Parachath Vayigach : “Et maintenant, ne vous affligez point.” (Beréchith 45,5).
En 1911, le célèbre procès Beilis eut lieu, intenté contre un Juif, Mendel Beilliss (notre photo), accusé faussement d’avoir tué un enfant chrétien près de Kiev, pour utiliser son sang dans la confection de Matsot. Tout le monde juif fut en émoi, pria et agit pour le sauver.
L’un des arguments invoqués contre lui par la partie adverse était le suivant, s’appuyant sur un texte de nos Sages : “Vous êtes nommé ‘Adam” et les nations du monde ne sont pas nommées “Adam” : c’est la preuve, prétendirent-ils, que les non-Juifs sont considérés par les Juifs comme des animaux qu’il est permis de tuer.
Le rav Méir Chapira zatsal envoya une lettre à l’avocat de Beilis, pour lui suggérer de répondre pour sa défense, ce qui contribua à acquitter Beilis.
Voici les termes de sa réponse : “L’idée de nos Sages est que le terme Adam est un terme au singulier qu’il n’est pas possible de dire au pluriel, et c’est pourquoi seuls les Bené Israël portent cette appellation de Adam, car ils ne sont pas divisés en pluriel, mais sont considérés comme un seul homme, et le procès Beilis le prouve : un seul Juif est accusé et des Juifs dans le monde entier se mobilisent et agissent en sa faveur, ce qui n’est pas le cas lorsqu’un citoyen russe ou français est assigné en justice. Cela prouve que le peuple juif est comme un seul homme, contrairement aux nations du monde divisées en plusieurs groupes, et chez lesquelles la préoccupation pour le sort d’autrui n’exist pas.”
Cette unité se remarque toujours lorsqu’un Juif se trouve dans la détresse : tous les Juifs se mobilisent pour lui porter secours, mais lorsque la situation s’inverse, et que ce Juif obtient une position de pouvoir, parfois ces mêmes Juifs qui l’ont aidé sont susceptibles de devenir ses ennemis, mus par la jalousie. Ce trait se retrouve chez les Juifs encore plus que chez les nations du monde
A ce sujet, on raconte une anecdote au sujet de rav Chimchon Wertheimer zatsal de Vienne, qui était un proche du roi Léopold Maestreich. Le monarque l’interrogea un jour : pour quelle faute le peuple d’Israël n’a-t-il pas encore été libéré de l’exil ? Le rav réfléchit quelques instants et répondit que c’était dû à la jalousie et à la haine gratuite. Mais le roi n’était pas d’avis que la jalousie et la haine gratuite étaient très présentes chez les Juifs, et de ce fait, le roi lui imposa de revenir une semaine plus tard avec une réponse plus pertinente.
Lorsque rabbi Chimchon entendit les propos du roi, il rentra chez lui et s’adressa à D’ et on lui annonça du Ciel que la réponse qu’il avait donnée était la bonne et qu’il ne devait pas revenir sur ses propos, et du Ciel, on orchestrera les événements afin que le roi le comprenne.
Cette semaine-là, il advint que le roi se trompa de chemin au plus profond de la forêt, jusqu’à ce qu’il arrive dans un village, où un Juif résident du village lui offrit un repas chaud et un logis. Le roi lui en fut très reconnaissant, et lui demanda à la fin : “Que souhaitez-vous ? Je pourrai vous l’accorder.” L’homme répondit : “Si votre majesté désire m’offrir un beau cadeau, il y a un Juif qui réside dans un village non loin d’ici, Reouven, qui vient chaque semaine acheter des marchandises et des peaux, et il gagne beaucoup d’argent : que le roi lui ordonne dorénavant de ne plus venir dans mon village.”
Lorsque le roi entendit ces propos, il répondit : “Je comprends dès lors que rabbi Chimchon avait raison, car la jalousie et la haine entre les Juifs est très présente, et c’est la raison pour laquelle vous êtes encore bloqués en exil.”
Le Maharal de Prague zatsal rapporte dans son ouvrage Netsa’h Israël (chapitre 25) qu’un savant non-juif lui avait demandé la cause de cette haine entre Juifs. Le Maharal lui avait longuement répondu que c’était dû à l’intelligence du peuple juif, et ce défaut de la jalousie était fortement présent pour leur permettre de se hisser au niveau de la kinat sofrim, de l’envie d’être aussi fort qu’autrui, qui accroît l’intelligence. Or, certains en font un usage erroné en s’en servant pour humilier les autres, mais n’éprouvent pas en leur for intérieur de haine véritable. Le Maharal rapporta une preuve : lorsqu’un Juif est dans une situation de détresse, on se conduit avec lui comme un frère et on tente de l’aider, car tout le peuple juif est uni, et chacun a pitié de son prochain.
Nous retrouvons cette idée dans la paracha que nousavons lue : Yossef Hatsadik avait extrêmement bien réussi en termes de spiritualité et de matérialité, et les tribus éprouvèrent de la jalousie à son égard, ce qui les incita à le juger défavorablement, en l’accusant d’être hautain et médisant, au point qu’ils décidèrent qu’il était tenu de mourir : ils le jetèrent dans un puits rempli de serpents et de scorpions, puis le vendirent ensuite comme esclave.
Après qu’ils l’eurent vendu et que la haine se dissipa, l’union entre les enfants d’Israël réapparut et ils comprirent qu’ils s’étaient fourvoyés. Ils se rendirent ensuite en Egypte, chacun entra par un autre portail pour chercher Yossef, dans le but de le racheter pour n’importe quelle somme qu’il leur réclamerait. Lorsque Yossef emprisonna Chim’on jusqu’à ce qu’ils ramènent Binyamin, ils regrettèrent encore plus le mauvais traitement qu’ils avaient infligé à Yossef, comme il est dit (Beréchith 42,21) : “En vérité nous sommes punis à cause de notre frère ; nous avons vu son désespoir lorsqu’il nous criait de grâce et nous sommes demeurés sourds.”
Yossef Hatsadik leur répondit alors, lorsqu’il se révéla à eux : “Et maintenant” : maintenant, lorsque vous avez vu qu’il n’y a entre nous aucune haine véritable, et que seule la jalousie nous a conduit à une controverse qui n’était pas désintéressée. Après que j’étais dans une situation de détresse, la haine a disparu et vous avez éprouvé du regret, dès aujourd’hui et par la suite, évertuez-vous à vous écarter de la jalousie qui conduit à la haine, et ensuite : “ne vous affligez point” : ne menez plus une vie de tristesse qui provient d’un homme toujours jaloux des autres, mais menez une vie imprégnée de joie.
Chavoua tov !