Un moment décisif… mais aussi redouté par les parties civiles. Les juges d’instruction en charge de l’affaire Sarah Halimi, retraitée de 65 ans de confession juive défenestrée dans la nuit du 3 au 4 avril 2017 depuis son HLM du XIe arrondissement de Paris, ont convoqué ce mercredi matin, à 10 heures, les proches de la victime : les frères et sœurs, ainsi que ses enfants, tous domiciliés en Israël depuis le drame. Mais aussi la famille Diarra, voisins de la sexagénaire chez qui Kobili Traoré, meurtrier présumé, s’est invité pour enjamber leur balcon.
Au cœur de cette réunion de parties civiles (la première) : « La notification de conclusions d’expertise », selon les termes de la convocation. Alors que les magistrates avaient jusqu’ici notifié de tels résultats par mail, elles ont souhaité cette fois-ci leur en fait part de vive voix. Et pour cause, selon nos informations, le collège de trois experts mandatés en avril pour examiner à nouveau le suspect conclut à « l’abolition du discernement » de ce dernier au moment des faits.
En clair : Kobili Traoré n’était pas en pleine possession de ses actes lors de cette nuit funeste et serait irresponsable pénalement. Des conclusions en forme de coup de théâtre : elles ouvrent la voie à un non-lieu, synonyme d’absence de procès. Traoré, qui est toujours dans une unité pour malades difficiles (UMD) dans un établissement spécialisé, serait alors interné.
Des préjugés antisémites
Selon le collège d’experts, le meurtrier présumé était complètement délirant lorsqu’il a sauvagement frappé à mains nues, puis avec le combiné d’un téléphone, Sarah Halimi, avant de la jeter vivante du troisième étage aux cris « d’Allah Akbar » et de « Sheitan ». Cet état de folie ne s’expliquerait pas uniquement par sa consommation de cannabis.
La conclusion du rapport de ce collège d’experts contredit celles des rapports rédigés par le docteur Zagury. Ce dernier avait examiné à plusieurs reprises Kobili Traoré. Il avait diagnostiqué chez lui une « bouffée délirante » induite par la prise de stupéfiants, de nature à altérer son discernement, mais pas à l’abolir. Le suspect, selon le psychiatre, restait accessible à une sanction pénale. Quant à l’antisémitisme présumé de Traoré, ni l’enquête ni les experts n’ont pu déterminer que celui-ci était habituellement habité par une haine anti-juive. Les spécialistes estiment, en revanche, plausible que son trouble psychotique ait pu réveiller des préjugés antisémites lors de son passage à l’acte.
Pendant son dernier interrogatoire, au cours duquel il a été mis en examen avec la circonstance aggravante de l’antisémitisme, Traoré avait expliqué « être malade », tout en reconnaissant que la vue d’un chandelier et d’une Torah chez Sarah Halimi l’avait « oppressé ».