Photo : Le vice-président Biden en Arabie
La chronique de Michèle MAZEL
La nouvelle administration n’est pas encore en place mais tout le monde a compris que les jeux sont faits : l’ère Trump touche à sa fin. Bien sûr, beaucoup de choses peuvent encore se passer au cours des quelques semaines à venir. Trump a démontré qu’il était imprévisible. Est-il en train de méditer un dernier acte à la Samson ? Le déclenchement d’une attaque de grande envergure sur les installations nucléaires de l’Iran ?
Une telle action réduirait à néant l’intention de son successeur qui avait fait savoir durant la campagne électorale qu’il voulait initier des négociations avec Téhéran en vue de rejoindre le JCPOA, l’accord nucléaire de 2015, dont Trump était sorti. Peu probable sans doute mais cette éventualité renforce l’ambiance d’incertitude qui règne au Moyen-Orient. Tout ce qu’on sait pour le moment de la nouvelle équipe qui se met en place ? c’est que la question palestinienne revient au-devant de la scène.
Reprise de l’assistance financière à l’Autorité palestinienne, réouverture de la représentation de l’OLP à Washington pour commencer ; l’aile gauche du parti démocrate pousse pour une ligne plus dure vis-à-vis d’Israël. En clair, c’en est fin de «l’affaire du siècle» annoncée en fanfare en janvier dernier ? Quid alors des «accords d’Abraham» ce spectaculaire succès de la politique du président Trump ? Il avait réussi à convaincre des États, comme les Émirats arabes unis et Bahreïn, de normaliser leurs relations avec Israël en abandonnant le préalable de la solution du problème palestinien.
Les accords ont été généralement bien accueillis par les populations de ces États qui n’avaient jamais fait la guerre à Israël et n’éprouvaient aucune animosité particulière à l’égard du peuple juif. Il faut voir avec quelle rapidité les contacts se sont établis, les contrats ont été conclus. La normalisation est devenue réalité sur le terrain, avec l’échange de dizaines de délégations et l’établissement de relations aériennes, sans parler des produits israéliens étiquetés comme tels ouvertement en vente dans les supermarchés des Émirats tandis qu’hôtels et restaurants offrent désormais une option casher à leurs hôtes. L’Arabie saoudite, qui avait encouragé ses voisins à sauter le pas et qui a ouvert son espace aérien aux appareils israéliens, paraissait prête à son tour à normaliser des liens qui existaient en sous-main de longue date.
L’échec de Trump et l’élection de Joe Biden a entraîné un arrêt de jeu. Le prince héritier saoudien qui poussait à la normalisation recalcule ses équations : il sait que l’équipe Trump avait assorti à ses efforts pour convaincre les monarchies du Golfe de solides compensations, notamment sous forme de vente de matériel militaire de pointe – y compris ces fameux F-35 qui ont fait hausser les sourcils dans les milieux sécuritaires en Israël. Des compensations que l’administration Trump n’est plus en mesure de proposer à l’Arabie saoudite.
L’équipe Biden va-t-elle reprendre le flambeau ? Rien n’est moins sûr. Alors un vent de panique souffle à travers le Golfe. C’est ainsi qu’alors qu’ils s’étaient réjouis tout en se gardant de le montrer de l’élimination de Mohsen Fahrizade, considéré comme le père du programme nucléaire iranien à des fins militaires qui les effraient tous ; les voilà qui rentrent piteusement dans les rangs les uns après les autres. Après quelques jours d’hésitation Bahreïn a été le premier à condamner l’attentat, suivi au bout de quelques heures par les Émirats. Combien de temps l’Arabie saoudite pourra-t-elle tenir encore avant de s’incliner à son tour ? Ou comprendra-t-elle qu’Israël reste le seul appui sur lequel elle peut compter, et en tirera les conséquences ?