A Berlin, renaissance d’une synagogue détruite lors de la « Nuit de Cristal »

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Au cœur du quartier multiculturel de Kreuzberg, une synagogue va être reconstruite à l’initiative d’un élu d’origine palestinienne. L’ancien bâtiment avait été presque totalement détruit lors de la « Nuit de Cristal ». La fille de l’ancien architecte du bâtiment va l’inaugurer.

Elle se tient là, frêle et digne, sous le chaud soleil de mai. Beate Hammett a fait le voyage de Sydney à Berlin. Sa famille lui a payé le billet d’avion pour son 90e anniversaire. À l’automne dernier, elle avait appris par la presse australienne qu’une synagogue allait être reconstruite à Berlin.

Son père, Alexander Beer, avait dessiné les plans de l’ancien bâtiment principal, dont l’intérieur avait été détruit par les nazis lors de la « Nuit de Cristal ». Les murs extérieurs avaient été achevés par les bombardements alliés de 1944. Beate Hammett avait neuf ans lors de la nuit de saccage des biens juifs, le 9 novembre 1938.

Sa mémoire d’enfant rescapée a effacé beaucoup d’épisodes traumatisants mais elle se souvient que « les nazis avaient tiré mon père du lit pour qu’il assiste à l’incendie de sa synagogue préférée ». Alexander Beer était l’un des architectes de la communauté juive. Beate ne l’a plus revu après cette nuit-là : il fut assassiné au camp de Theresienstadt en 1944. Elle a profité de l’avant-dernier « Kindertransporte » en 1939 pour s’enfuir, d’abord en Angleterre, puis en Australie où elle a fait sa vie. « Dans ma petite valise, témoigne la dame dont les yeux perlent de larmes, ma mère m’a mis des choses très curieuses. Par exemple, des jumelles d’opéra. Elle a dû penser que j’en aurais besoin un jour. Et puis j’ai pris ma poupée ‘Peter’ qui a voyagé avec moi. Une poupée garçon, ce qui n’était pas courant à l’époque. Je les ai remis au musée juif de Sydney. »

« La vie juive fait partie de l’ADN de Berlin »

En allemand, elle a écrit une lettre au président du curatorium pour la reconstruction de la nouvelle synagogue. Ils se sont donné rendez-vous. Cet homme, c’est Raed Saleh, un élu berlinois du SPD. « La vie juive fait partie de l’ADN de Berlin », souffle le social-démocrate né en Palestine pour expliquer son implication à la tête d’une fondation rassemblant des personnalités de tous bords. La décision de reconstruction actée en octobre dernier doit maintenant poursuivre son long chemin jusqu’à la pose de la première pierre, prévue en 2023.

La mairie de Berlin prévoit de donner deux millions d’euros pour une construction dont le coût devrait s’élever à 25 millions d’euros. Raed Saleh a fait un don (« Je ne serais pas un bon musulman si je ne participais pas moi-même ») et lance un appel à la générosité en faveur d’un « projet symbole de notre nouvelle Allemagne, à laquelle on appartient tous, peu importe qu’on soit chrétien… Et c’est pour cela que cet endroit au cœur de Berlin, au cœur de l’Europe, au milieu d’un quartier très multiethnique est le bon endroit. Comme on dit : celui qui construit reste ». Le besoin se fait sentir avec la renaissance de la vie juive à Berlin. Aux immigrants soviétiques des années 80 a succédé la venue de hipsters israéliens, argentins, français.

« C’est une nouvelle renaissance qui s’annonce »

« Il y a bien 30 000 à 40 000 Juifs qui vivent à Berlin », estime Dekel Peretz. Cet Israélien dirige l’association « Synagogue Fraenkelufer » et montre du doigt dans une aile de l’ancien bâtiment épargné par les flammes des photos prises par le grand photographe américain Robert Capa.

Elles montrent quelques Juifs rescapés lors de Roch Hashana, le Nouvel an juif, en septembre 1945. « C’est une nouvelle renaissance qui s’annonce », sourit M. Peretz. Le nouveau bâtiment accueillera en son sein « un lieu de prière mais aussi un jardin d’enfants, un café casher, un centre culturel… »

Une initiative suivie dans le monde entier : un dîner de charité organisé aux États-Unis a par exemple permis à l’association d’engranger un don de 3 000 euros.

Source www.dna.fr

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