Mutation du coronavirus ?

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Benoît Zagdoun France Télévisions

Le coronavirus aurait-il muté ? Deux souches virales différentes seraient-elles en train de se propager dans le monde ? L’une serait-elle plus agressive que l’autre ? Faut-il redouter d’autres mutations du virus qui le rendraient encore plus virulent ? Alors que le nombre de cas diagnostiqués en France n’a cessé d’augmenter ces derniers jours, les questions ont pullulé dans le live de franceinfo. Alors vraie ou fausse information ?

Ces interrogations sont notamment alimentées par une étude (en PDF) menée par des chercheurs chinois, publiée dans la National Science Review (article en anglais) chinoise, mardi 3 mars. Ces scientifiques de Pékin ou de Shanghai ont étudié le génome du nouveau coronavirus dans 103 prélèvements différents. Des échantillons collectés à Wuhan, mais aussi dans le reste de la Chine et à l’étranger, aux Etats-Unis ou en Australie par exemple.

Le type L plus répandu que le type S

Ils ont ainsi découvert que le virus avait évolué depuis son apparition. Ils ont identifié deux types de coronavirus SARS-CoV-2 différents, qu’ils ont baptisés L et S. Le type S, le plus ancien, était présent dans 30% des échantillons. Le type L, qui en est un dérivé, se retrouvait dans 70% des cas. Ce type L est celui qui s’est le plus répandu au début de l’épidémie, mais à partir du mois de janvier, il est devenu moins fréquent.
Les chercheurs avancent une hypothèse pour expliquer ces constatations. Le coronavirus SARS-CoV-2 de type L serait plus agressif et se propagerait plus rapidement que celui de type S. « Il aurait eu l’avantage au début de l’épidémie », « ce qui explique qu’il est majoritaire par rapport au type S », commente Anne-Claude Crémieux, médecin au service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis à Paris. Mais les tentatives des médecins pour enrayer la transmission auraient freiné sa propagation. Le type S, moins agressif, moins évolué et donc « moins transmissible », aurait moins pâti de ces interventions humaines et serait devenu plus fréquent.

« L’impact de ces mutations sur l’organisme n’est pas testé »

Les conclusions de cette étude sont toutefois à prendre avec des pincettes. L’échantillon est « vraiment très faible » au regard de cette épidémie mondialisée, critique Samira Fafi-Kremer, cheffe du laboratoire de virologie des hôpitaux universitaires de Strasbourg. Les auteurs de l’étude eux-mêmes reconnaissent que « les données examinées (…) sont encore très limitées ».

Samira Fafi-Kremer juge également que les chercheurs chinois vont un peu vite en besogne en envisageant une hypothétique plus grande agressivité du type L par rapport au type S, sans expérience en laboratoire pour le confirmer. « On n’a pas testé l’impact de ces mutations sur l’organisme, fustige-t-elle. On ne peut montrer qu’une souche est plus agressive qu’une autre que si on a fait un test fonctionnel, c’est-à-dire si on met la mutation détectée sur un virus sauvage et si on fait des cultures de virus in vitro, afin de voir s’il se réplique beaucoup plus vite et s’il induit un effet sur les cellules hôtes plus important qu’un virus non muté. »

Les mutations entre les types S et L, découverts par les chercheurs chinois, sont en outre « très localisées » et les deux sous-types de virus ne sont qu’« un peu différent », observe Anne-Claude Crémieux. Contrairement à ce que l’étude chinoise pourrait laisser penser, « le virus est assez stable », objecte Samira Fafi-Kremer. « Les études qui ont été faites sur des prélèvements importants ont montré que, depuis décembre et jusqu’à mi-février, il y a une similitude de 99,9% des souches entre elles, relève-t-elle. Il n’y a donc pratiquement pas de mutation, notamment au niveau de l’enveloppe. Or, c’est elle qu’on va cibler avec les vaccins. »

Les virus mutent, mais pas toujours en pire

Qu’un virus mute n’a surtout rien d’exceptionnel. « Les risques de mutation existent toujours, en particulier avec ce virus respiratoire. On sait que le génome, c’est-à-dire le matériel génétique de ce virus, est important et que ce sont des virus qui mutent », reconnaît sur franceinfo Odile Launay, médecin au service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Cochin à Paris.

Le phénomène n’est pas nécessairement inquiétant non plus. « Les mutations peuvent se faire dans deux sens, détaille la directrice du Centre d’investigation clinique de l’hôpital Cochin et de l’Institut Pasteur. Elles peuvent se faire pour adapter le virus à l’homme. Dans ces cas-là, on peut augmenter la transmission. Donc bien sûr, ce sont des mutations qu’on redoute. Elles peuvent aussi se faire dans l’autre sens, c’est-à-dire rendre un virus (…) moins grave et moins transmissible. »

Ce n’est pas parce que des mutations se font que, forcément, le virus va acquérir des capacités différentes et changer le profil de pathologies qu’il cause chez les cas qui sont infectés. Pascal Crépey, épidémiologiste à l’Ecole des hautes études en santé publique à franceinfo

Pascal Crépey, épidémiologiste à l’Ecole des hautes études en santé publique de Rennes, prend l’exemple de la grippe saisonnière. « La grippe mute tout au long de l’année. Cela cause beaucoup de problèmes pour des questions d’immunité et de composition des vaccins, mais les profils des cas et de sévérité des cas ne changent pas radicalement d’une année sur l’autre », constate l’enseignant-chercheur. A ce stade, conclut Samira Fafi-Kremer, ce coronavirus « est un virus classique avec des mutations classiques qui n’ont pas d’impact sur sa pathogénéité ».

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