Lior, la trentaine, et sa femme ont quitté leur commune du Val-de-Marne, meurtris par la haine et les insultes antisémites de leurs voisins.
C’est, pour lui, une « impression de défaite face à l’antisémitisme, un sentiment de lassitude, l’impression d’avoir abandonné, d’avoir baissé les bras, d’avoir aussi été lâché par les autorités locales ». « Mais à la fin, on en a marre d’être victime, on ferme les yeux et on s’en va », confie Lior.
Il y a quelques mois, ce trentenaire, analyste économique, et son épouse entrepreneuse ont quitté leur logement en proche banlieue cossue du Val-de-Marne, meurtris par les attaques antisémites d’un couple de retraités habitant dans leur immeuble. Ils ont emménagé dans une commune voisine.
« Une alya contrainte et forcée, juste pour survivre, mais aussi un grand soulagement », résume ce fils de rabbin. Comme eux, des milliers de juifs en quête de tranquillité et de sécurité ont quitté leur quartier ces dernières années, pour trouver refuge dans un autre, où ils espèrent ne plus être pris pour cible en raison de leur confession.
« Je ne mettais plus la kippa dans la résidence »
Retour en arrière, vers ce que Lior considère comme « l’enfer ». Quand il achète en 2017 son appartement, le trentenaire, qui a toujours pu vivre sa foi comme il l’entendait, est loin de se douter qu’il va devoir affronter la haine. « J’étais dans une super ville avec une forte communauté juive, où tout se passait bien », décrit-il.
« Les problèmes ont démarré quand on a mis la mezouza », explique le jeune marié, faisant référence à l’objet de culte juif fixé au chambranle de la porte d’entrée d’une demeure. « Ma femme a commencé par se faire insulter derrière la porte, par la fenêtre, par deux personnes âgées qui répétaient les mots : juif ! Juif ! Juif ! Elle était aussi traitée de sale pute », raconte-t-il.
« Ces voisins voulaient nous empêcher de faire Chabbath. Tous les vendredis soir, ils mettaient la radio à fond, c’était du tapage nocturne, du harcèlement pour qu’on craque », affirme-t-il. « Au début, on parlait à voix basse avec les amis qu’on conviait autour d’une belle table. Mais petit à petit, on n’invitait plus personne, je ne mettais plus la kippa dans la résidence. Lors de Chabbath, on essayait de passer le moins de temps possible chez nous, on allait chez les parents et beaux-parents », poursuit-il.
Il envisage un exil aux États-Unis ou en Australie
Au fil des semaines, le duo continue d’être la cible d’un « antisémitisme primaire et sournois, dans la théorie du complot, lié à une faiblesse culturelle et intellectuelle ». « C’était : Vous les Juifs, vous n’êtes pas Français, Vous les Juifs, vous avez le pouvoir… Pour eux, le juif est un étranger, une sous-catégorie qu’on tolère mais qui doit faire le dos rond. Ils prenaient soin de ne pas laisser de traces écrites pour ne jamais tomber sous le coup de la loi », dénonce celui qui adore son pays et verse souvent une larme quand « la Marseillaise » retentit.
À plusieurs reprises, il alerte le commissariat. « Les policiers sont venus les voir mais ça n’a rien changé », regrette-t-il. « On était partagé entre le faut qu’on résiste et le faut qu’on parte. Finalement, au bout d’un an de tensions permanentes, on est partis », souffle ce grand costaud. L’appartement dont ils sont propriétaires est alors mis en location. Ils en louent un autre à quelques kilomètres de là. Le traumatisme reste vif.
« Ma femme ne peut pas en parler, elle pleure à chaque fois », regrette-t-il. Lior n’exclut pas de s’exiler un jour aux États-Unis ou en Australie, par exemple. « Si j’ai une opportunité de vivre mieux ailleurs mon judaïsme, en toute sérénité, pourquoi je me priverais ? Je suis sceptique sur la qualité de vie pour un Juif en France, sur le bonheur d’être juif ici », conclut-il.
Source www.leparisien.fr