L’emploi de double-standards à propos des éliminations extra-judiciaires
Les réactions des gouvernements démocratiques aux éliminations ciblées ou « extra-judiciaires » varient énormément, selon le pays qui les entreprend. On peut le traduire plus concrètement comme : l’application de double-standards (ou normes à deux vitesses) – qui est un élément central de l’acte antisémite – apparaît encore plus clairement, lorsqu’il est question d’éliminations ciblées ou « extra-judiciaires ».
Cela s’est, à nouveau, révélé sur le devant de la scène, récemment, dans un nouveau livre français, dont le titre a été traduit (en anglais : Fatal Errors) par Erreurs Fatales[1]. Son auteur, le journaliste Vincent Nouzille affirme que le Président français François Hollande a approuvé au moins quarante éliminations ciblées, entre 2013 et 2016. Certaines ont été menées par l’armée française oju les services de renseignements du pays (DGSE). D’autres, par des nations alliées sur lbse de renseignements fournis par les services secrets français[2].
On est dans l’impossibilité de trouver plus d’information au sujet de ces éliminations dans les principaux médias anglophones. Ce silence relatif diverge fortement des énormes condamnations proférées contre Israël, à la suite de l’élimination du Cheikh A’hmed Yacine. Israël a liquidé le chef et l’un des fondateurs de l’organisation terroriste Hamas, en 2004. Il était directement responsable des attentats-suicide et très nombreuses autres attaques meurtrières contre des civils israéliens.
Avec Dr Abdel-Aziz al-Rantissi, son bras droit, également éliminé (le 17 avril 2004), moins d’un mois après Yassin (22 mars),
A l’époque, Israël avait été massivement agressé verbalement. Le Secrétaire-Général de l’ONU, à cette période, Kofi Annan, par exemple, avait déclaré : « Je condamne évidemment « l’assassinat » ciblé de Sheikh Yassin et des autres individus morts avec lui. De telles actions sont, non seulement contraires à la loi, mais elles n’apportent rien pour contribuer à la recherche d’une solution pacifique[3]». Au conseil de de Sécurité, les Etats-Unis avaient utilisé leur droit de veto pour empêcher une condamnation d’Israël[4].
A la suite du décès de Cheikh Yassin, le Porte-Parole du Ministère des Affaires étrangères Hervé Ladsous avait déclaré : « La France condamne les actions entreprises contre Cheikh Yassin, tout comme elle a toujours condamné le principe des exécutions extra-judiciaires comme contraires aux lois internationales[5] » .
Cette élimination ciblée de Cheikh Yassin par Israël a été qualifiée, par Jack Straw, alors Secrétaire aux affaires étrangères de Grande-Bretagne, « d’inacceptable » et « d’injustifiée »[6]. Le porte-parole officiel du Premier Ministre travailliste d’alors, Tony Blair, avait condamné « l’attaque illégale » et fait observer : « Nous avons fait savoir clairement et de façon répétée notre opposition à l’usage par Israël des éliminations ciblées et des assassinats[7]« .
La démonstration la plus éclatante d’emploi occidental de double-standards à l’encontre d’Israël, cependant, concerne la comparaison de cette élimination ciblée de Cheikh Yassin avec celle d’Ossama Ben Laden, par les Etats-Unis d’Obama, en 2011. L’Administration Obama avait investi d’énormes sommes d’argent afin de le localiser et d’en finir avec ce méga- terroriste international.
Le Secrétaire-Général d’alors, Ban Ki Moon avait alors célébré l’événement comme suit : « La mort d’Ossama Ben Laden, anonncée par le Président Barack Obama, est un moment décisif dans notre combat global commun contre le terrorisme[8]« .
Le Président Nicolas Sarkozy avait, alors, salué l’élimination de Ben Laden comme un coup décisif dans la lutte contre le terrorisme »[9]. Il avait appelé le Président Obama, avait fait l’éloge de sa détermination et de son courage et celui des autres personnalités impliquées dans la traque du cerveau d’Al Qaïda durant dix ans. Sarkozy ajoutait que les deux chefs d’Etat s’étaient mis d’accord pour poursuivre le juste et nécessaire combat contre la barbarie terroriste et ceux qui la soutiennent ».
Le Premier Ministre britannique d’alors, David Cameron, avait félicité le Président Obama pour le succès de l’assassinat (l’émination) de Ben Laden. Il le considérait comme un bond en avant important dans la lutte contre le teme extrémiste[11]. L’ex-Premier Ministre Blair avait accueilli avec enthousiasme l’exécution sans procès de Ben Laden[12].
Tout comme les Français, le gouvernement britannique Cameron a aussi commis des assassinats (éliminations) ciblées ou exjudiciaires. En 2015, il a confirmé que la Grand-Bretagne avait mené deux exécutions extra-judiciaires contre des citoyens britanniques combattant dans les rangs de l’Etat Islamique ou Daesh en Syrie. Ils avaient été spécifiquement pris pour cibles par un drone britannique. Un troisième djihadiste britannique avait été tué durant la même période, selon Cameron, par une frappe aérienne américaine distincte[13].
Au-delà de ces double-standards en usage à l’encontre exclusive d’Israël, on peut en tirer une autre conclusion importante : Israël a exécuté de façon extra-judiciaire un ou des ennemis d’Israël. Les Français et les Britanniques ont fait de même, mais souvent, contre leurs propres citoyens soustraits à la Justice de leur pays. Mais pour les incitateurs à la haine contre Israël, cela également ne fera aucune différence…
Par Manfred Gerstenfeld
Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski. Jforum.fr