La dépêche adopte le narratif palestinien fait de récriminations contre Israël : la coupable, qui a poignardé une mère de famille sans défense, semble exonérée de son acte et est présentée comme la véritable victime.
Sur un trottoir de Jérusalem, une mère de famille avance avec une poussette aux côtés de deux jeunes enfants. Elle n’aura pas le temps d’atteindre l’école : une jeune fille la repère, s’approche d’elle, et lui plante un couteau dans la chair.
Pourquoi a-t-elle été attaquée ? Dans le quartier de Cheikh Jarrah, être identifiée par sa tenue comme une juive religieuse a fait d’elle la cible d’une attaque terroriste.
L’attaque a été filmée. Heureusement, Moria Cohen n’a été que légèrement blessée. Elle s’en tire bien.
L’AFP a relaté l’incident dans une dépêche dont le titre se focalisait sur… l’arrestation de l’agresseur, en insistant sur sa jeunesse, 14 ou 15 ans selon les sources.
L’attaque au couteau, qui est l’événement principal d’un point de vue journalistique, passe au second plan.
L’adolescente avait tout de même une dizaine d’années de plus que les bambins sous les yeux desquels elle a essayé de tuer leur maman.
La dépêche est un véritable cas d’école en matière tentative de justification d’un acte violent.
A commencer par ce paragraphe, intégralement reproduit dans le tweet de l’AFP, dans lequel chaque mot semble avoir été pesé pour que l’attaque apparaisse comme un acte d’auto-défense – de résistance, comme disent les adeptes de la cause palestinienne.
La terroriste est dite « auteure présumée » – c’est techniquement exact, mais particulièrement précautionneux, son acte ayant été filmé.
La victime est présentée comme habitant une « colonie », sous-entendu présente de manière illégitime.
Comme toujours à l’AFP, Jérusalem qui a été réunifiée il y a plus d’un demi-siècle (1967) après seulement 19 ans de séparation lorsque sa partie orientale était occupée par la Jordanie, est présentée comme coupée en deux ; Jérusalem-Est étant considérée comme un secteur « palestinien » (ce qu’elle n’a historiquement jamais été) et « occupé ».
Summum de la justification : la famille de la terroriste habite dans ce quartier qu’Israël occupe, et « est menacée d’éviction au profit de colons israéliens ».
Alors oui, il y a dans ce quartier de Cheikh Jarrah (ou Shimon HaTzadik, selon sa dénomination hébraïque), un vieux contentieux qui oppose des familles arabes à des familles juives.
Les unes, établies depuis des années, estiment qu’elles sont chez elles ; les autres affirment que les familles arabes se sont emparées sous l’occupation jordanienne de maisons qui appartenaient auparavant à des Juifs, et devraient donc aux héritiers des anciens propriétaires juifs des loyers qu’elles refusent de payer (d’où, in fine, des procédures d’expulsion).
Tout cela fait l’objet de longues procédures juridiques devant les tribunaux, car Israël est un pays de droit.
L’AFP dépeint d’un côté des familles arabes menacées : « En juin, le grand-père de la suspecte, Aref Hammad, avait dit à l’AFP « avoir peur d’être jeté dans la rue ». « Après ils expulseront le quartier en entier », avait-il ajouté », relate la dépêche.
(Nous avons consulté la dépêche de juin : l’AFP y rapportait que « les Hammad se sont installés à Cheikh Jarrah dans les années 1950, au lendemain de la guerre de 1948 qui a suivi la création de l’Etat d’Israël », ce qui démontre bien que le contentieux remonte à la période jordanienne).
De l’autre, des colons accapareurs : « [Le] mari [de la victime], Dvir, a assuré à des journalistes qu’ils continueraient de vivre à Cheikh Jarrah, quartier palestinien et épicentre de tensions, car c’était leur « mission » en tant que colons ».
(Notez bien le « en tant que colons » qui est du cru de l’AFP. On imagine difficilement Dvir Cohen déclarer : « C’est ma mission en tant que colon ». A ce petit jeu des guillemets et des citations tronquées, l’AFP patauge sans vergogne dans la désinformation).
Voilà une manière bien sélective de rapporter les points de vue. En ce qui concerne le mari de la victime, l’AFP semble en outre avoir passablement édulcoré ses propos.
On peut en juger par l’interview bien plus complète que Dvir Cohen a accordée au journal Israel Hayom. Il y décrit la situation dans le quartier de Cheikh Jarrah :
« Cohen, qui vit avec sa femme et ses enfants dans le quartier de Shimon Hatzadik, près de Cheikh Jarrah, a déclaré : « Il y a des menaces contre nous et j’ai entendu à plusieurs reprises : ‘Je vais vous tuer.’ Nous vivons à proximité de terroristes ». Et de préciser : « Nous vivons une longue vague de terreur depuis l’opération Gardien des remparts (NDLR conflit entre Israël et le Hamas de Gaza au printemps 2021) alors que notre maison a essuyé 11 cocktails Molotov et aussi des cailloux systématiquement », relate le Israel Hayom.
En adoptant sans réserve le narratif palestinien, qui affirme que le quartier et ses maisons sont volés par les Israéliens, tout en évitant de donner le son de cloche des habitants israéliens tel que relaté dans la presse israélienne, l’AFP n’est déjà pas d’une impartialité à toute épreuve.
Inversion des rôles : le terrorisme, de bonne guerre ?
En enrobant l’annonce de l’attaque avec ce narratif, l’agence va beaucoup plus loin : jusqu’à inverser les rôles entre agresseur et victime.
Pour étayer sa démarche, la dépêche de l’AFP cite un « expert » palestinien :
Selon le spécialiste palestinien des colonies à Jérusalem, Khalil Tafakji, l’incident de mercredi est « la réaction de gens à qui on a essayé de prendre leur maison ».
Voilà comment l’agence de presse française justifie que l’on puisse poignarder dans le dos une mère de famille juive amenant ses enfants à l’école.
A noter également, la grande imprécision sur le « spécialiste palestinien » Khalil Tafakji.
Ce cartographe réputé est surtout un officiel et un militant palestinien. Il a été Membre de la délégation palestinienne lors des pourparlers d’Oslo. Dans les années 80, il a également passé un an dans les prisons israéliennes pour son implication dans des actions terroristes de l’OLP.
Dans ce portrait (très élogieux) publié l’an dernier par Le Monde, Khalil Tafakji n’offre pas le visage d’un grand modéré.
En conclusion de son propos, il envisage sur un ton un rien menaçant que « les Israéliens connaîtront le même sort que les colons français après cent trente ans de présence en Algérie ».
Le terrorisme aveugle contre des civils, c’est donc pour se défendre ?
Le hic dans ce raisonnement, c’est qu’en France aussi, des terroristes islamistes poignardent de temps en temps des passants qui se trouvent au mauvais endroit, au mauvais moment.
Et l’AFP ne leur fournit pas ce genre d’excuses.
Ou plutôt, si : certains terroristes en France se revendiquent de la cause palestinienne, et justifient leur violence en particulier contre les Juifs comme une réaction aux souffrances supposément infligées par Israël aux Palestiniens.
C’était l’excuse de Mohammed Merah quand il a assassiné des enfants juifs à Toulouse.
C’est la raison pour laquelle la dépêche de l’AFP a beaucoup fait réagir.
L’ambassade d’Israël en France a protesté officiellement, ce qui n’est pas habituel. De nombreuses personnalités et institutions juives françaises ont également réagi.
Visiblement, nous ne sommes donc pas les seuls, à InfoEquitable, à trouver que l’AFP est allée un peu trop loin dans le sens de la justification d’un acte violent.