«Pinh’as, fils d’Eléazar, fils d’Aharon le Cohen, se leva du milieu de la communauté, arma sa main d’une lance. Il entra dans la tente, à la suite de l’homme d’Israël, et les transperça tous les deux, l’homme d’Israël, ainsi que cette femme, qu’il frappa au flanc ; et le fléau cessa de sévir parmi les bneï Israël » (25,7-9)
Bref rappel des faits : conscient qu’il ne pouvait pas vaincre les Bené Israël par la guerre, Balak prit la décision de livrer un combat verbal, celui des malédictions. Il prit les services de Bil’am, prophète des nations pour maudire les Bené Israël. Mais après usé de tous les stratagèmes pour faire abattre la malédiction sur Israël, Bil’am, a finalement compris qu’il ne pouvait affaiblir le peuple d’Israël par ses malédictions, car Hachem protégeait Son peuple (Berakhot 7a). Il a alors suggéré à Balak de les faire fauter par la débauche, car il savait comme le dit la Guemara (Sanhédrin 106a) « Leur D’ a en horreur la débauche». C’est alors qu’il s’adressa aux filles de Midiane et de Moav pour les enjoindre d’entraîner les Hébreux à la débauche, à l’orgie et à l’idolâtrie. Il a trouvé le moyen de rompre leur relation avec Hachem, afin de retirer la Chekhina du camp d’Israël, laissant les Bené Israël à la merci de ses ennemis.
L’un des membres de notre peuple, le prince Zimri ben Salou, osa emmener l’une d’entre elles parmi ses frères. Ce n’était pas n’importe quelle Midianite, elle était la princesse, Kozbi bath Tsour, qui n’avait d’autre but que de s’introduire parmi les Bené Israël afin de faire fauter Moché. Face au spectacle affligeant de cette débauche, Hachem envoya un ange pour sévir et anéantir le peuple par une épidémie.
Pinh’as quant à lui, réussit à s’introduire parmi les fauteurs, en réclamant vouloir faire partie de leur groupe, il pénétra dans leur tente, vengea l’honneur de Hachem en transperçant d’une fourche le couple détesté de D’, et stoppa ainsi l’épidémie dévastant le peuple.
À la suite de cet épisode, « L’Éternel parla ainsi à Moché : Pin’has, fils d’Eléazar, fils d’Aharon le Cohen, a détourné Ma colère des enfants d’Israël, en se montrant jaloux de Ma cause au milieu d’eux, en sorte que Je n’ai pas anéanti les enfants d’Israël dans Mon indignation » (Bamidbar 25,10-12)
Rachi explique « en se montrant jaloux de Ma cause », c’est-à-dire en assumant la colère que j’aurais dû manifester moi-même. Toutes les fois que le texte parle de « jalousie », il s’agit d’être « enflammé de passion pour venger une cause».
Plusieurs questions se posent :
– Pourquoi Bil’am a-t-il attendu trois interventions et tous ces sacrifices offerts, pour comprendre que c’est l’envoi de femmes débauchées qui fera perdre la bataille des Bené Israël ?
– Comment cette génération de la connaissance, qui était entourée de sept nuées de gloire, peut en arriver à fauter avec les filles de Midian et Moav?
– Qu’est-ce que signifie lorsque Rachi dit que Pin’has a assumé la colère que Hachem aurait dû manifester Soi-même ?
Le rav Nissim Perets répond à ces trois questions :
Hachem créa le monde selon l’attribut de Rigueur/Midat Hadin. Voyant que le monde ne pouvait subsister ainsi, Il y joignit l’attribut de Miséricorde/Midat Hara’hamim. C’est pourquoi l’on retrouve dans le cycle d’une journée l’attribut de rigueur dominant celui de miséricorde et vice-versa. L’attribut de rigueur domine depuis la chekiya [coucher du soleil] jusqu’à ‘hatsot, la moitié de la nuit.
En voyant les projets maléfiques de Bil’am de maudire les Bené Israël, Hachem a mis en suspend l’attribut de Rigueur dans le monde afin que Sa colère ne puisse se déverser sur le peuple. En effet la Guemara (Berakoth 7a) nous dit que Bil’am qui connaissait exactement l’instant où Hachem se met en colère, et désirait utiliser cet instant pour les maudire.
Seulement voilà, l’absence de cet attribut de Rigueur dans le monde a aussi suspendu les capacités de l’homme de surmonter son Yétser hara’. Le monde était devenu entièrement sous le signe de la Miséricorde.
C’est donc après ses trois plaidoiries sans succès que Bil’am comprit la stratégie que Hachem a choisie. Conscient que l’attribut de Rigueur avait là disparu, c’était donc le moment opportun pour envoyer les femmes se débaucher avec les Bené Israël. Bil’am avait bien compris qu’ils n’avaient pas les capacités de surmonter leurs désirs, et qu’ils allaient donc forcément tomber.
Cependant Pin’has a su se surpasser et se lever du milieu de la communauté, et faire cesser le fléau qui sévit parmi les Bené Israël ». On comprend maintenant les paroles de Rachi qui explique que Pin’has a assumé la colère que Hachem aurait dû manifester soi-même. (fin des paroles du rav)
Dans la suite de notre Paracha, il est écrit : « Attaquez les Midianim et taillez-les en pièces, car ils sont vos ennemis » (Bamidbar 25,18). Quelle est cette cruelle ordonnance envers les Midianim ? Qu’ont-ils bien pu faire pour mériter un tel dessein ?
Le Midrach Rabba (Bamidbar 21,4) explique au nom de rabbi Chim’on Bar Yo’haï que celui qui fait fauter son prochain est plus répréhensible que celui qui le tue. Celui qui fait trébucher son frère en lui faisant faire des fautes est encore plus blâmable que celui qui l’assassine. Et le Midrach explique qu’un meurtrier envoie la victime dans un monde futur extraordinaire, elle purge de toutes ses fautes, ainsi que le citent nos Sages, au sujet de celui qui meurt « ‘al Kidouch Hachem/ En sanctifiant le Nom de Hachem.» Tandis que celui qui fait fauter son prochain l’élimine de ce monde-ci et le prive du monde futur. La faute fait perdre à l’homme les deux mondes.
Et rabbi Chim’on explique ses propos ainsi : quatre peuples ont tenté d’anéantir Israël, deux par l’épée, et deux autres en les faisant transgresser la Tora. Les premiers sont les Égyptiens avec un Pharaon cruel ; et les Edomim avec Amalek et ses descendants, qui nous poursuivent de génération en génération, pour nous anéantir. Les seconds sont les Moavim et les Amonim qui se sont associés pour nous faire commettre de graves fautes, en particulier celles des relations interdites, afin d’éloigner de nous la présence Divine.
Pour les premiers, et on acceptera une conversion (Devarim 23,8-9). Mais pour les seconds, on le leur interdit pour l’éternité tellement ils représentent un danger, nous devons les tenir éloignés à tout jamais (Devarim 23,4-7).
Nous apprenons de notre paracha la gravité et le danger mortel de la débauche, car elle cause plus de dégâts que toutes les guerres et ennemis tels que Daech, ‘Hamas, etc… Bil’am l’a bien compris, et Pin’has nous en a sauvés.
Pin’has a choisi de passer pour un trouble-fête, un intolérant, un fou de D’, uniquement pour rétablir la justice et sauvegarder la morale au sein du peuple. C’est au péril de sa vie qu’il a traversé une foule en folie, pour aller transpercer ce Juif et cette Midianith.
Que peut-on entendre aujourd’hui par la débauche ? Illustrons cela par un petit exemple.
Nous travaillons chez un bon employeur, avec des conditions qui nous conviennent et soudain nous recevons le coup de fil d’un « chasseur de têtes », celui-ci nous fait rêver avec de nouvelles missions, de meilleures conditions, il essaye de nous « débaucher » de notre employeur d’origine. Où est le mal d’essayer autre chose, si cela peut nous améliorer notre quotidien. Comme les divers appareils modernes qui nous font croire qu’on ne peut vivre sans eux et qu’ils nous améliorent notre existence. Mais ils ne sont que des « chasseurs de têtes » qui veulent nous débaucher de nos valeurs, de notre employeur d’origine.
On devient dépendant d’eux alors que la seule dépendance que nous devons avoir est envers notre Créateur. Ils nous ont « débauché notre cerveau » !
Notre Paracha est lu justement en été, en cette période de juillet-août où les jours sont chauds.
C’est en se renforçant dans la Tsni’outh/pudeur que l’on recevra toutes les bénédictions et une protection intégrale pour tout notre peuple, mieux que tous les accords de paix et autres compromis avec l’ennemi qui veut nous tromper…
Il est vrai que les difficultés du respect des lois de la pudeur, et des interdits relatifs à la débauche sont grandes, mais le salaire sera proportionnel. Chacun d’entre nous à cette capacité de devenir Pin’has, en faisant attention de ne pas se rendre dans des plages mixtes, vérifier sa tenue vestimentaire, filtrer ses accès internet (même chez un employeur)….
Comme Pin’has, nous devons combattre tous les comportements bafouant l’honneur de D’ et de la Tora, s’il nous arrivait d’en rencontrer.
Vivons avec ce concept ancré, celui de défendre l’honneur du Tout Puissant. En rétablissant notre relation avec Hachem, Sa Chekhina réside parmi nous, et nous protégera de tous nos ennemis. Abandonner le combat, c’est se faire complice des ennemis de D’.
Rav Mordekhaï Bismuth
Extrait de la « Daf de Chabbath » disponible sur le site http://www.ovdhm.com