« Dans la comptabilité macabre des djihadistes, tuer des enfants juifs, c’est le top ». Auteur de « Merah, l’itinéraire secret » (Nouveau monde éditions, 19 euros) Alex Jordanov retrace le parcours du terroriste qui a affolé la France en mars 2012 avant d’inspirer toute une génération d’apprentis djihadistes français. Saisissant.
Actualité Juive : Vous relevez avec beaucoup de minutie le nombre d’impairs, de ratés, de pistes non exploitées par la police et les renseignements pour arrêter Mohammed Merah avant qu’il ne soit trop tard. Comment expliquez-vous une telle série de mauvais choix ?
Alex Jordanov : Il y a des rivalités en haut de l’appareil policier et de la pyramide administrative française. C’est souvent de l’ego mal placé, des intérêts particuliers, et malheureusement cela a coûté la vie à des enfants et des militaires. On a dit que Merah était sorti et rentré de son appartement sans que personne ne le rencontre. Je peux révéler à Actualité Juive que ce n’est pas exact ! D’après les policiers toulousains sur place, quand Merah revient de sa virée nocturne après avoir appelé France 24, certains le reconnaissent, d’autres hésitent… La période électorale est également à prendre en compte. Il est de notoriété publique que les conseillers de Nicolas Sarkozy se sont posé des questions sur l’impact des attentats sur la campagne. J’imagine qu’à gauche c’était pareil. Le pouvoir a également privilégié pendant les trois premiers jours la piste de l’extrême droite. C’était une idée grotesque.
A.J.: Vous citez également l’incroyable témoignage du directeur du contre-espionnage toulousain devant le juge.
Alex J. : C’était la personne, avec « Hasan » l’agent traitant, qui connaissait le mieux Merah. Il a proposé son aide et demandé à plusieurs reprises aux magistrats de pouvoir accéder aux réunions de crise après les meurtres de militaires. On le lui refusera.
A.J.: « Un pistolet israélien qui a tué des Israéliens, des Juifs » se réjouira Merah devant les policiers après la tuerie de l’école Ozar Hatorah. Vous montrez pourtant que l’établissement ne devait pas au départ être ciblé…
Alex J. : Merah avouera en effet qu’il ne prévoyait pas initialement de viser l’école. Il voulait ce jour-là « taper » des militaires qui n’étaient finalement pas chez eux et il a trouvé un « plan B ». Il connaissait bien sûr l’école, mais lorsqu’il sort de chez lui à l’aube, ce 19 mars 2012, il ne prévoit pas de l’attaquer. Il avait une dent contre les militaires. Pour un des théoriciens d’Al Qaïda, Abou Moussab Al Souri, il faut viser les Juifs mais pas les synagogues, les événements sportifs et les « apostats » militaires et policiers. Ozar Hatorah était donc potentiellement sur la liste d’Al Souri. Les frères Tsarnaïev à Boston en 2013, Nemmouche à Bruxelles l’année suivante, Coulibaly en janvier : ils ont tous suivi cette liste. C’est le djihad « low cost ». On frappe souvent, « petit », pour créer un impact médiatique puissant et récurrent. Il faut dégoûter les Occidentaux, les pousser à l’affrontement.
A.J.: Comment caractériseriez-vous la haine antijuive de Merah ?
Alex J. : Son frère Abdelkader n’a pas du tout apprécié que l’aîné, Abdelghani, soit marié à une femme qu’ils considéraient « juive », alors que techniquement celle-ci était catholique. Il y avait, dans les cercles autour de Merah, son oncle, son frère, un entourage qui lui rappelait en permanence la haine à avoir contre les Juifs.
A.J.: Le livre dévoile d’ailleurs une chose incroyable : son frère Abdelkader avait tenté dans le passé de se convertir au judaïsme…
Alex J. : C’était un délinquant, spécialisé dans le trafic de stupéfiants. Un des hommes les plus dangereux du quartier toulousain des Izards. On le surnommait « Ben Laden »… Un jour, il décide de « se laver » de qui il est. Il rencontre alors un rabbin qui lui explique le long processus de conversion dans le judaïsme. Cela l’a rapidement découragé. Il s’est également intéressé à la Bible, trop contradictoire à son goût.
Source www.actuj.com