Mon maître et rav, rabbi Aharon de Belz zatsal, relatait chaque année le soir de Hochana Rabba, le récit suivant sur le Ba’al Chem Tov : un jour de Yom Kippour, le Ba’al Chem Tov arriva en retard à la prière de Ne’ila. Une heure plus tard, il se présenta à la synagogue et pria avec une ferveur considérable. À l’issue de Yom Kippour, ses élèves l’interrogèrent à ce sujet, et le Ba’al Chem Tov leur fit la réponse suivante : « Dans une ville éloignée vit un Juif qui a transgressé toutes les fautes possibles. Cela fait trente ans qu’il n’a pas du tout prié. Or, hier soir, la veille de Yom Kippour, lorsqu’il aperçut des Juifs se presser en direction de la synagogue, portant des Talitoth sur leurs épaules, pour la prière de Kol Nidré, cette vision déclencha en lui en éveil et il procéda à une introspection. Or, comme il était tellement plongé dans le mal, il pensa ne pas pouvoir faire Techouva. Le lendemain matin, lorsqu’il aperçut à nouveau des Juifs se rendre à la prière de Cha’harith, il eut de nouvelles pensées de repentir, mais ne réussit pas à vaincre son penchant pour faire Techouva. Il en fut de même pour la prière de Moussaf.
« En début de soirée, en voyant des Juifs partir à la prière de Ne’ila, il eut un grand éveil, il s’empara immédiatement de son Talith qu’il n’avait pas utilisé depuis de longues années, et accourut à la synagogue. Arrivé sur les lieux, il sanglota amèrement et déclara : « Maître du monde, je sais qu’aucun homme au monde n’a fauté comme moi, et mes fautes dépassent celles du plus grand mécréant qui soit. » Il pleura pendant une heure, au point qu’il ne put s’associer à la prière collective. Au bout d’une heure, il se calma quelque peu et se mit à prier alors que les membres de la communauté commençaient à rentrer chez eux. »
Et le Ba’al Chem Tov d’ajouter : « Sachez qu’il y eut un grand émoi dans le Ciel alors qu’un grand mécréant comme celui-là fit une Techouva complète de tout cœur. Ce fut un grand moment de compassion et de faveur divine, si bien que les prières datant de centaines d’années s’élevèrent aussitôt vers le Ciel par le mérite de sa prière pure. J’ai voulu prier avec ce pécheur, d’où mon retard pour la prière de Ne’ila. »
Nous retenons de ce récit combien la prière de chaque Juif a de valeur pour notre Père céleste, sans exception. Cet enseignement est essentiel : en effet, lorsque des Juifs se rendent à la synagogue pour y prier, le Yétser Hara’ leur insinue qu’ils sont tellement éloignés et déconnectés de Hachem en raison de leurs fautes, que D’ n’écoute pas leur prière. Mais en vérité, la prière de chaque Juif, quelle que soit sa situation, a de la valeur : en effet, un Juif, même s’il a fauté, reste juif.
Rabbi Israël de Koznitz zatsal interprète ce verset sur ‘Amalek (Devarim 25,18) : « Il s’est jeté sur toi » : ‘Amalek a instillé chez les Juifs faibles le sentiment qu’ils sont à la traîne, donc qu’ils sont dénués d’importance. C’est la méthode du mauvais penchant pour inciter les Juifs à fauter, en insinuant qu’ils sont dénués de valeur.
Rabbi Chelomo de Karlin zatsal appuie cette idée : « Le plus grand Yétser Hara’ qui touche le Juif est le fait d’oublier qu’il est fils de Roi. » Lorsqu’on se remémore que chaque Juif est fils de Roi, que nous sommes des enfants de notre Père, Roi des rois, nous savons alors qu’Il désire toujours notre présence, tel un roi qui désire la proximité de son fils, même s’il a fauté.
Dans un passage de la Guemara (Kidouchin 36), rabbi Méir commente le verset (Devarim 14,1) : « Vous êtes les fils de l’Éternel votre D’ » : même lorsque les enfants d’Israël ne se conduisent pas comme des fils, ils sont néanmoins qualifiés de fils. La Halakha suit rabbi Méir (responsa Rachba). Le rav et auteur du Yessod Ha’avoda de Slonim zatsal affirme que c’est une Mitsva de répéter que la Halakha suit rabbi Méir à ce sujet.
Rabbi Avraham Dov d’Ovruch, auteur du Bat ‘Ayin, déclara : « Un Juif qui ne croit pas que Hachem est proche de lui et désire son service divin, même s’il a commis de graves fautes, comme dit (Vayikra 16,16) : « qui réside avec eux parmi leurs souillures » est considéré comme un impie. »
Dans la même veine, rabbi Moché de Koubrin déclara : « Celui qui n’est pas en mesure de se tenir en prière devant Hachem après avoir commis une transgression des plus graves, et de répandre son cœur, à l’instar d’un fils qui se purifie devant son père et se plie à sa volonté, ne connaît toujours pas les bases du judaïsme. »
À ce sujet, mon vénérable ancêtre, rabbi Tsvi Hirsch de Ziditchov, commentait un passage de la Chemoné ‘Essré : « Ki Ata choméa tefilath kol pé » (Car Tu écoutes la prière de chaque bouche). Le terme Pé (bouche) ressemble dans sa consonance à l’interjection Peuh ! (Berk) quelque chose de dégoûtant. C’est une allusion à l’idée que Hachem écoute même les prières émanant de diverses personnes à propos desquelles on dit «Berk», étant salies par les fautes.
Dans cette perspective, nous pouvons interpréter le passage figurant dans la paracha lue dans la semaine de Roch Hachana : « Vous êtes placés aujourd’hui » : lorsque vous vous trouvez à synagogue en ce jour de Roch Hachana, comme l’indique le Zohar, sachant que le terme « aujourd’hui » fait référence à Roch Hachana, sachez alors que : «En présence de l’Eternel votre D’ » : chaque Juif, quelle que soit sa situation, est proche de Hachem Qui attend d’écouter la prière de chacun.
C’est à ce sujet que nous prions le soir de Roch Hachana : «Puissions-nous être en tête et non à la queue » : puissions-nous éprouver ce sentiment que chaque Juif a de la valeur pour le Saint béni soit-Il, à l’instar d’une tête et non d’une queue. Nous pourrons ainsi vaincre le Yétser Hara’, prier et accomplir dignement les Mitsvoth, à cette période et pendant toute l’année, et bénéficier d’une bonne et douce année. Amen !