétrer dans l’amphi occupé après avoir appelé l’administration à la rescousse.

Les images du meeting et le récit des événements ont été diffusés le jour même sur X (ex-Twitter) par l’Union des Etudiants juifs de France (UEJF). La ministre chargée de la lutte contre les discriminations Aurore Bergé a été la première à réagir en postant: « Ce qui s’est passé a un nom: l’antisémitisme. » Gabriel Attal et Emmanuel Macron lui-même ont pris la suite, le Premier ministre annonçant qu’il allait saisir la justice. Les représentants de toutes les sensibilités politiques ont pris fait et cause pour l’étudiante, à l’exception de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon a parlé d’«incident dérisoire» et plusieurs de ses affidés sont allés encore plus loin, en mettant en doute les témoignages et en accusant l’UEJF d’instrumentaliser l’antisémitisme pour faire taire les voix palestiniennes.
Raison pour laquelle Samuel Lejoyeux a aussi déposé plainte pour diffamation contre le député LFI Aymeric Caron et la candidate sur la liste mélenchoniste aux européennes Rima Hassan. « On est en lien avec un Palestinien de Sciences Po et son association, elle, ne cautionne pas ce qui s’est passé à Boutmy, soupire le leader étudiant. Notre problème, ce n’est pas la défense de la cause palestinienne, mais les mouvements qui s’en servent pour diffuser l’antisémitisme. »
Au premier rang desquels LFI mais aussi le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), très actifs tous les deux dans les milieux étudiants, et une myriade de syndicats d’extrême gauche comme Solidaires ou de collectifs comme Le Poing levé, émanation du NPA. Des groupuscules comme l’Union juive française pour la paix ou Tsedek, «collectif juif décolonial» leur servent d’idiots utiles. Une trentaine d’étudiants de Sciences Po se réclamant de Tsedek ont signé – de leurs seules initiales ! – un communiqué de soutien à l’occupation de l’amphi Boutmy, ce qui leur a valu un vibrant « Merci jeunes gens, un million de fois merci ! » de Jean-Luc Mélenchon. « Il y a les bons Juifs et les mauvais Juifs » ironise Samuel Lejoyeux.

« Mort à Israël, mort aux Juifs »

L’enseignement supérieur est devenu l’un des lieux d’expression privilégiés d’une haine antijuive en augmentation exponentielle. Fin janvier, deux jeunes femmes et un jeune homme de l’UEJF, qui collaient des affiches en faveur de la libération des otages du Hamas agrémentées de tags « Non à l’antisémitisme » près de l’université de Strasbourg, ont été tabassés par un groupe de six personnes. À Nanterre, où le député LFI Antoine Léaument a improvisé un meeting sur la pelouse du campus le 10 octobre, des étudiants juifs sont sommés de condamner Israël. On ne compte plus les inscriptions « Mort à Israël, mort aux Juifs » dans cette fac gangrenée par l’extrême gauche islamiste depuis les années 2000. À Rennes-2, des banderoles proclament le soutien inconditionnel aux Palestiniens. Dans d’autres facs, des portraits d’otages ont été arrachés quelques heures après avoir été placardés.

L’antisémitisme est une question qui dérange plutôt qu’un problème à combattre. Elle est traitée avec une forme de lâcheté alors qu’elle devrait être aussi essentielle que la réussite des étudiantsn Samuel Lejoyeux, président de l’Union des étudiants juifs de France

Face à cette déferlante, la consigne «tolérance zéro», lancée par la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau dès le 9 octobre aux responsables d’établissements, a fait long feu. « Tant que la pression médiatique a duré, les présidents d’université n’ont pas pu s’autoriser le “pas de vague”, analyse Samuel Lejoyeux. Mais quand elle s’est relâchée, les vieux réflexes sont revenus. De façon générale, l’antisémitisme est une question qui dérange plutôt qu’un problème à combattre. Elle est traitée avec une forme de lâcheté alors qu’elle devrait être aussi essentielle que la réussite des étudiants, l’insertion professionnelle ou les classements de Shanghaï. Il faut des cellules de signalement des actes de haine visibles, des modules de formation obligatoires, bref arrêter de traiter l’antisémitisme comme un sous-sujet. »

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