Avant la Deuxième Guerre mondiale, la France possédait le deuxième empire colonial au monde qui comptait 110 millions d’habitants, mais en 25 ans de 1943 à 1967, sa surface s’est réduite des 5/6. Cependant en 2020 la France possède encore le 2e domaine maritime et le 1er domaine sous-maritime au monde !
Contexte des décolonisations françaises
La Première Guerre mondiale avait vu la prise d’indépendance de nombreux pays en Europe. La Deuxième Guerre mondiale a généré un mouvement encore plus grand à travers le monde. La charte de l’Atlantique (14/08/1941) de Roosevelt et Churchill, reconnaissant le droit aux peuples à l’autodétermination, a accéléré une dynamique mondiale de décolonisation qui s’est rapidement traduite (1945-1948) par de nombreuses indépendances, dont l’Inde.
Les décolonisations françaises ont eu lieu dans ce contexte général : Syrie, Liban, Laos, Cambodge, Vietnam, Tunisie, Maroc, Cameroun, Togo, Mali, Sénégal, Madagascar Dahomey, Niger, Haute-Volta (actuel Burkina Faso), Côte d’Ivoire, Tchad, République Centrafricaine, Congo, Gabon, Algérie. On notera qu’en parallèle l’Empire soviétique s’étendait, que les États-Unis d’Amérique développaient leur stratégie d’endiguement du communisme, que la Chine commençait son éveil (interventions dans les guerres de Corée et d’Indochine) et que la conférence de Bandung (1955) voyait la constitution du groupe des non-alignés.
De la qualité de nos dirigeants pendant et après les décolonisations
Pendant cette période (43/67), la République française gouvernée par la droite ou par la gauche a transgressé tous ses principes (énumération pour l’exemple et sans ordre particulier) :
torture, élections truquées, manipulations/créations de faux partis favorables à la France, répressions faisant de nombreux morts, massacres, sacrifices des appelés, trahison des supplétifs…
En parallèle à certains moments les syndicats politisés sabotent (par exemple pendant la guerre d’Indochine : refus d’acheminer des armes, de débarquer des cercueils…), et le parti communiste français fait cause commune avec la plupart des nationalistes en guerre avec la France, dont le FLN.
Si l’on excepte les réguliers appels de l’Algérie à la repentance de la France, pour les gouvernements successifs et les citoyens c’est le silence radio et une amnésie qui perdure depuis 50 ans. Les baby-boomers étaient enfants ou jeunes adultes au moment des décolonisations et plus préoccupés après 68 à faire leur vie que d’assumer des histoires passées. Les hommes politiques dont beaucoup ont été impliqués, à l’instar de Mitterrand qui fut favorable en tant que ministre de la Justice à l’exécution des 45 premiers condamnés à mort de la guerre d’Algérie, n’ont pas cherché à faire œuvre de mémoire sur les décolonisations.
De l’instrumentalisation de l’Histoire
Récemment le président actuel a émis un jugement selon lequel « La colonisation a été un crime contre l’humanité », qui stigmatise des millions de personnes, fait porter aux Français d’aujourd’hui un nouveau péché originel, alimente les tenants du communautarisme séparatiste, ne sert pas une approche historique apaisée de notre histoire, donne des espoirs aux adeptes de la repentance, occulte le comportement de certains (par exemple vis-à-vis des rapatriés d’Algérie : Gaston Defferre disant « qu’ils aillent se réadapter ailleurs » ou les dockers de Marseille affichant des banderoles « Pieds noirs rentrez chez vous »).
En fait, l’histoire reste à être écrite. Si l’on prend la guerre d’Algérie par exemple il est intéressant de noter que l’on sait établir les comptabilités, des Algériens déplacés pendant le conflit (3 millions), des rapatriés (1,2 million), de certains morts (300 000 Algériens, 23 000 militaires, 3 000 civils), mais on n’a pas de chiffres précis (on cite souvent une estimation de quelques dizaines de milliers) pour les massacres organisés par le FLN des supplétifs de l’armée française après l’indépendance (il y avait 263 000 supplétifs-auxiliaires dont 58 000 soldats, mais seulement 41 000 harkis sont arrivés en France avec leurs familles).
Les choix de l’amnésie ou la quête des bulletins des Français d’origine des colonies sont mauvais pour la cohésion du pays qui, de difficile à diriger, va devenir ingouvernable. Même s’il est ardu pour un historien d’essayer de simplement narrer les faits historiques et d’éviter d’introduire involontairement des biais liés à ses connaissances, ses expériences, ses idéaux… ; l’enjeu est quand même de mieux comprendre le présent et mieux préparer l’avenir, car « l’avenir vient de loin ».
Michel Bruley, MABATIM.INFO
Pour aller plus loin :
— Lire « Décolonisations françaises : la chute d’un empire » aux Éditions de La Martinière (qui a été ma source principale pour cet article) ;
— Voir le documentaire de France 2 « Décolonisation du sang et des larmes » ;
— Lire la critique de ce documentaire jugé partisan : « Le documentaire Décolonisations, du sang et des larmes : une œuvre commerciale sans déontologie, pas un travail d’historien »