Depuis le début des années 2000, les actes antisémites ont été ont été multipliés par cinq. On en recense en moyenne 500 chaque année. L’antisémitisme ordinaire commence parfois par de très mauvaises blagues. Dans cet extrait d' »Envoyé spécial », Rose dit avoir été harcelée pendant un an à l’université. Encore fragile, elle préfère témoigner anonymement.
A la rentrée 2017, Rose est en deuxième année de médecine à la faculté de Bobigny. Son nouveau groupe d’amis pratique, dit-elle, « un humour noir, sur les Portugais, les Noirs, les musulmans, les homosexuels, les Juifs, les migrants… » Sur les réseaux sociaux, dans des discussions privées, les clichés antisémites (comme « Rien n’est gratuit chez les Juifs ») vont bon train.
Pour certains, ils seraient au fil des mois devenus une obsession. Jusqu’à établir un classement des « bons » et des « mauvais » Juifs. « Ça me fait penser à ce qui se passait sous l’Allemagne nazie, commente Rose. Lorsqu’on répertoriait les Juifs, et qu’après on les envoyait dans les camps parce qu’on avait des listes de Juifs. Là, ils sont en train de faire une liste de Juifs. »
Clichés antisémites et « classement » sur les réseaux sociaux
Rose dit stop. Selon elle, on l’accuse de manquer d’humour et de ne pas comprendre le second degré. Elle affirme qu’un jour, l’une de ses camarades l’a accueillie par un salut nazi. Elle prend ses distances avec le groupe. Quelques mois plus tard, elle va découvrir que ces « blagues » ont pris une tournure encore plus inquiétante.
Lors de l’organisation du week-end d’intégration 2019, sur un fil de discussion, l’un des étudiants propose comme thème « les Juifs vs les nazis ». Un autre surenchérit en choisissant son rôle : « Je suis Hitler, c’est réservé. » Sur un photomontage figurant une affiche pour l’événement, « la présidente du week-end grimée en soldat nazi, et la photo d’un étudiant juif brûlant dans des flammes ».
Thème du week-end d’intégration : « les Juifs vs les nazis »
« Je ne comprends pas comment on peut rire de six millions de Juifs assassinés, s’indigne Rose, au bord des larmes. Je ne comprends pas comment on peut nous classer comme des animaux. On ne fait pas ça en 2019, dans une faculté de médecine. On vient tous de milieux favorisés, donc on n’est pas dans l’ignorance. J’estime qu’à aucun moment ça ne peut être une forme d’humour. »
Rose a choisi de briser la loi du silence. Elle a porté plainte contre huit de ses camarades. Elle dit avoir été mise à l’écart, et a changé d’université. Suite à sa plainte, un seul des étudiants a été sanctionné par une commission disciplinaire. Les autres ont bénéficié d’un non-lieu de la part de l’université, qui considère que ces messages appartiennent à la sphère privée. Rose s’est constituée partie civile pour que soit ouverte une nouvelle enquête. Le harcèlement en ligne, aggravé d’antisémitisme, est passible de prison.
Source www.francetvinfo.fr