Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage. Ce proverbe s’applique parfaitement au Hamas qui cherche un prétexte pour se débarrasser de quelques opposants, souvent d’ailleurs membres du Fatah. Au lieu de restructurer ses services de sécurité et de changer ses chefs inefficaces, il transfère la responsabilité de ses échecs sur de simples citoyens. Devant l’incurie des dirigeants face aux commandos israéliens, la panique s’empare des leaders du Hamas qui ne trouvent rien de mieux que de s’en prendre aux lampistes. La méfiance règne parmi les miliciens et cela n’est pas bon pour la cohésion des groupes armés.
Le 3 septembre 2022, le Hamas a exécuté deux hommes palestiniens coupables selon lui d’avoir fourni des informations à Israël. Les hommes exécutés, âgés de 43 et 49 ans, n’ont pas été identifiés, mais le ministère de l’Intérieur du Hamas a publié des photographies de leur pendaison. Il a assuré dans un communiqué que les condamnés étaient coupables d’avoir espionné au profit d’Israël pendant plus d’une décennie. Selon le Centre palestinien pour les Droits de l’homme et la Commission indépendante des droits de l’homme, un total de 16 Palestiniens ont été exécutés dans la bande de Gaza et 42 ont été condamnés à mort par les tribunaux du Hamas depuis que ce dernier a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007. Il s’agit pour le Hamas de décourager les Palestiniens de vendre à Israël des informations sur la localisation des terroristes les plus importants ou des sites de fabrication d’armes.
Le Hamas est coutumier des actions violentes contre les informateurs présumés. En avril 2012, trois hommes palestiniens, dont un condamné pour collaboration avec Israël, avaient été pendus. En novembre 2012, six hommes soupçonnés de fournir des informations à Israël ont été publiquement traînés dans les rues de Gaza et exécutés devant une foule en délire. Selon des témoins, des informateurs avaient été arrêtés à une intersection dans le nord de Gaza, où ils ont été abattus pour avoir fourni des renseignements à Israël.
Le 25 mai 2017, le Hamas avait exécuté trois hommes, deux par pendaison et le troisième par un peloton d’exécution après l’assassinat du chef militaire Mazen Faqha qui avait été libéré des prisons israéliennes dans la cadre de l’accord Shalit. Comme pour un spectacle de Son et Lumière, des centaines de personnes ont été autorisées à assister aux exécutions afin que la leçon soit mieux transmise à ceux qui prendraient le risque de collaborer avec Israël. Souvent les corps sont offerts à la foule pour un lynchage après la pendaison
Ashraf Abu Leila, 38 ans, et Hisham al-Aloul, 42 ans, ont été pendus pour avoir «collaboré avec l’ennemi sioniste». Pour les mêmes raisons, Abdallah al-Nashar, 38 ans, membre du Fatah, avait été fusillé ; il devait cette faveur à sa qualité d’ancien officier de la garde présidentielle. Cet empressement à assassiner un proche de Mahmoud Abbas donne à penser que toutes les excuses sont bonnes pour éliminer la contestation à Gaza. Bien sûr, le Hamas publie les prétendus aveux des trois hommes, qui, selon Amnesty International ont été jugés «au mépris absolu des normes internationales en matière de procès équitable».
À nouveau le 3 décembre 2018, le général Nasser Suleimane, avait annoncé que six Palestiniens ont été condamnés à mort, et huit autres à des années de travaux forcés, par le tribunal militaire de Gaza pour avoir espionné en faveur d’Israël : «Les condamnés à mort ont fourni des informations à l’occupation qui ont abouti au martyre de certains citoyens et à nuire à notre peuple mais aucun n’est impliqué dans l’assassinat de résistants palestiniens». Les procès à huis-clos ont été bâclés et des lampistes servent encore de victimes expiatoires. Ils ont été accusés d’être en contact avec Israël.
Depuis la prise du pouvoir du Hamas à Gaza en 2007, au moins 97 personnes ont été condamnées à mort et exécutées sans que les organisations internationales, d’ordinaire si promptes à réagir quand Israël tue un Palestinien, n’aient soulevé ce problème douloureux. Une citoyenne israélienne de 55 ans avait été condamnée par contumace pour avoir aidé l’un des siens à fuir mais elle se trouve en sécurité en Israël. Huit autres Palestiniens ont également été reconnus coupables d’espionnage et condamnés à des peines allant de six à quinze ans de travaux forcés.
La loi palestinienne exige que le président de l’Autorité ratifie toutes les condamnations à mort avant leur exécution. Mais il y a bien longtemps que le Hamas se passe de l’avis de Mahmoud Abbas. D’ailleurs geste suprême, les agences palestiniennes de presse ont imposé une chape de plomb sur ces informations qui ont été purement et simplement censurées. Il est de plus en plus courant que les milices sécuritaires de Gaza lancent des répressions contre des espions présumés. C’est un moyen de détourner l’attention sur les problèmes réels et de se débarrasser des militants actifs du Fatah. Les suspects sont toujours traduits en justice à huis clos tandis que les médias sont empêchés de couvrir la procédure.
C’est pourquoi, des groupes de défense des Droits de l’Homme accusent le Hamas de tuer des dizaines de personnes de manière extra-judiciaire. Selon Omar Shakir, directeur de Human Rights Watch pour Israël et les territoires palestiniens : «S’empresser de condamner à mort des personnes, c’est ne pas privilégier la primauté du droit. La peine de mort est une pratique barbare et toujours erronée, quelles que soient les circonstances ». Par ailleurs les familles des suppliciés ne savent jamais quand les exécutions de leurs proches ont lieu.
Cependant le général Suleimane a mis en garde la population de Gaza contre «les tentatives de l’occupation israélienne d’exploiter la pauvreté des Palestiniens et les pousser à tomber dans la collaboration en échange de l’aide. Il a surtout mis en garde les jeunes de rentrer en contact avec des occupants israéliens». Il est certain que ces mesures expéditives radicales dénotent un désarroi au sein du Hamas et risquent d’être contre-productive car elles créent une atmosphère de suspicion généralisée qui ne peut bénéficier qu’à Israël.
Quand un régime pend facilement ses citoyens, c’est le signe qu’il ne contrôle plus sa région et qu’il est contraint à des mesures extrêmes pour éviter que la population ne tourne le regard vers des ennemis qui deviennent de plus en plus leurs sauveurs. Pour de nombreuses victimes, la mort devient une libération quand l’espoir a définitivement quitté la population.