Israël-Palestine, le moment de vérité

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Par Francis MORITZ – Temps et contreTemps

C’est le moment de vérité, il faut choisir ou subir. La récente séquence a mis en lumière les limites de l’action militaire. Sans reprendre ici les multiples commentaires et constats qui ont été faits, on en revient encore à la formule utilisée dans le passé «établir un cesser le feu à long-terme» qu’on ne peut pas considérer comme une stratégie mais uniquement une tactique. Celle-ci est cependant appliquée depuis qu’Israël a quitté Gaza et qui ne fait que repousser l’issue tout en la compliquant de plus en plus. Elle consiste à laisser aux générations futures la résolution d’un problème majeur. Est-ce vraiment suffisant ? C’est un manque de responsabilité. Il est vrai que depuis les accords d’Oslo en 1993, il y a eu plusieurs tentatives qui ont toutes échoué. Dans l’objectif de réaliser une paix durable, ces échecs ne peuvent devenir un argument. Tout au contraire, il y a probablement plus à apprendre de ces échecs qu’à renoncer, au vu des circonstances actuelles.

C’est peut-être aussi le moment de tirer les leçons du passé, plus particulièrement de ce qu’on a appelé le processus d’Annapolis de 2007/2009 qui impliquait les représentants de l’OLP et de l’Autorité Palestinienne et le gouvernement conduit par Ehud Olmert avec Tsipi Livni comme ministre des Affaires étrangères. L’Histoire a montré à maintes reprises qu’on ne peut imposer sa loi à des populations qui la refusent depuis des années.

Ce qui constituait à l’époque des difficultés, sont devenues ensuite des obstacles sérieux pour se transformer maintenant en exigences existentielles pour les parties et qu’on ne peut plus mettre de côté. Quelle que soit l’opinion qu’on ait, force est de constater que les narratifs respectifs ont aussi évolué et reflètent la perception ici et maintenant des populations, israélienne et palestinienne. Israël désire être un État juif, homogène et démocratique et, surtout, souhaite profondément le rester. Face à ces objectifs fondamentaux, le pays est déjà confronté à diverses réalités qu’il ne peut modifier. La démographie devient un problème majeur. Les réalités d’hier ne sont manifestement plus celles d’aujourd’hui. Il faut un changement radical de stratégie.

L’affaiblissement de l’Autorité Palestinienne se traduit symétriquement par l’émergence du Hamas comme seul leader et défenseur de la cause palestinienne. Subir ou choisir, Israël peut laisser les événements aller à leur terme en misant uniquement sur sa supériorité militaire. C’est ce qui s’est passé, alors que le Hamas a poursuivi un objectif politique et idéologique. En décidant et en annonçant son intervention, il a fait la démonstration qu’il pouvait tenir tête seul à une puissance armée qui lui est très supérieure, même s’il fallait sacrifier sa population. On l’a vu en 2014 et à nouveau cette fois encore, sans le Hezbollah ou l’Iran, du moins dans le discours. Aux yeux de l’opinion publique arabe, celle des territoires, voire celle des Arabes israéliens, il émerge du conflit comme leader de la cause, qu’on le veuille ou non.

Israël doit empêcher la prise de contrôle par le Hamas du leadership palestinien. Ce qui implique la remise en selle de l’AP et très probablement l’avènement d’une nouvelle équipe. On imagine qu’Israël sait à qui s’adresser et comment la susciter. La non-reconnaissance formelle du Hamas ne signifie pas la non-reconnaissance de facto, dont Israël de son côté n’a pas manqué de se prévaloir, lorsqu’il l’a jugé à son avantage selon les circonstances. L’attitude israélienne va dans ce sens, sauf changement. Les négociations engagées sous l’égide de l’Égypte en sont la démonstration.

La pression croissante des problèmes humanitaires, sanitaires, économiques de Gaza doivent être pris en compte. Les importations de matériaux et matériels doivent être rigoureusement contrôlées. Ce qui n’a semble-t-il pas été le cas malgré le blocus, sinon comment explique ces centaines de tunnels. Il est impératif que la nouvelle AP soit intiment associée à la reconstruction de Gaza, qui prendra plusieurs années, afin de rétablir sa crédibilité et son autorité auprès des Palestiniens et de la communauté internationale. Ce qui constituerait un changement de cap de la politique israélienne de ces dernières années, diviser pour mieux régner et isoler Gaza. On connait la suite. L’influence du Hamas n’a fait qu’augmenter. On sait bien que l’AP actuelle est plus que réticente à être présente à Gaza, d’où elle a été chassée par le Hamas. Elle craint avant tout la présence de l’aile armée du Hamas et celle du djihad islamique, aussi longtemps que ces deux entités armées ne seront pas contrôlées. L’AP devra prendre des initiatives pour démontrer sa capacité à gérer dans le territoire qu’elle contrôle.

Enfin, le problème du retour des corps des militaires morts en action et des prisonniers devra impérativement être réglé par un échange, démontrant la capacité du Hamas à régler une question purement humanitaire.

Aucune des options ne constitue une garantie à 100%. Pour autant les modalités actuelles du blocus démontrent que ce n’est pas la bonne solution. Il faut interrompre le financement actuel du Qatar, effectué sans contrôle. On a vu les résultats. Dans le même temps, Israël devra encore et toujours disposer des moyens militaires de la dissuasion. Au-delà, si Tsahal devait envisager la destruction physique du Hamas qui reste une option, le pays devrait s’attendre à un coût humain important. Alors la question demeure, doit-on laisser la résolution d’une situation qui ne fait qu’empirer à la génération suivante, subir ou choisir.

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