Analyse : Macron et l’information : la tentation totalitaire

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Par Jean-Marc Lévy, vice-Président d’Israël Is Forever Alsace

Hasard calculé ? Le symbole est si fort que la réponse est sans doute dans la question. C’est en effet le jour même de l’hommage à Robert Badinter, ce grand Français épris de liberté et de justice que parfois il idéalisa, que le gouvernement des juges avança une nouvelle fois ses pions.

La décision du Conseil d’Etat obligeant l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, anciennement CSA) à mieux contrôler la pluralité et la liberté d’expression de la chaine CNEWS est une atteinte très grave à la liberté d’expression et à l’indépendance de l’ARCOM et un nouveau coup de boutoir de la haute justice administrative. Dans un pays qui a la particularité unique au monde de décompter le temps de parole de son personnel politique, c’est un coup de billard à trois bandes ayant pour objet la censure officielle, le fichage politique des journalistes et des intervenants et leur décompte de temps de parole sur les plateaux de télévision, notamment à CNEWS. Ce faisant et alors que le juge est censé être la bouche de la loi (Montesquieu), la bouche des juges du Conseil d’Etat fabrique une nouvelle loi écrasant la loi Léotard du 30 septembre 1986, viole donc la loi dont il se réclame et viole le principe de séparation des pouvoirs.

Il convient d’abord de rappeler que les attributions du Conseil d’Etat qui est la plus haute juridiction administrative sont, d’une part, de conseiller le Gouvernement, l’Assemblée Nationale et le Sénat et, d’autre part, d’être le juge suprême de l’administration pour trancher les litiges entre administrations et administrés après les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. Il convient également de noter que l’ARCOM a, dans son dernier rapport, donné quitus à la chaîne d’information CNEWS de remplir ses obligations de pluralité (0,3% de l’ensemble des programmes annuels pourrait poser question). Il convient enfin de rappeler que la décision du Conseil d’Etat fait suite à un recours de l’ONG Reporters sans Frontières, jadis honorablement connue pour sa lutte pour la liberté d’expression dans le monde, mais reconvertie par les successeurs de Robert Ménard son fondateur, en officine de délation d’extrême-gauche chargée de traquer les mal-pensants et les dissidents à la doxa officielle.

Invité mercredi 14 février à s’exprimer sur CNEWS dans l’émission de Pascal Praud (L’Heure des Pros) face à Charlotte d’Ornellas, Eric Naulleau, Georges Fenech, Olivier Dartigolles et Florian Tardif, plateau dont chacun jugera de la pluralité, le délateur Christophe Deloire fut incapable de présenter un seul argument apte à soutenir son recours présenté devant le Conseil d’Etat et gratifia les téléspectateurs d’un grand moment de télévision : son naufrage en direct.

Le même jour dans l’après-midi, à l’Assemblée Nationale, était adopté le projet de loi sur les dérives sectaires ; son tendancieux article 4 surnommé loi anti-Raoult crée un délit à l’abandon de traitement médical puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. Comme le reconnaît lui-même le président de la commission contre les dérives sectaires, il s’agit moins d’une loi contre les dérives qu’une loi pour « bâillonner les gens qui ne veulent pas obéir à une science d’Etat. » A peine votée, on faisait justement remarquer que cette loi n’aurait pas permis au docteur Irène Frachon de dénoncer le scandale du Médiator et pose question sur la liberté du patient face à son traitement : faudra-t-il passer par une décision de justice pour le changer ou l’abandonner ? On marche sur la tête !

Dans le cas CNEWS, comme dans celui de cet article de loi tendancieux, c’est la liberté d’expression et de pensée, la pluralité et la diversité des opinions ou même le rôle essentiel du doute qui est en jeu. C’est en effet dans une France orwelienne où l’antiracisme est un racisme, l’antifascisme est un fascisme, la liberté est une coercition qu’une doxa de gauche saint-simonienne, européiste, immigrationniste, pro-LGBT, anti énergie nucléaire, anti-israélienne et pro-palestinienne, écologiste tendance punitive et décroissantiste, flirtant avec le wokisme et l’antisémitisme et convaincue que l’Homme est l’unique responsable du réchauffement climatique, ne supportant ni la contradiction ni le réel entend museler et réprimer toute opinion hétérodoxe. Alors que CNEWS est régulièrement prise pour cible par le Conseil d’Etat et l’ARCOM (directive anti-Zemmour du CSA en septembre 2021) et même menacée par certains ministres macroniens (deux fois par l’ancienne ministre de la culture Madame Abdul Malak), le service public ou des chaînes qui assument publiquement de ne pas accueillir de représentants du RN, des climato-sceptiques, des médecins vaccino-sceptiques ou qui tiennent des propos antisémites avérés (sur France Inter, la moustache de Zemmour et le prépuce de Netanyahou) ne sont jamais rappelés à l’ordre et sont traitées avec une mansuétude qui ne peut s’expliquer que par la connivence de l’extrême-gauche médiatique et culturelle avec le pouvoir macronien : les premiers lui servent la soupe et votent in fine pour lui et, en retour, sont assurés d’un financement pérenne et dispendieux : plus de quatre milliards d’euros pour l’année 2024, dont plus de 600 millions d’euros pour Radio France dont la pluralité bien connue va de la gauche à l’extrême-gauche.

Pour motiver son injonction, le Conseil d’Etat s’appuie sur un rapport de François Jost, sémiologue et professeur en sciences de l’information. Ce rapport qui est d’une grande faiblesse intellectuelle fonde pourtant la décision de justice du Conseil d’Etat et pose un sérieux problème de méthodologie. Vieux de deux ans déjà, ce rapport a été établi sur quinze jours par « l’étude » comparée de la chaîne CNEWS avec BFMTV (sic) sur trois tranches (une matinale, une méridienne et une vespérale) et l’auteur qui, présentant sa méthodologie, affiche un totalitarisme goguenard et rigolard tout en se prétendant humaniste, explique l’objectivité de son analyse et l’assignation de tel ou telle journaliste à l’extrême-droite par la référence au quotidien Le Monde et par le consensus généralisé – « tout le monde le dit… » – de la bourgeoise culturelle et médiatique de gauche gravitant entre le boulevard Saint-Germain et le Café de Flore. Quand l’intelligence a déserté, il ne reste que l’intolérance !

Depuis longtemps déjà, une certaine gauche s’autoproclame cercle de la raison et défenseuse des libertés, mais pratique en réalité le double standard, le conflit d’intérêts et installe à bas bruit le gouvernement des juges par la réduction des libertés individuelles. Incarnée d’abord par François Hollande qui viola les convictions les plus intimes des Français en matière de sexualité, de famille ou d’identité régionale, la rééducation forcée des Français s’intensifie comme jamais sous Emmanuel Macron. Dans l’imaginaire collectif occidental moderne, le dictateur a souvent le profil du petit moustachu au bras tendu, du barbu militaire en treillis ou du général soviétique ou sud-américain bardé de décorations clinquantes, mais le modèle historique doit être réactualisé à la lumière d’un jeune président élu en 2017 et réélu en 2022 qui se comporte comme un autocrate narcissique et manipulateur, obsédé par le contrôle total et ne supportant ni la contradiction ni l’opposition politique ni même la confrontation avec le réel. La marque des deux quinquennats d’Emmanuel Macron est celle d’une très grande régression démocratique où les réductions des libertés individuelles et la tentation du contrôle prédominent : loi de «lutte contre la manipulation de l’information» dite loi sur les fake news, révisionnisme d’Etat (entêtement macronien à rendre hommage au maréchal Pétain, pourtant frappé d’indignité nationale , réhabilitation de la dhimmitude, réécriture (FLN-compatible) de la présence française (et juive) en Algérie, colonisation qualifiée de crime contre l’humanité, réécriture de l’histoire des Harkis, votes systématiquement en faveur des résolutions révisionnistes contre Israël à  l’UNESCO et l’ONU), ainsi que cette tyrannie sanitaire et cet hygiénisme d’Etat qui a assumé « d’emmerder » les Français forcés à la vaccination quasi-obligatoire par un Ausweis de la honte. L’injonction du Conseil d’Etat est le dernier coup liberticide d’Emmanuel Macron qui a nommé Christophe Deloire, l’auteur du recours, comme délégué des Etats généraux de l’information. Un délégué dont la dernière actualité a été de refuser la participation de Boulevard Voltaire à ces Etats généraux. Mais quel type de régime politique a besoin d’asseoir sa légitimité, ses discours et son action sur une réduction des libertés individuelles, sur une falsification historique permanente et sur le contrôle de l’information ?

Dans ce paysage sociétal et médiatique où les chaînes mainstream hébergent nombre de journalistes militants ou procureurs qui distribuent généreusement le miel ou servent la soupe à leurs amis politiques, et se métamorphosent en rottweilers, bave aux crocs, pour interroger leurs opposants politiques, y compris sur le service public payé par les impôts des Français, la chaîne CNEWS dénote par son fast-checking directement puisé aux sources de la réalité quotidienne des Français. Comme hypothèses de ce ciblage particulier, on pourrait citer ses audiences record la plaçant en première position des chaînes d’information. Un esprit chagrin pourrait également pointer le positionnement original de la chaîne CNEWS depuis le 7 octobre qui ne renvoie pas dos à dos les terroristes du Hamas et les victimes israéliennes, qui donne la parole aux survivants de l’attaque et aux anciens otages et qui a été la seule à diffuser le documentaire Supernova – massacre à la rave party, qui vient démolir le récit médiatique convenu d’une prétendue résistance luttant contre une prétendue oppression. Une troisième clé de lecture pourrait enfin se trouver dans le rapport de ceux qui fabriquent l’information avec la réalité. L’auteur de ces lignes a souvent rongé son frein devant les débats vifs entre Charlotte d’Ornellas et Laurent Joffrin, face aux dénis de réalité de ce dernier ; l’émission s’est hélas arrêtée par suite du départ de CNEWS de l’ancien directeur de Libération : il y a en effet un moment où quand l’idéologie est impuissante à masquer la réalité, les idéologues battent en retraite. C’est la raison principale du refus de certains de répondre aux questions des journalistes de CNEWS ou même de venir débattre. C’est là aussi tout le problème de CNEWS : montrer une réalité – celle par exemple d’une gauche prétendument humaniste qui installe des migrants sur les collines de crack ou la réalité de l’islamisation du pays et d’une France orange mécanique – qu’un système médiatique complaisant et engagé s’efforce d’occulter. C’est enfin l’éthique d’un appareil médiatique et sondagier, dont l’asymétrie et le tropisme idéologiques de gauche comme la complaisance et l’indulgence pour une extrême-gauche courtisée en permanence malgré sa violence publique démentent toute impartialité, qui est en question. Tout comme la déontologie de journalistes présentant une information souvent biaisée ou tronquée, correspondant parfaitement à leurs partis-pris et où la malhonnêteté intellectuelle n’est surpassée que par le révisionnisme. Avec la complicité objective du CSA ou de l’ARCOM aux abonnés absents.

Dans une France où la consanguinité des pouvoirs et des contrepouvoirs – les Présidents de la Cour des Comptes, du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat sont tous trois socialistes – est en train de tuer la démocratie, il est possible que l’ARCOM utilise la censure au nom de la liberté d’expression. Une situation totalement orwellienne, mais pas sans arrière-pensées à un an de la réattribution de 15 fréquences à des chaines de la TNT. Chargée de ficher idéologiquement les chroniqueurs, les éditorialistes ou les invités, l’officine de contrôle qu’essaie d’installer Emmanuel Macron pourrait alors être renommée, comme le propose le sociologue Mathieu Bock-Coté : Service de la Transparence Audiovisuelle Supervisant l’Information. La STASI. Alors que la liberté d’expression ne s’use que lorsque l’on ne l’utilise pas, dans un espace informationnel monolithique qui cultive depuis des années l’entre soi et la même idéologie, CNEWS par sa pluralité apporte un vent de fraîcheur, une certaine forme de contrepouvoir bienvenu et constitue, pour beaucoup de Français, un phare dans la nuit voire un nouvel espoir. Dès lors, quoi de plus normal que l’empire contre-attaque !

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