À gauche, le bal des prétendants pour gouverner

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À gauche, le bal des prétendants pour Matignon

Les leaders du Nouveau Front populaire s’activent depuis dimanche soir pour tenter de gouverner le pays. Avec quel Premier ministre ? Les candidats ne manquent pas.

Par Michel Revol

C’est concis, clair, mais… vague. L’article 8 de la Constitution indique que « le président nomme le Premier ministre ». C’est tout. Rien n’indique que ledit Premier ministre doit être issu de l’Assemblée nationale ni qu’il doit être député de la coalition ou du groupe majoritaire. Le chef de l’État peut aussi refuser de nommer untel ou untel. Voilà pour le texte. La réalité politique et institutionnelle est différente. C’est là que ça se gâte.

La pratique veut que le Premier ministre soit choisi parmi le parti ou la coalition majoritaire, si cette dernière est assez homogène pour s’entendre sur un nom. Ce n’est pas le cas du Nouveau Front populaire (NFP), qui arrive en tête des groupes au Palais-Bourbon avec 182 députés. Au sein de l’alliance des gauches, La France insoumise (LFI) revendique le fait d’être le parti le plus puissant en nombre, mais le Parti socialiste lui conteste cette première place. « On est à touche-touche », assure ainsi Christophe Clergeau.

Cet eurodéputé, membre de la direction du PS, prévoit que, le 18 juillet, jour où chaque député devra se rattacher à un groupe, celui du PS dépassera celui de LFI. François Ruffin, Clémentine Autain ou encore Alexis Corbière ont d’ores et déjà annoncé qu’ils quittaient le groupe des Insoumis, affaiblissant son poids numérique. Mais ces mêmes députés ont aussi appelé mardi de leurs vœux la création d’un groupe regroupant les écologistes, les communistes et les « divers gauche », ce qui ne ferait pas le jeu du PS.

Mélenchon met la pression

Mais, pour l’heure, LFI affirme conserver la première place, avec 71 députés contre 64 pour les socialistes. Les Insoumis veulent donc qu’Emmanuel Macron nomme l’un des leurs à Matignon. Jean-Luc Mélenchon s’y verrait bien, même si la grande majorité des membres du NFP ne veut pas de lui, jugé trop clivant. Comme pour montrer qu’il ne fait pas de sa personne un préalable, le leader des Insoumis avance d’autres noms pour Matignon. Tous font partie de sa garde rapprochée : Manuel Bompard et Clémence Guetté, voire Mathilde Panot.

Ces trois députés LFI font surtout figure de pions politiques pour Jean-Luc Mélenchon. En limitant ses favoris à Matignon à un trio de fidèles (et à lui-même), l’ex-trotskiste veut garder ses troupes soudées autour de lui. Il a le même but lorsqu’il affirme qu’un futur gouvernement de gauche appliquera « tout le programme et rien que le programme » du Nouveau Front populaire : Jean-Luc Mélenchon veut apparaître comme le gardien du temple radical pour conserver autour de lui un socle ferme de militants et d’élus opposés aux « traîtres » qui oseraient se compromettre, à Matignon, avec Emmanuel Macron.

À la marge des Insoumis, plusieurs candidats tentent de pousser leur avantage. François Ruffin et Clémentine Autain sont les anti-Mélenchon dont les noms reviennent le plus souvent pour succéder à Gabriel Attal. Les deux semblent compatibles avec les partis partenaires du NFP. Mais le point d’équilibre du NFP n’est-il pas plus central, vers le PS ? Par ailleurs, aucun n’a d’expérience gouvernementale. S’ils sont tous les deux originaires d’Amiens, les discussions entre François Ruffin et Emmanuel Macron, le premier ayant qualifié le second de « taré » il y a quelques jours, risqueraient d’être compliquées…

Olivier Faure en rêve, Boris Vallaud envoie des signaux

Le Parti socialiste est le plus gros pourvoyeur de candidats potentiels, surtout depuis que les calculettes semblent montrer la domination de son groupe au sein du NFP. Olivier Faure est l’un de ceux-là. « Il en rêve », dit un éminent socialiste. Valérie Rabault, ex-patronne des députés PS, faisait figure de favorite, mais elle n’a pas été réélue dans le Tarn-et-Garonne.

Son successeur au groupe PS, Boris Vallaud, arrive en bonne place dans le bal des prétendants. Le député des Landes était au cœur des négociations de l’alliance de gauche, et connaît bien Emmanuel Macron. Il était son condisciple à l’ENA et a travaillé avec lui (voire contre lui) lors du mandat de François Hollande à la présidence de la République : Boris Vallaud était secrétaire général adjoint de l’Élysée lorsqu’Emmanuel Macron dirigeait Bercy. Les deux hommes se sont toutefois opposés, notamment sur la loi du travail. L’élu landais envoie des signes depuis quelques jours. Mardi matin, sur BFMTV, il a par exemple soutenu l’idée d’un gouvernement du NFP appuyé sur un « front républicain » au Palais-Bourbon. Il a aussi affirmé qu’un compromis sur la réforme des retraites, totem du NFP, était envisageable.

Les noms d’autres figures circulent dans les rangs socialistes : Johanna Rolland, maire de Nantes, et son homologue de Marseille, Benoît Payan, tous deux très impliqués dans le NFP, ainsi que Carole Delga, présidente de la région Occitanie. François Hollande semble hors du coup. L’ex-président de la République, qui rêve de revanche sur Emmanuel Macron, s’accommoderait sans doute mal d’être situé à un rang hiérarchique inférieur à celui qu’il considère comme un traître, malgré le fait qu’il concentrerait plus de pouvoirs que lui. En revanche, il pourrait viser la présidence de l’Assemblée, voire le Quai d’Orsay, comme il le confie à des proches.

Hors des partis, les outsiders

À la lisière du Parti socialiste, on trouve aussi Raphaël Glucksmann. Le leader de Place publique, qui a aidé la social-démocratie à relever la tête avec son bon résultat aux européennes, plaît à une frange des socialistes. Mais ses rapports avec Olivier Faure semblent se tendre. De surcroît, l’eurodéputé ne participe pas, ou très peu, aux réunions entre les leaders du Nouveau Front populaire.

D’autres ténors dont le nom circule ont carrément le statut de recours hors des partis. C’est le cas de l’ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve, épouvantail pour LFI (qui l’accuse d’avoir permis la mort d’un militant lors d’une manifestation sur un barrage en 2014), ou encore de l’ex-leader de la CFDT Laurent Berger. Avancée après les européennes par Raphaël Glucksmann, cette hypothèse a été plusieurs fois démentie, auparavant, par Laurent Berger.

On conclura cette liste non exhaustive par Marine Tondelier. La cheffe de file des Écologistes bénéficie d’un engouement depuis quelques jours, ce qui est aussi la preuve qu’un autre nom surgira peut-être dans les prochaines heures. Le temps presse : les partenaires du NFP veulent aller vite pour désigner leur candidat à Matignon, de crainte qu’Emmanuel Macron ne les prenne de vitesse en nouant un accord avec Les Républicains (LR) ou d’autres formations…

JForum.fr avec www.lepoint.fr

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