Autour de la table de Chabbath n° 344 Dévarim Ticha Béav
Ce Chabbath à venir tombe le 9 Av. Comme vous le savez, le 9 Av est le jour où s’est produit de grandes catastrophes dans l’histoire juive, la destruction des Temples de Jérusalem, la faute des explorateurs, etc. C’est aussi la date qui a été retenue par les Sages pour faire un jeûne, Ta’anith sévère : du soir au lendemain soir, soit 24 heures. Seulement lorsque la date tombe un Chabbath, les Sages de mémoire bénie l’ont repoussé au lendemain, dimanche, car il est interdit lors du saint Chabbath de montrer des signes d’affliction. Cette année, le jeûne commencera au coucher du soleil de ce Chabbath après-midi et finira le lendemain, dimanche soir à la tombée de la nuit.
Cette semaine, j’ai vu une chose intéressante au sujet de ce Ta’anith. La Halakha, loi juive, stipule que l’endeuillé d’un proche parent n’aura pas le droit de sortir de chez lui durant les jours de son deuil. Les trois premiers jours seront encore plus stricts car il ne pourra pas sortir en dehors de sa maison même si c’est pour réconforter d’autres personnes qui ont perdu un être cher. Un commentaire sur la Guemara, les Tossafoth sur Moéd Katan 21, nous apprend que si le 3ème jour de son deuil tombe le 9 Av, il pourra se rendre à la synagogue pour dire avec les autres les Kinoth/les lamentations. Et, au détour de ce commentaire (Tossafoth) on apprendra aussi que la communauté, dans son ensemble, a le même statut que notre endeuillé dans ses trois jours. C’est un grand ‘Hidouch/une nouveauté qui compare tout le Clall Israël, le jour du 9 Av, à celui de l’endeuillé après ses trois jours ! Et en effet, il existe de nombreuses lois communes entre les lois du 9 Av et celui d’un endeuillé : la communauté ne peut pas étudier la Tora, ne pas se saluer, dire le « Chalom »/Bonjour à son ami, etc…
La question sera de comprendre le symbole du 9 Av. Comment les Sages ont pu instituer de générations en générations ces lois d’afflictions ? Or il existe un adage connu : « On ne pleure pas sur du lait qui a débordé » adage en vogue en Terre Sainte ! C’est à dire que la tristesse sur des événements passés n’a pas d’ importance. Au contraire, cela fige la personne et la rend incapable de continuer sa progression…
La réponse apportée est que le 9 Av n’appartient pas à des faits historiques des temps anciens mais fait partie de notre présent. La destruction des Sanctuaires de Jérusalem (le 1er et le 2e) n’a pu s’effectuer que parce que dans les Cieux, les Temples n’avaient plus leur raison d’être. Le saint Zohar rapporté dans le Néfech Ha’haim enseigne : « Titus, l’Empereur romain a détruit ce qui déjà avait été détruit dans les mots » : « broyé ce qui avait déjà été broyé »…. En effet, notre Sanctuaire est l’expression sur terre de ce qui se passe dans les cieux. Or, les fautes de la communauté ont entrainé que dans les mondes d’en haut, les Temples avaient déjà été détruits (quand je parle « d’en haut« , il s’agit des mondes des Chérubins, Séraphins et des myriades d’Anges, l’armée céleste). Nécessairement il n’y avait pas de raison à ce que continue le service des sacrifices sur terre…. Le Temple qui est fait de pierres et de bois de grandes valeurs est l’expression du lien qui uni D’ et Son peuple. Or, si la pratique des Mitsvoth bascule, alors la magnifique bâtisse de Jérusalem n’a plus d’intérêt puisque la Présence divine quitte les lieux saints.
Les Sages de mémoires bénies enseignent que lors du 2ème Temple, les fautes reprochées au Call Israël étaient particulièrement fines puisqu’elles étaient du domaine du cœur : la haine gratuite… Cette division qui existait dans la communauté entrainera que D’ Se retire de la communauté et au final les fils d’Israël partiront en exil, en dehors de la Terre sainte.
Un autre point intéressant à définir est que d’une manière générale la Tora enjoint l’homme à pratiquer des Mitsvoth et ne pas les transgresser. Durant la période de « Bein Hametsarim » (depuis le 17 Tamouz jusqu’au 9 Av) il n’existe foncièrement pas d’obligation de faire telle ou telle action. Mais le deuil que la communauté prend est une invitation à développer ses sentiments : ouvrir notre cœur au fait que D’ a perdu Sa résidence sur terre, que la communauté vit un exil parmi les nations du monde, avec tous les déboires : mariages mixtes et baisse vertigineuse de la pratique, et un manque de clarté dans l’enseignement de la Tora.
Donc si on veut faire cesser notre exil, et faire enn sorte que le Mashia’h vienne frapper à nos portes, il faudra veiller à rectifier la faute qui a entrainé l’exil. La réparation de notre passé passe par l’ouverture de notre cœur vers notre prochain. Ce n’est pas forcément s’occuper de la veuve et de l’orphelin et des cas sociaux de la communauté ce qui est vivement conseillé, c’est aussi ouvrir son cœur à son conjoint, être à l’écoute des besoins de ses proches – cela inclus ses enfants. En cela on aura percé notre cœur généralement bien obstrué par les impondérables de la vie et on pourra faire régner le Chalom, l’entente dans nos familles et nos proches. En cela on aura réparé les causes de la destruction du Temple et on fera une place à Hakadoch baroukh Hou dans notre monde et parmi les hommes. Mashia’h est à nos portes…
Cette histoire véridique, on ne peut vous la faire partager que pendant cette semaine du 9 Av. Notre histoire se déroule dans un des camps de concentration de l’Europe très éclairée… Là-bas, une partie des esclaves juifs devaient travailler d’arrache-pied dans une quelconque usine d’armement de la Wehrmacht. Le travail était harassant, mais il valait mieux cela que de finir en cendres dans les fours crématoires ! Dans un des groupes de travail se trouvait un Juif de belle allure qui était dans un passé encore pas si lointain rav d’une communauté ‘hassidique, Satmar. Or, en dehors de l’extrême cruauté qui régnait dans le camp, pour notre grande honte, les nazis, yima’h chemam, avaient mis un système de surveillance qui était effectué par des Juifs, que l’on appelait les Kapos. C’était dans la plupart des cas (il y a eu des exceptions) des hommes qui avaient complètement renié la Tora et les Mitsvoth (avant-guerre) ou encore d’anciens malfrats. Or, ils étaient connus pour leur grande cruauté vis-à-vis de leurs frères ! (Notre sujet n’est pas de juger ces hommes car, comme le disait l’Admour de Tsanz zatsal, celui qui n’a pas vécu dans sa chair ses moments extrêmes d’inhumanité, n’a AUCUNE possibilité de comprendre l’univers terrifiant qui sévissait). En tout cas, notre Juif du baraquement était connu comme ancien rav, et le Kapo responsable du groupe prenait un malin plaisir à faire souffrir notre homme à longueur de journée ! Depuis le matin jusqu’à la nuit tombée, le Kapo donnait des coups, l’insultait et le vilipendait (que D’ nous en préserve) ! Un soir, après avoir été roué de coups plus que d’habitude, notre pauvre homme revient exténué sur sa couche dans son baraquement. Dans ce moment de grande détresse, il commença à fredonner les yeux fermés un Nigoun/air d’un des chants de l’ancienne époque, celle où il faisait partie des ‘Hassidim qui allaient écouter l’Admour Yoël de Satmar lors des Tisch (table du vendredi soir où le rav et ses disciples chantent ensemble). Notre pauvre prisonnier fredonnait ces airs qui lui redonnaient un peu de réconfort pour traverser l’enfer ambiant. Soudainement, il ressent la présence de quelqu’un tout proche de sa couche. Il ouvre les yeux, et voit le visage de son tortionnaire. Sa peur fut grande qu’il vienne le frapper encore sur sa couche. Il referme les yeux et attend de recevoir sa raclée. Quelques secondes passent, et toujours pas, il ne reçoit rien ! Il ouvre une nouvelle fois les yeux, et remarque que l’expression du visage de son tortionnaire a changé. Il voit dans ses yeux, un soupçon de miséricorde qu’il n’a jamais connue jusqu’à présent. De plus il discerne que l’homme tremble de tout son corps. Le Kapo lui demande alors avec beaucoup de douceur d’où il connait cet air ? Notre bon Juif lui répond qu’il l’a entendu de son rav qui l’a lui-même entendu de son beau-père le Tsadik de Planetach zatsal. C’est alors que le Kapo explose en pleurs terribles ! Entre les sanglots, le Kapo lui dit que dans sa jeunesse, avant d’avoir tout abandonné, il était un jeune garçon qui venait écouter les chants du Tsadik de Planetach. C’est ce même Nigoun qu’il entend aujourd’hui dans ces heures terribles qui font remonter tous ses souvenirs d’enfance d’un seul coup. Cette époque bénie où il était encore un jeune enfant pur, auprès de ses parents et du Tsadik. Ce décalage effrayant entre le passé qu’il a vécu et la cruauté infinie qu’il fait sentir à ses frères le fait pleurer amèrement. Après de longues minutes de sanglots, le Kapo finalement quitte le baraquement sans faire aucun mal ! Et depuis lors, le Kapo a changé du tout au TOUT ! Jusqu’alors c’était un monstre de cruauté et à présent il se comporta comme un simple surveillant des travaux. Plus aucunes réprimandes, insultes, frappes etc. Il arrivait en retard à son travail de surveillance, faisait juste acte de présence. Il devint un homme renfermé sur lui-même et aussi silencieux. Tous les prisonniers du camp n’en revenaient pas du changement incroyable qui s’était opéré dans cet homme ! Après quelques semaines, lors d’une journée de travail, ce surveillant tomba à terre (certainement avec des pensés de repentir) et meurt ! Fin de cette véritable histoire. Pour nous, de savoir qu’un homme, même lorsqu’il est tombé au plus bas, garde une petite lumière intérieure, est un grand réconfort ! Et c’est en touchant à cette lumière (grâce au Nigoun) qu’en final le bourreau de ses frères à fait marche arrière et a aimé son prochain (voir notre développement précédent). Dans la vie, il n’y a pas de désespoir, EIN YOUCH BAOLAM!!
Coin Hala’ha: Ticha Béav tombe Chabbat et sera repoussé à ce dimanche. A partir de la sortie du Chabbat commencera les lois propres à ce jour. On devra faire attention de finir le 3ème repas du Chabbath AVANT le coucher du soleil (en Erets Israël, vers 19h45). On ne fera pas la Havdala (seulement on allumera la bougie de la Havdala) ce samedi soir (sauf une personne qui est obligée de manger ou de boire pour des raisons médicales). Uniquement le dimanche soir, à la sortie du jeûne, on fera la Havdala sur un verre de vin ou du jus de raisin sans faire la bénédiction sur le feu et les senteurs. La nuit du samedi soir comme durant la journée, il sera interdit de manger, boire, se laver (même une partie du corps), l’intimité, l’étude de la Tora, le port de chaussures en cuir et même dire le «Chalom» à son ami. Même les femmes enceintes ou qui allaitent doivent jeûner (sauf en c as de besoin). Les malades (qui sont alités) sont dispensés du jeûne. Ticha Béav n’est pas un jour chômé comme le Yom Tov. Cependant pour ne pas perdre l’essence de la journée il sera défendu de travailler. Après le milieu de la journée du dimanche on sera plus flexible (pour le travail) toutefois, il est écrit qu’il n’y a pas de bénédiction dans le travail fait ce jour.
Ce dimanche on n’aura donc pas le droit d’étudier la Tora seulement on pourra apprendre des passages du Talmud et Midrach concernant la destruction du Temple (les Lamentations, Job, « Elou Mégale’him » chapitre dans le traité Moèd Katan). On étudiera ces passages d’une manière superficielle.
On n’a pas le droit de se laver même à l’eau froide. Dans le cas où l’on s’est sali, par exemple avec de la boue, on pourra retirer la saleté avec de l’eau. Au levé du lit, on se rincera les mains (ablutions) au niveau des phalanges (et pas la paume de la main).
On n’a pas le droit de porter des chaussures en cuir, même si elles ne sont que recouverte (de cuir). Les autres matières sont permises (plastiques, tissus etc.).
On n’adressera pas le Chalom/Bonjour à son ami toute la journée. Dans le cas où on nous adresse, par erreur le Chalom, on pourra répondre d’une manière non-enjouée.
Le 9 Av au matin on se rendra à la synagogue pour dire les Kinoth (lamentations).
Chabbat Chalom et que nous ayons le mérite très bientôt de voir le Temple à Jérusalem reconstruit.
David GOLD