Israël Défense. Eliminations ciblées. L’expérience du passé pousse à la prudence.

Israël Défense. Eliminations ciblées. L’expérience du passé pousse à la prudence.

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Faut-il recourir de nouveau aux « éliminations ciblées » comme arme antiterroriste ? Cette question a suscité un débat en Israël à la suite d’une série d’attentats, qui ont fait 19 morts en moins de deux mois et traumatisé l’opinion publique. Mais l’efficacité et non pas le fondement moral d’une telle méthode expéditive est loin de faire l’unanimité.

Yahya Sinwar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza a le « profil idéal » pour devenir une cible. Quelques jours avant l’assassinat de trois Israéliens à coups de hache, il avait lancé un appel aux Palestiniens : « que chacun prépare son fusil, et si vous n’en avez pas, préparez un couperet, une hache ou un couteau ». Les deux Palestiniens auteurs de l’attentat sont passés aux actes.

Aussitôt, une vague d’indignation a déferlé en Israël. La plupart des commentateurs, certains ministres, ont ouvertement demandé la tête de Yahya Sinwar, même si le Hamas n’a pas revendiqué l’attaque. Soumis à la pression de l’opinion publique, avec une majorité de 59 % des Israéliens selon un sondage, en faveur « d’éliminations ciblées », le gouvernement a pour le moment refusé de se laisser forcer la main. « Toutes les décisions opérationnelles et stratégiques doivent être prises à portes closes. La politique ne doit pas interférer » a prévenu Benny Gantz, le ministre de la Défense en réponse aux accusations de « faiblesses envers le Hamas » de Benjamin Netanyahou, le précédent chef du gouvernement.

De son côté, le Hamas a menacé de déclencher un « tremblement de terre régional » et de « brûler » Tel Aviv si Israël s’en prenait à son chef. Bref, son assassinat ne manquerait pas de provoquer des tirs de roquettes et missiles depuis la bande de Gaza contrôlée par les islamistes vers le territoire israélien. Après moult réflexions, les responsables militaires ont fait savoir par des fuites aux médias, qu’ils préféreraient ne pas prendre dans l’immédiat un tel risque sans pour autant renoncer aux « éliminations ciblées ».

Expérience = prudence

L’expérience du passé pousse en effet à la prudence. Dans certains cas, cette méthode expéditive menée avec bombes larguées par des avions, des drones suicides, des commandos, ou des téléphones portables piégés ont eu un impact positif du point de vue israélien. L’élimination du fondateur du Hamas le cheikh Ahmed Yassin 2004 a incité le Hamas a accepté une trêve des combats de l’époque. D’autres éliminations n’ont en revanche n’ont fait qu’exacerber les tensions et inciter à d’autres attentats.

Sur le front étranger également, le bilan est contrasté. L’élimination de Fathi Shiqaqui, le chef du Jihad islamique, par des hommes en moto à Malte en 1995 a porté un coup très dur à l’organisation. Selon des sources étrangères, le Mossad a également tué ces dernières années un ingénieur palestinien spécialisé dans les drones à Sfax en Tunisie, tandis qu’un autre ingénieur proche du Hamas a été exécuté en 2018 en Indonésie. Mais la même année, le Mossad a lancé une opération aux résultats ambivalents en assassinant dans un hôtel de Dubaï, un chef du Hamas responsable des achats d’armes, alors que tous les agents qui ont participé à l’opération ont été filmés avant de s’enfuir. Difficile d’être moins discrets. En 1997, des agents israéliens ont tenté en vain d’empoisonner en pleine rue un dirigeant du Hamas à Amman provoquant une grave crise avec la Jordanie. Pire encore l’assassinat d’Abbas Moussawi dirigeant du Hezbollah en 1992 au Liban a propulsé à la tête de l’organisation de Hassan Nasrallah, un adversaire autrement plus charismatique.

Pas d’autre voie ?

Malgré ces déconvenues, Israël aurait, selon des « sources militaires » cités par les médias, informé des pays « amis » de la possibilité de nouvelles liquidations à l’étranger. Deux hauts responsables du Hamas seraient ainsi dans le collimateur ; Saleh al Houri, responsable des opérations en Cisjordanie et Zaher Jabarin, le grand argentier de l’organisation, tous deux circulent entre la Turquie, le Liban et le Qatar.

Une perspective que Ran Ben-Barak, président de la commission de la Défense et des Affaires étrangères de la Knesset envisage sans illusion. Pour lui en effet, « les problèmes à Gaza ne se régleront pas en visant untel ou untel… » Et pour causes : « lorsque nous nous attaquons à un dirigeant du Hamas, un autre apparaît ». Un constat d’impuissance qui en revanche ne fait pas débat.

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