Palestiniens : Intifada ou apathie contre “l’annexion”?

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Les Palestiniens luttent contre le scepticisme quant à savoir s’ils peuvent arrêter “l’annexion”, ou reconnaissance de souveraineté israélienne sur les blocs d’implantation indéboulonnables

MENA Source par Jonathan Ferziger

Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu demande le feu vert à la Maison Blanche pour déclarer sa souveraineté sur quelque trente pour cent de l’actuelle Cisjordanie, les Palestiniens se démènent pour galvaniser l’opposition internationale au plan, tout en luttant contre le scepticisme, dans leur propre camp, quant au fait qu’ils puissent faire quoi que ce soit pour l’en empêcher. Étant donné que la proposition d’Israël d’annexion de facto de la vallée du Jourdain et de la plupart des 130 implantations de Cisjordanie est un élément clé de la vision «de la paix à la prospérité» de l’administration Trump , le plus grand défi pour les décideurs, à ce stade, est d’évaluer et de se préparer aux retombées probables.

Y aura-t-il des violences ou, peut-être, une nouvelle intifada, un soulèvement, comme en préviennent les opposants israéliens aux plans d’annexion ? Les accords de paix d’Oslo de 1993 et ​​tous les accords antérieurs avec Israël seront-ils complètement annulés, comme en a menacé le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ? Signale-t-elle (cette annexion) le dernier clou dans le cercueil d’une solution à deux États au conflit ? Ou la décision d’Israël passera-t-elle tranquillement, ancrant le statu quo tout en changeant peu la routine quotidienne de quelque 2,6 millions de Palestiniens, qui vivent, de facto, sur des terres sous occupation militaire israélienne depuis la guerre des Six Jours en 1967 ?

Saeb Erekat, le négociateur palestinien le plus éminent pendant environ la moitié de cette période, sait qu’il peut compter, comme toujours, sur une vague de protestations diplomatiques contre l’annexion, de la part des gouvernements arabes et européens. Il reconnaît également que la parole des dirigeants étrangers à Paris, au Caire et à Riyad ne sera pas d’une grande aide et que le temps presse. Israël a désigné le 1er juillet comme date de début de mise en œuvre. “Ce que nous leur disons, c’est que Netanyahou peut survivre aux déclarations de condamnation, mais il a besoin d’entendre qu’il y aura aussi des contrecoups et des conséquences”, a déclaré Erekat dans ce que le Times of Israel a décrit comme une interview “virulente”.

Outre les émeutes et les attentats-suicides qui ont marqué les insurrections précédentes, ces conséquences pour Israël pourraient inclure l’effondrement de la police palestinienne et des services de renseignement – qui ont maintenu le couvercle sur le groupe jihadiste Hamas et d’autres qui adhèrent à l’idéologie du conflit violent en Cisjordanie et à l’appel à la dissolution de l’Autorité palestinienne (AP). Cela rendrait à Israël les responsabilités de la collecte des ordures, de la gestion des écoles et de l’administration générale de la vie civile dans les villes palestiniennes. Cela coûterait environ 14,7 milliards de dollars par an, soit une augmentation de 10% des dépenses du gouvernement israélien à un moment où son économie est sous le choc de l’impact du COVID-19.

De plus, la perspective d’affrontements meurtriers israélo-palestiniens diffusés sur des écrans du monde entier et toute menace perçue à Jérusalem-Est pour la mosquée al-Aqsa, le troisième site le plus vénéré de l’islam, feraient probablement que certains choisiraient de claquer la porte au rapprochement d’Israël avec les États arabes du Golfe, alors que les années de coopération gouvernementale et les accords commerciaux sont de moins en moins secrets.

L’annexion unilatérale nuirait également au traité de paix, vieux de vingt-six ans, conclu avec la Jordanie, où la majorité de la population a des racines palestiniennes, et compliquerait la coopération en matière de sécurité avec le royaume hachémite. Le roi de Jordanie Abdullah avertit depuis des mois que l’annexion de la Cisjordanie aurait «un impact majeur sur les relations israélo-jordaniennes» sans entrer dans les détails. Alors qu’Amman a donné quelques coups diplomatiques limités contre son voisin, le roi n’a jamais menacé de couper les liens officiels avec Israël, reflétant le fait que son pays en difficulté financière reçoit une aide critique américaine de 1,7 milliard de dollars par an.

La Ligue arabe a officiellement condamné l’annexion de la Cisjordanie le 30 avril lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de ses vingt-deux États membres, et a déclaré que le plan Netanyahou “représente un nouveau crime de guerre” contre le peuple palestinien. Le plan a été dénoncé par onze ambassadeurs européens, qui se sont également réunis lors d’une vidéoconférence pour avertir le ministère israélien des Affaires étrangères que l’annexion serait une violation du droit international, entraînant «de graves conséquences pour la stabilité régionale et la position d’Israël sur la scène internationale».

Ni Israël ni l’administration américaine n’ont cligné des yeux. Alors qu’il fait face à un procès ce mois-ci pour trois actes criminels, Netanyahou a fait de l’extension de la souveraineté en Cisjordanie une pièce maîtresse du nouveau gouvernement qu’il essaie d’établir avec son ancien rival politique Benny Gantz. Alors que l’accord de coalition stipule que le plan de Cisjordanie dépend de l’approbation du président Donald Trump, le secrétaire d’État Mike Pompeo a indiqué qu’il devrait également avoir son soutien. L’ambassadeur des États-Unis, David Friedman, qui est un donateur régulier dans la collecte de fonds pour l’implantation israélienne de Beit-El, dirige une équipe de responsables des deux pays, qui consultent des experts en cartographie et en sécurité pour adapter le plan aux objectifs politiques de la Maison Blanche.

Si l’on regarde comment le monde a adhéré à l’annexion de facto par Israël en 1981 des hauteurs du Golan du sud de la Syrie, qui ont également été conquis lors de la guerre de 1967, il est peu probable que le renforcement actuel de l’opposition internationale bloque une action similaire en Cisjordanie. Erekat, le négociateur palestinien, l’a essentiellement reconnu. Israël et la Maison Blanche parient que les Palestiniens sont à bout et ne seront pas en mesure de mobiliser une grande partie d’un mouvement populaire sur le terrain pour l’arrêter, a déclaré Riad Al Khouri, économiste basé à Amman et consultant en risques politiques chez GeoEconomica.

“La bouche d’Abbas va écumer, il va “brouter le tapis”, il va passer une journée entière à hurler tout ce qu’il peut au sujet du “génocide palestinien” et à quel point c’est la fin (des temps), parce qu’il le doit, parce que sa posture publique l’exige”, a déclaré Khouri dans une interview avec cet auteur. “Dans les coulisses, il va chercher une contrepartie.”

Que les Palestiniens obtiennent quelque chose d’important en échange – en espèces ou dans une autre monnaie politique – du fait de laisser le plan de Netanyahou en Cisjordanie se poursuivre avec un minimum de conflits, cela montrera à Trump s’il peut espérer tirer une certaine valeur de sa languissante proposition de paix à 50 milliards de dollars. Alors que les élections américaines se profilent en novembre, le drame de l’annexion au cours des prochains mois donnera aux décideurs une vision plus claire de la persistance de l’état de calme irritable qui dure ou d’une nouvelle vague d’effusion de sang israélo-palestinienne.

Jonathan H. Ferziger est un écrivain et chercheur qui a couvert le Moyen-Orient pendant plus de 20 ans en tant que journaliste pour Bloomberg News . Suivez-le sur Twitter:  @jferziger .

Adaptation : Marc Brzustowski

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