Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Joe Biden ne semble pas être atteint de sénilité, ni de mollesse et ni d’une quelconque maladie dont les inconditionnels de Donald Trump l’avait affublé durant la campagne électorale. On le traitait invariablement de « larbin d’Obama, de sénile de service et de bedeau du village ». Or, il ne se laisse pas conter par les Iraniens et il a décidé de réagir fermement contre les Ayatollahs. À la suite d’une attaque meurtrière à la roquette, par un groupe soutenu par l’Iran, contre l’aéroport d’Erbil dans le nord de l’Irak sur une base abritant des troupes américaines, il a ordonné, en représailles, sa première frappe aérienne contre des cibles iraniennes en Syrie. Le Pentagone a précisé que les frappes avaient détruit «plusieurs installations situées à un point de contrôle frontalier utilisé par un certain nombre de groupes militants soutenus par l’Iran, dont Kaitib Hezbollah et Kaitib Sayyid al-Shuhada». Deux avions de combat F-15E avaient largué sept munitions à guidage de précision. Ces frappes ont été calculées.
Ces deux groupes irakiens visés font partie de l’organisation des Forces de mobilisation populaire. Selon des sources syriennes, l’attaque a tué au moins 17 miliciens pro-iraniens et détruit trois camions transportant des missiles. Joe Biden a voulu que la frappe aérienne américaine en Syrie ne soit pas trop meurtrière mais soit un avertissement à Téhéran. Les Américains ont touché une zone connue pour faciliter l’activité des milices alignées sur l’Iran, un complexe précédemment utilisé par Daesh lorsqu’il contrôlait la zone.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a été surpris par cette action qui remet en question, selon lui, les plans de l’administration américaine en Syrie : «Il est très important pour nous de comprendre la ligne stratégique des États-Unis sur le terrain». Moscou avait en effet été averti quelques minutes seulement avant l’attaque américaine.
En fait si Joe Biden a décidé de relancer l’accord nucléaire avec l’Iran, la frappe très limitée représentait un signal de dissuasion de la part des Américains qui voulaient punir les responsables des attaques en Irak sans que la situation dégénère en conflit plus grave. Il a voulu envoyer à l’Iran un message sans ambiguïté pour l’informer qu’il agira toujours pour protéger le personnel américain.
Les États-Unis et Israël veulent éliminer tous les facteurs de déstabilisation. Joe Biden n’avait pas apprécié qu’au lendemain de son installation à la Maison Blanche, l’Iran ait lancé ses miliciens contre les installations militaires en Irak. C’est pourquoi, certains observateurs ont interprété cette frappe comme une volonté de l’administration Biden de négocier en position de force sur le nucléaire iranien et d’empêcher Téhéran de faire monter la pression dans la région.
Israël de son côté a jugé grave l’attaque de son navire commercial par des éléments associés à l’Iran. La liberté de circulation dans le Golfe et à travers tous les détroits de la région est en jeu. C’est d’ailleurs la fermeture du détroit de Bab El Mandeb qui avait déclenché la guerre de Six-Jours. Le chef d’État-major de Tsahal a déclaré que «l’État d’Israël est constamment confronté à de multiples menaces. Tous nos fronts sont actifs, et tous ces fronts nécessitent des renseignements actualisés en temps réel. On nous a rappelé que l’Iran n’est pas seulement une menace nucléaire». Le ministre de la Défense Benny Gantz est persuadé que le cargo israélien, qui avait été attaqué par des missiles la semaine dernière, était une opération iranienne. Pour lui, c’est la preuve que «la République islamique propage le terrorisme et mène des activités terroristes contre des cibles civiles».