Un émissaire de l’émirat a vu sa visite perturber par des manifestants, dans un contexte de rivalités avec l’Egypte.
Jusqu’au bout, la visite de Mohammed al-Emadi dans la bande de Gaza aura suscité des émotions contrastées. La visite médiatisée de l’envoyé du Qatar, lundi 19 février, devait témoigner de la volonté de l’émirat de continuer à peser dans un dossier dont sa diplomatie a fait une de ses priorités. Onze jours plus tôt, une conversation téléphonique s’était tenue entre le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad al-Thani. Un échange politiquement sensible après l’intégration par les Etats-Unis de M. Haniyeh sur la liste noire des terroristes dans le monde. Las, Doha n’a pas l’intention de lâcher son allié gazaoui, alors qu’il est lui-même soumis au blocus de l’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis et de l’Egypte depuis juin 2017. Et l’émirat est bien décidé à se servir de son vecteur de puissance favori à cet effet : son carnet de chèques. Depuis la dernière guerre entre Israël et le Hamas il y a trois ans et demi, environ 800 millions de dollars ont été investis par le Qatar dans la bande de Gaza. « Nous confirmons par nos relations avec les deux parties qu’elles ne sont pas intéressées par l’escalade ou par une confrontation qui pourrait enflammer toute la région », a déclaré Mohammed al-Emadi.
800 millions de dollars investis par le Qatar
Cette fois, c’est une aide de neuf millions de dollars qu’est venu promettre l’émissaire à des Gazaouis englués dans une crise économique profonde dont la gravité fait l’objet de discussions parmi les responsables politiques et militaires israéliens, partagés sur le constat et conséquemment sur la réponse à y apporter. Cette somme sera destinée à l’achat de médicaments, de fuel mais aussi d’équipements pour les établissements de santé. Parmi eux, l’hôpital Dar al-Shifa où al-Edmadi tient une conférence de presse. Depuis, le 10 février, une grève a été déclarée par les huit cent trente cinq personnels d’entretien de l’établissement, dont le salaire n’a pas été versé depuis cinq mois. Le contentieux résume à lui-seul l’imbroglio intérieur palestinien. Depuis la signature de l’accord de réconciliation avec l’Autorité palestinienne, le 12 octobre, le Hamas n’entend plus prendre en charge les factures émises par les sociétés privées chargés par le ministère de la Santé à Gaza d’assurer le ménage dans les hôpitaux du territoire. Opposition catégorique de Mahmoud Abbas qui met en avant des arriérés dus au Trésor palestinien par le ministère gazaoui. Venu annoncer des aides pour dar al-Shifa, sans se prononcer sur le sort des salaires gelés, Mohammed al-Emadi va se transformer en bouc-émissaire des frustrations des employés. Manifestation, chaussures jetées sur son véhicules, drapeaux du Qatar déchirés, la scène fait la Une des médias du Golfe, ravis de voir dans l’épisode le déclin de popularité de l’émirat à Gaza. D’aucuns y ont vu au contraire une initiative bien préparée, dont l’instigateur ne serait autre que Mahmoud Dahlan, ancien chef des forces préventives de l’AP et favori de l’Egypte pour la succession de Mahmoud Abbas. Objectif : saper l’influence du Qatar pour imposer Le Caire comme l’acteur incontournable de toute sortie de crise entre rivaux palestiniens et, in fine, entre Palestiniens et Israéliens.
La concurrence égypto-qatarie dans ce dossier a même trouvé un prolongement dans un grand hôtel de la ville. Selon des médias arabes, des hauts responsables sécuritaires égyptiens auraient refusé de séjourner au Al-Mashtal après avoir appris que la délégation qatarie y avait posé ses bagages.
Source www.actuj.com