Michaël Oren (notre photo) : Israël navigue sur un terrain diplomatique périlleux en Ukraine. Il existe d’importants pièges sécuritaires et éthiques sur cette voie.
(27 février 2022) Depuis les temps bibliques, le peuple d’Israël a dû naviguer sur le terrain difficile entre des puissances mondiales qui s’affrontent. Maintenant, nous revoilà, en Ukraine, devant manœuvrer entre la Russie et l’Occident. Le terrain cette fois-ci est extrêmement difficile, avec d’importants pièges en matière de sécurité et d’éthique en jeu. D’une part, notre situation sécuritaire nous oblige à garder ouverts tous les canaux avec la Russie. Au cours des sept dernières années, depuis que les forces russes sont entrées dans la guerre civile syrienne, Tsahal a réussi à éviter toute collision frontale avec Moscou, malgré la campagne intensive d’Israël pour déloger l’Iran du pays déchiré par la guerre.
De plus, en tant qu’État-nation du peuple juif, Israël doit prendre en compte le bien-être des près de 800 000 Juifs vivant en Russie, en plus des 200 000 Juifs vivant en Ukraine qui pourraient se retrouver sous occupation russe. À la lumière de ces considérations, il est facile de comprendre la décision du Premier ministre israélien Naftali Bennett de s’abstenir de dénoncer la Russie et son agression en Ukraine. Cependant, un aspect opposé à ces considérations est en jeu, en particulier à la lumière de la détermination du peuple ukrainien à combattre bec et ongles l’armée russe. Israël, en tant que pays épris de liberté, peut-il maintenir sa neutralité ? L’État juif peut-il rester les bras croisés alors qu’une rébellion populaire – dirigée par un Juif – combat des chars et des avions à réaction avec des armes légères et des cocktails Molotov ?
Et pourtant, il existe également de puissants contrepoints stratégiques et liés à la sécurité à ces arguments moraux.
Exemple : l’ancien secrétaire américain à la Défense, William Cohen, s’est demandé ce week-end sur CNN : « Où en est Israël sur la question ukrainienne, alors qu’il dit que c’est notre allié le plus important au Moyen-Orient. Le maintien d’une neutralité complète pourrait également nuire au soutien à Israël parmi les Juifs américains, qui est tendu pour commencer ces jours-ci. Enfin, peut-être convient-il également de se demander : pourquoi Israël a-t-il si peur de la présence militaire russe en Syrie ? Après tout, cette force se compose de quelque 4 000 hommes et de quelques dizaines d’avions. Notre projection apparemment constante d’appréhension nuit-elle à notre image et à nos capacités de dissuasion dans la région ? Il est important de noter ici que malgré nos demandes répétées, Moscou a choisi de continuer à vendre certains des systèmes d’armes les plus avancés au monde à nos ennemis. Le Hezbollah au Liban, et même le Hamas à Gaza sont équipés d’armes russes, et la Russie a construit la centrale nucléaire de Bushehr, en Iran, et a promis d’en construire huit autres en République islamique.
Notre objectif en tant qu’Etat juif fort et éthique
Comme indiqué, naviguer dans cet environnement est extrêmement périlleux et oblige Israël à marcher très légèrement. D’une part, il doit garder autant de canaux ouverts avec le président russe Vladimir Poutine et doit continuer à se soucier du bien-être des Juifs ukrainiens et russes, y compris la possibilité d’une absorption massive d’immigrants. D’autre part, Israël ne doit pas rester silencieux – pas face au combat courageux du peuple ukrainien, qui pourrait rappeler la résistance acharnée à l’occupation soviétique après la Seconde Guerre mondiale ; et non face à l’opinion publique aux États-Unis, notre allié le plus important. Israël devrait continuer à offrir ses services de médiateur et continuer à fournir un soutien humanitaire et médical au peuple ukrainien. Nous devons également maintenir notre objectif en tant qu’État juif fort et éthique.
JForum – Jewish News Syndicate
