La chronique de Michèle MAZEL
«Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, ne parvient pas à trouver de nouveaux alliés arabes à Israël» titrait Le Monde le 28 août. Depuis, le vénérable quotidien n’a pas jugé nécessaire d’informer ses lecteurs de nouveaux développements dans la région. Une délégation israélienne a atterri au grand jour à l’aéroport international d’Abou Dhabi ? Il y a eu des discussions, une feuille de route a été préparée, un premier accord conclu ? La belle affaire. Voila des dizaines d’années que les deux parties coopèrent – en toute discrétion certes, mais personne n’est dupe.
Des sportifs israéliens ont pu participer à des compétitions ; on a même pu entendre l’hymne national israélien. Bref, Israël et les Emirats n’ont fait qu’officialiser leurs relations. Rien de plus qu’un geste du prince héritier Mohammed Ben Zayed pour faire plaisir à son allié américain, duquel il attend en contrepartie la vente d’avions de chasse ultra-perfectionnés – une vente à laquelle Israël est pourtant farouchement opposé. Pour un peu, on nous dirait que Jérusalem a lâché la proie pour l’ombre et s’est laissé berner par un émir qui pourrait lui donner des leçons de machiavélisme.
Même si les premiers résultats sont plus que positifs : «À peine les Émirats arabes unis ont-ils reconnu officiellement l’État d’Israël, écrit Le Figaro, que des projets communs voient le jour : connexions téléphoniques, vols directs, vaccin contre le coronavirus. Il s’agit d’une toute nouvelle amitié mais aussi, de part et d’autre, de contrats dont le montant se chiffre en millions de dollars». Inutile donc de s’attendre à ce que d’autres pays s’engagent à leur tour.
Évidemment, il y a bien eu cette première liaison commerciale. Rien d’étonnant bien sûr, si l’on excepte l’itinéraire choisi. Il passait par l’espace aérien de l’Arabie saoudite. Un pays qui, selon les commentaires éclairés des médias, serait bien le dernier à faire la paix avec l’État hébreu. Le roi ne porte-t-il pas fièrement le titre de Gardien des deux hauts lieux de l’islam, la Mecque et Médina ? Il se chuchote bien que les Saoudiens eux aussi collaborent en sous-main avec l’État hébreu, notamment pour des questions de sécurité, mais de là à passer outre au tabou palestinien, il y a un pas que même le fringant prince héritier n’oserait pas franchir.
Non, c’est une fois encore pour faire plaisir aux Américains, et notamment à Jared Kushner, le gendre du président Trump qui se trouvait à bord, que les autorités saoudiennes ont laissé un avion d’El Al traverser le pays du nord au sud sur près de deux milles kilomètres, et ce faisant, passant tout près de façon sacrilège des deux hauts lieux de l’islam mentionnés plus haut. Une traversée reprise 24 heures plus tard du sud au nord dans les mêmes conditions.
Seulement comment alors interpréter la nouvelle qui vient de tomber ? Selon Le Figaro du 2 septembre, «l’Arabie saoudite vient d’annoncer l’autorisation du passage sur son espace aérien des avions en direction des Emirats arabes unis et en provenance de tous les pays». Tous les pays – et donc d’Israël. Nul doute que là encore les commentateurs trouveront une explication.