Bilan des années Trump au Moyen-Orient
Jacques Neriah - Le Cape
La donne géopolitique au Moyen-Orient est actuellement bien différente que celle de l’époque du Président Barack Obama. Elle se distingue par le fait que l’administration Trump, contrairement aux précédentes, a appliqué une nouvelle thèse selon laquelle la normalisation des relations entre Israël et ses voisins arabes ne dépend pas de la solution du conflit israélo-palestinien.
Dans ce nouveau contexte, le Moyen-Orient est devenu plus polarisé que jamais. Face à l’Iran et Israël, des coalitions chiites et sunnites se sont formées, tandis que le chaos toujours règne en Libye et au Liban. La destruction est si colossale qu’il faudra une génération entière pour pouvoir reconstruire l’infrastructure de la Syrie.
Longtemps absente, la Turquie est devenue un acteur principal dans la région que personne ne peut l’ignorer.
La situation chaotique au Moyen-Orient a été l’occasion pour l’Iran de poursuivre ses efforts inlassables pour consolider ses positions dans la région. Au cours des quatre dernières années, l’Iran est plus que jamais omniprésente dans le monde arabe grâce à la force el Qods des Gardiens de la Révolution, ses satellites, ses milices et mercenaires. En fait, l’Iran contrôle quatre capitales arabes : Beyrouth, Bagdad, Damas et Sanaa.
Durant le mandat du président Trump, deux piliers de la stratégie iranienne furent éliminés : Qasem Soleimani, chef tout puissant de la force el-Qods, et Mohsen Fakhrizadeh, cerveau de la bombe atomique iranienne. Des raids ont été lancés également contre des sites militaires iraniens en Syrie ainsi contre des convois d’acheminement d’armes au Hezbollah.
Trump s’est retiré de l’accord nucléaire signé à Vienne en exerçant des pressions diplomatiques et des sanctions économiques paralysantes notamment sur des dirigeants financiers et des industries iraniennes impliqués directement ou indirectement dans le financement du terrorisme.
Les États-Unis n’ont pas abandonné leurs intérêts et leurs alliés traditionnels en Méditerranée comme dans le Golfe persique. Ils seront toujours présents militairement dans le nord-est de la Syrie, dans les territoires contrôlés par les Kurdes, en Irak et au Kurdistan.
Dans d’autres zones de la région, les Américains sont intervenus diplomatiquement dans le conflit entre l’Égypte et l’Éthiopie, concernant les eaux du Nil et aussi dans le litige maritime entre Israël et le Liban.
D’autres faits marquants de la politique américaine sont le transfert de l’ambassade à Jérusalem, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan, et la présentation du « plan du siècle » en offrant à Israël 30% du territoire de la Judée-Samarie et en incluant la majorité des implantations juives sous ses frontières souveraines.
Le fait que l’Autorité palestinienne ait rejeté le « plan du siècle » n’a pas empêché trois États arabes, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Soudan de signer des traités de paix et des accords de normalisation avec Israël.
Sur l’épineuse question palestinienne, et en particulier la confrontation en cours entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, le Président égyptien Sissi a prouvé qu’il était prêt à servir de médiateur. Sissi cherche à empêcher la déflagration du conflit aux frontières nord-est de l’Égypte tout en exprimant son mécontentement envers les dirigeants palestiniens qui ont ignoré ses directives. L’année dernière, Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, s’est rendu en Turquie, en Iran et au Qatar contre l’avis des autorités égyptiennes, et a même prononcé un dernier hommage lors des funérailles de Qasem Soleimani. En conséquence, il s’est vu refuser un visa d’entrée à Gaza et vit actuellement au Qatar.
Au cours de ces quatre années de l’administration Trump, aucun régime arabe n’est tombé dans la mouvance djihadiste islamiste. Toutefois, la plupart des États arabes souffrent encore de faiblesses internes et sont en proie à des activités subversives menées par des groupes extrémistes d’opposition fondamentalistes musulmans ou par des groupes terroristes parrainés par l’Iran.
Tandis que le Liban plonge dans une faillite presque irréversible, la Syrie demeure à moitié vide de sa population d’origine, avec plus de six millions de réfugiés dans les pays voisins et en Europe.
L’administration Trump a poursuivi la lutte contre les djihadistes au Moyen-Orient et en Afrique. Bien que l’État islamique ait été vaincu en Irak et qu’Al-Qaïda soit en fuite pour tenter d’échapper aux frappes aériennes américaines, le fondamentalisme musulman est toujours omniprésent dans la plupart des pays arabes.
Enfin, la situation au Moyen-Orient a conduit à une consolidation de la position de la Russie en Méditerranée orientale. La Russie, dont l’intervention militaire a sauvé le régime de Bachar Assad, est devenue le principal médiateur et gardien de la paix sur le front syrien, en laissant toutefois une certaine liberté de manœuvre à l’aviation israélienne dans les cieux syrien et libanais. La Russie a reçu de la Syrie des assurances de maintenir sa présence dans le port de Tartous et dans la base aérienne de Hmeimim, ainsi que des promesses de contrats dans la reconstruction du pays. Profitant du manque d’intérêt de l’administration Obama, Moscou a signé de farineux accords militaires et économiques avec des partenaires traditionnels des États-Unis et s’est imposée comme acteur diplomatique dans le conflit israélo-arabe, offrant des services de médiation et des arrangements politiques.
En conclusion, l’administration Biden hérite d’un Moyen-Orient riche en défis et en risques potentiels. Pour l’heure, tous les acteurs sont sur le qui-vive pour essayer de comprendre quelles sont les réelles intentions du nouveau locataire à la Maison Blanche.
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