La grande majorité des dignitaires arabes israéliens ont refusé de s’associer aux appels à des violences par solidarité lancés par le Hamas pour ouvrir un front intérieur en Israël.
Par Pascal Brunel
Kobi Shabtai, le chef de la police israélienne, a délivré un satisfecit exceptionnel aux Arabes israéliens. « Je dois dire qu’ils ont un comportement exemplaire, avec zéro incident », s’est-il félicité.
Un constat d’autant plus étonnant que le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, un politicien d’extrême droite dont dépend directement Kobi Shabtai, a appelé les Juifs israéliens à s’armer pour faire face à une éventuelle campagne d’attentats ou d’émeutes de la part des Arabes israéliens.
Il a ainsi agité le spectre d’une cinquième colonne et d’une réédition des affrontements intercommunautaires entre Juifs et Arabes, qui ont fait trois morts et des centaines de blessés en mai 2021 dans des villes « mixtes », à l’occasion d’un précédent affrontement entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza.
Problèmes de discrimination
Les Arabes israéliens – 20 % de la population totale d’Israël – ont en effet une double identité. Ils descendent des Palestiniens qui sont restés chez eux après la guerre qui a précédé la création de l’Etat d’Israël en 1948. Disposant de la nationalité israélienne, ils ont les mêmes droits et devoirs que les Juifs, y compris le droit vote.
Cette égalité officielle doit toutefois être nuancée en raison de discriminations sociales, professionnelles ou encore pour le logement dont ils sont l’objet. Sans parler de l’hécatombe d’une sanglante guerre des gangs qui a fait près de 200 morts, y compris des victimes collatérales, depuis le début de l’année dans les localités arabes, sans que la police parvienne à mettre fin à ce fléau.
Malgré tout, la solidarité avec les Palestiniens n’a, jusqu’à présent, pas joué. La grande majorité des dignitaires arabes israéliens ont refusé de s’associer aux appels à des violences par solidarité lancés par le Hamas pour ouvrir un front intérieur en Israël.
Mansour Abbas, député d’opposition d’un parti islamiste modéré, fait au contraire barrage. « J’appelle les citoyens arabes et juifs à faire preuve de responsabilité, de patience pour maintenir la loi et l’ordre », affirme-t-il. Selon lui, « les valeurs de l’islam nous commandent de ne pas faire prisonniers des femmes, des enfants, des personnes âgées ».
Victimes aussi du Hamas
A l’autre bout de l’échiquier politique, un autre parlementaire arabe, Ayman Odeh, membre lui du Parti communiste, estime « inacceptable tout appel à des actions militaires en vue de déclencher une guerre entre Arabes et Juifs à l’intérieur d’Israël ». Détail important : parmi les 1.400 victimes tuées par les commandos du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël figurent au moins 18 Bédouins, dont la plupart étaient employés dans des exploitations agricoles proches de la bande de Gaza.
Malgré ces appels au calme, une certaine méfiance subsiste parmi des responsables israéliens qui veulent se préparer au pire pour ne pas être pris par surprise, comme cela a été le cas avec le Hamas. La télévision publique israélienne a ainsi révélé que le gouvernement prévoit d’autoriser la police à utiliser des armes à feu si des routes ou des entrées de villes étaient bloquées par des émeutiers au cas où une guerre multifronts éclaterait. Une allusion claire à la Galilée, dans le nord d’Israël, située non loin du Liban où se trouvent de nombreuses localités arabes.
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, planche pour sa part sur un projet de loi visant à priver de la nationalité israélienne ou du droit de séjour des personnes « qui sont impliquées dans des activités terroristes, qui soutiennent le terrorisme ou qui s’identifient à des organisations terroristes en temps de guerre ».
Pascal Brunel (Les Echos, correspondant à Tel Aviv)