Le 7 octobre 2023, la “cause palestinienne” est passée à l’action : deux à trois mille miliciens du Hamas – drogués à mort – ont attaqué Israël et ont dépecé, décapité, éventré, brûlé vif 1200 Israéliens désarmés qui vivaient sur le pourtour de la bande de Gaza. Quelques jours plus tard, aux environs du 11 octobre, la “rue arabe” est, elle aussi, passée à l’action : des foules fanatisées ont occupé l’asphalte de nombreuses capitales d’Europe, du Moyen-Orient et des Etats-Unis pour réclamer une “Palestine libre du Jourdain à la mer”, soit la destruction de l’État d’Israël.
La “cause palestinienne” et la “rue arabe” marchent ensemble. La “cause palestinienne” se résume au droit imprescriptible des arabes dits palestiniens de rayer Israël et les Juifs israéliens de la carte ; et la “rue arabe” est le cri d’encouragement de leurs supporters. La “cause palestinienne” tue, la “rue arabe” menace et intimide au cri de “Free Palestine”.
Comme l’explique l’intellectuel égypto-américain Hussein Aboubaker Mansour, “Free Palestine” n’a jamais signifié “solution à deux États”. Dans le monde arabe, Free Palestine a toujours signifié “mort aux Juifs dans leurs villes, leurs rues, leurs magasins et leurs salons”.
De Rabat à Tunis, d’Amman à Bagdad en passant par Le Caire et Beyrouth, “la rue arabe” a donc affiché sa solidarité avec le Hamas, et, par son ampleur, elle a obligé les gouvernements arabes et musulmans à en faire autant. L’Arabie saoudite qui envisageait de nouer des liens diplomatiques avec Israel ; les Émirats arabes unis, le Maroc et Bahreïn, tous trois signataires des Accords d’Abraham ; la Jordanie et l’Égypte en paix avec Israel, tous se sont prudemment rangés aux côtés d’Oman, du Qatar, du Koweït, de l’Iran et des autres Etats islamiques pour dénoncer l’“agression israélienne”, le ciblage des civils et “les violations flagrantes du droit international”.
Cet alignement des gouvernements arabes en paix avec Israël sur la “rue arabe” est d’une grande lâcheté. Ainsi, le président égyptien al Sissi – pour ne citer que lui – aurait dû se réjouir qu’Israël règle son compte au Hamas, branche gazaouie des Frères Musulmans, un mouvement dont il a lui-même liquidé la branche égyptienne. Mais si la population égyptienne a accepté volontiers l’éradication des Frères Musulmans sur son sol, elle ne reconnait pas aux Israéliens le droit d’en faire autant. Le 8 octobre, au lendemain de l’attaque du Hamas, deux touristes israéliens ont été assassinés par un policier égyptien à Alexandrie. Rappelons que le président égyptien Anwar al Sadate a été assassiné par un soldat pour avoir fait la paix avec Israël.
La prudence de l’Arabie Saoudite, de l’Egypte, des Emirats…., s’explique en réalité, par l’effroi. Les pays arabes voient se retourner contre eux le piège “cause palestinienne” qu’ils ont eux-mêmes monté contre Israël. Ce djihad palestinien qu’ils ont formaté – refus d’intégrer les réfugiés de 1948 et 1967, embrigadement par l’OLP et le Hamas… – pour détruire Israël, n’a pas disparu. Pire, les États arabes en ont perdu le contrôle. La cause palestinienne, bouton déclencheur de la “rue arabe”, git entre les mains de l’Iran, une puissance qui n’est pas l’amie du monde arabe.
Depuis la prise du pouvoir de Khomeiny en 1979, l’Iran a lancé une OPA sur le monde arabe. Mais étant perses et chiites, les Iraniens ont tôt compris qu’ils auraient quelque difficulté à s’imposer à l’autre moitié du monde musulman, arabe et sunnite. Pour imposer leur leadership à l’ensemble du monde musulman, les Iraniens ont entrepris de devenir le seul et unique défenseur de la “cause palestinienne”. C’est l’Iran qui arme et finance toutes les organisations terroristes directement ou indirectement en lien avec la “Palestine” : le Hamas et le Djihad Islamique Palestinien à Gaza, le Hezbollah au Liban, sans oublier les autres milices “antisionistes”, comme les Houthis au Yémen, les milices pro-iraniennes en Syrie, en Irak et dans les territoires disputés de Judée Samarie. Et si l’on en croit le Wall Street Journal, Téhéran a été aussi le maître d’œuvre du pogrom du 7 octobre qui a vu plusieurs centaines de miliciens du Hamas tuer, dépecer, brûler vif et décapiter plus de 1200 civils israéliens désarmés.
En devenant maître de la “cause palestinienne”, Téhéran s’est aussi approprié le bouton “rue arabe”. Et ce bouton “rue arabe” s’est mis en route mécaniquement dans les jours qui ont suivi le 7 octobre pour mieux casser le rapprochement de l’Arabie Saoudite avec Israël.
La “rue arabe” en Europe
La “rue arabe” ne pèse pas que sur les gouvernements arabes. Elle est aussi active dans tous les pays d’Europe qui ont ouvert leurs frontières à une immigration musulmane. En Grande Bretagne, la “rue pakistanaise” associée à la gauche britannique a eu la peau de Suella Braverman, ministre de l’intérieur anti-immigration. Suella Braverman a dénoncé dans le Times les immenses manifestations pro-Hamas (300 000 manifestants) comme autant de “marches de la haine”. Elle s’était également rendue “impopulaire” en stigmatisant la police britannique qui convoque les citoyens qui critiquent l’immigration musulmane mais ferme les yeux devant les violences et déprédations des manifestants islamistes. Suella Braverman a été limogée.
En France, la “rue arabe” a incité Emmanuel Macron à s’absenter de la banale manifestation contre l’antisémitisme du dimanche 12 novembre à Paris. Comme l’expliquait Jean Messiha sur Twitter, “Macron nous dit en clair (…) qu’il ne peut plus lutter contre l’antisémitisme pour ne pas braquer la diversité islamisée”. Pire, après avoir assuré Israël du soutien de la France au lendemain du pogrom du 7 octobre, le voilà qui, à la BBC, a trois semaines plus tard, “exhorté Israel à cesser de bombarder les civils“. Cet alignement du chef de l’État sur la “rue arabe” révèle soit une grande difficulté du pouvoir politique à comprendre les enjeux en cours, soit une soumission à l’islamisme le plus rétrograde. Peut-être les deux.
Aux États-Unis, la gauche du parti démocrate pèse de tout son poids sur le président Joe Biden pour l’amener à alléger le soutien politique et militaire qu’il apporte à Israël. Dans les universités, l’élite intellectuelle américaine a fait alliance avec la rue arabe au point que les étudiants juifs se terrent ou se dissimulent pour éviter le lynchage.
En finir avec la “cause palestinienne” ?
Plier devant la “rue arabe” a été pour certains pays arabes été une forme de repli tactique. Mohamed Ben Salmane, prince régnant saoudien, en pleine guerre de Gaza, a discrètement fait savoir qu’il ne renonçait pas à son objectif stratégique de reconnaitre Israël un jour prochain. Mieux, au sommet d’urgence de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui se tenait à Riyad, samedi 11 novembre, les Émirats arabes unis, Bahreïn, l’Arabie saoudite, la Mauritanie, Djibouti, le Soudan et le Maroc (rejoints in fine par l’Égypte et la Jordanie) ont discrètement bloqué des résolutions hostiles à Israël qui proposaient d’agir pour interdire le transfert d’équipement militaire américain vers Israël ; de suspendre tous les contacts diplomatiques et économiques avec Israël ; de réduire les ventes de pétrole aux États-Unis en raison du soutien de Washington à Israël ; d’arrêter le trafic aérien israélien dans le ciel du Golfe … etc.
En Europe, certains, comme le chancelier allemand Olaf Scholz, ont défié la “rue turque” qui a déferlé à Cologne, Dusseldorf, Berlin en déclarant qu’un “cessez le feu à Gaza” était prématuré. Et il ne lui est rien arrivé de fâcheux.
Y-a-t-il une sortie ?
Toute la question aujourd’hui est de savoir si l’Iran laissera écraser le Hamas, ou s’il va demander au Hezbollah et aux autres milices pro-iraniennes d’entrer dans la danse. S’il laisse écraser le Hamas, son projet de domination du monde musulman aura du plomb dans l’aile. On voit mal le Hezbollah partir seul à l’assaut d’Israël dans un futur proche, sachant qu’il court lui aussi le risque d’être abandonné et détruit.
Dans ce cas, la partie éclairée (et riche) du monde musulman montrera peut-être au reste du monde musulman que la victimisation à la palestinienne ne règle rien et que le Coran n’aide pas à régler les difficultés économiques et sociales. Avec l’aide technique d’Israël, une mécanique d’échange et de coopération vertueuse a, alors, des chances de voir le jour.