Dans le Vieux-Nice, cette rue connue était autrefois un ghetto juif

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Voici plus de détails sur l’histoire trop méconnue de la rue Benoît-Bunico, qui servait de ghetto aux Juifs de Nice durant plusieurs siècles.

En 1733, l’actuelle rue Benoît-Bunico a été officiellement désignée pour devenir le ghetto juif de Nice. (©Héloïse Broseta)

Entre la rue Rossetti et la rue de la Loge, celle de Benoît-Bunico fait partie des rues iconiques de Nice (Alpes-Maritimes), à tel point qu’on ne regarde même plus la plaque quand on passe devant. Pourtant, le nom nissart de la rue est éloquent : « Carriera de la Judaria », en français « rue de la juiverie ».

Du Moyen-Âge au milieu du XIXème siècle, les Juifs de Nice ont dû être parqués dans cette rue qui servait alors de ghetto, sur les ordres de la maison de Savoie.
Une volonté de ségrégation dès le XVème siècle

D’après la revue Nice historique, en 1430, un édit signé Amédée VIII stipule que les Juifs doivent être séparés des Chrétiens et confinés dans un quartier spécial appelé judaysium, officiellement afin d’empêcher l’union entre hommes et femmes de confession différente et pour préserver la pureté du christianisme.

Les Juifs doivent alors rester cloitrés dans leur ghetto, du lever au coucher du soleil et aucun chrétien n’est autorisé à s’y rendre, sous peine d’être emprisonné trois jours. Les Israélites sont également dans l’obligation de porter un tissu blanc et rouge sur l’épaule en guise de marquage, un signe qui évolua en chapeau jaune au XVIème siècle.
L’obligation de séparation sera réitéré à plusieurs reprises au fil des siècles, jusqu’en 1732 où on ordonne officiellement qu’une rue soit désignée pour servir de ghetto aux Juifs niçois. Il s’agira de l’actuelle rue Benoît-Bunico.
Des conditions de vie misérables

 

Les Israélites ont jusqu’à la fin de l’année 1733 pour s’établir définitivement dans ce ghetto. Certains tentent cependant d’y échapper en faisant valoir l’insalubrité du lieu, sans succès.

Elles [les habitations] ont des escaliers désastreux, des plafonds et des planchers ainsi que des portes et des fenêtres pourris et menaçant ruine. […] Le sol est humide ce qui expose les marchandises qu’on y dépose à subir de graves dommages […]. En outre, dans la même rue il n’y a aucun puit public, de sorte que ceux qui habiteront dans des maisons dépourvues de puits, sont exposés à rester la nuit privés d’eau.

Supplique des Massiers de l’Université Juive en 1732

Il fallut attendre 1792 pour que les conditions de vie des Juifs niçois s’adoucissent, l’obligation de résidence dans le ghetto ayant été rendue caduque par la première annexion de la France.

Un éphémère retour à la liberté

Au moment de l’abrogation des mesures ségrégatives, on estime que la population juive de Nice s’élève à 230 personnes. Elles accèdent officiellement au statut de citoyen et peuvent peu à peu choisir de s’établir en dehors du judaysium.

Mais en 1814, le retour du royaume de Sardaigne contraint à nouveau les Israélites à retrouver le ghetto afin de « mieux les surveiller » dans un climat historique et politique tendu.

Il fallut finalement attendre la proclamation du Statut de 1848 pour que les Juifs niçois deviennent des citoyens à égalité avec les autres et que la ségrégation soit définitivement abolie.

Mais qui est Benoît Bunico ?

 

Après l’abandon du ghetto, la rue s’est d’abord appelée « rue du Statut », en hommage à cet acte libérateur pour les Juifs niçois. La rue porte désormais le nom de celui qui fut à l’origine de cet acte : l’avocat et homme politique Benoît Bunico.

Né en 1800 à Nice, il fut député au parlement du royaume de Sardaigne et conseiller municipale de la ville. Il finira par démissionner de ces postes en opposition à la suppression des franchises du port.

En 1860, lors de la cession du comté à la France, il refuse de prêter serment à Napoléon III. Il finira par mourir en 1863, il est désormais enterré sur la colline du Château.

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