Lorsqu’on se tient là où s’élevait le ghetto de Varsovie, il est difficile de croire que cet endroit où des Juifs se sont battus jusqu’à la mort pour préserver leur judaïsme, est devenu aujourd’hui l’épicentre de la renaissance juive en Pologne. Mais ce qui est encore plus étonnant c’est que la plupart de ses personnalités les plus marquantes ont longtemps ignoré leurs propres racines juives, lorsqu’ils n’avaient tout simplement été élevés en tant que catholiques.
Entrez dans synagogue Nozyk de Varsovie, la seule synagogue qui a survécu aux ravages nazis, et vous verrez qu’elle est resplendissante. Les Juifs polonais s’y rendent pour étudier la Tora, pour les prières quotidiennes et pendant Yom Tov, à la recherche, désespérée, du patrimoine qu’ils ont presque tous perdu.
Leurs ancêtres furent parmi les quelques milliers de survivants des camps de concentration qui ont choisi de rester en Pologne après la guerre. Malheureusement, leur identité juive, elle, n’a pas survécu. Pendant des décennies, ils ont caché la vérité, à leur femme ou à leur mari non-juif, à leurs enfants, à leurs petits-enfants.
«La peur est un sentiment puissant» explique le rav Mikhael Schudrich, aujourd’hui grand rabbin de Pologne. Mandaté en 1990, par la Fondation Ronald S. Lauder, Schudrich a été envoyé pour retrouver ces Juifs en Pologne qui sont intéressés à revenir à leur judaïsme. Il en a trouvés, et chacun d’entre a une histoire à raconter.
«Cela s’est passé il y a quelques mois lors de l’enterrement d’une femme décédée à plus de 90 ans», raconte le rav. «Son fils de 60 ans a déclaré aux gens qui se tenaient debout autour de la tombe: « Je sais que certains d’entre vous se demandent pourquoi nous sommes ici dans le cimetière juif» Sa mère avait en effet grandi dans le ghetto de Varsovie où toute sa famille avait été assassinée. Jusqu’à l’âge de 70 ans, elle n’avait jamais révélé qu’elle était juive. La dernière phrase de son hesped fut : « Mère, vous reposez maintenant dans le cimetière juif; vous ne devez plus avoir peur ». »
En 1939, 3,3 millions de Juifs vivaient en Pologne. Aujourd’hui, il y a environ 30.000. Mais la communauté autour de rabbi Schudrich ne fait que croître. Lui et ses amis sont déterminés à reconstruire le monde de la Tora en Pologne. En commençant par Varsovie qui regroupait à l’époque 393,950 Juifs et qui abritait la plus grande communauté juive de Pologne, une communauté qui représentait près d’un tiers de la ville.
Redoublant d’efforts, ils continuent à prendre de l’élan. «La plupart des membres de la communauté ont commencé à partir de zéro», avoue rabbi Moché Bloom, qui dirige la kollel de la communauté, composée d’étudiants et de baalé batim qui se retrouvent tous les jours dans la synagogue Nozyk de 9h00 à midi. «Ils ont tous découvert leurs origines juives que très tard dans leur vie. Ils ne savent pas très bien quoi faire avec cette révélation. La plupart d’entre eux viennent juste pour parler avec un rabbin ou avec un membre actif de la communauté. Notre objectif est de les ramener à leurs racines.»
Mis à part les cours hebdomadaires, a lieu tous les vendredi soir une séouda de Chabbath dans les locaux de la synagogue. Ils sont ainsi plus de 70 à se retrouver tous les Chabbath. «Au début, ils se sont exclamé : « Ouah ! Je suis juif?! Mais qu’est-ce que ça veut dire? » Puis ils effectuent des recherches sur Internet, à la bibliothèque, dans les cimetières», raconte le rav Bloom. «Une personne m’a un jour montré la tombe de son grand-père en m’avouant que c’était l’endroit où elle se sentait le plus juif. C’était sa connexion à elle.»
La communauté de Varsovie comprend actuellement un mikvé, un kollel ainsi que l’école Lauder (mise en place par la Fondation Ronald S. Lauder). Avec un effectif actuel de 240 élèves âgés de 3 à 16 ans et un personnel de 80 personnes, dont 50 enseignants, l’école est une première en son genre à Varsovie depuis 1949 ; elle est même la seule école juive de Pologne.
La communauté juive de Varsovie s’agrandit elle aussi, avec ses cinq restaurants casher et un nombre croissant de produits avec le tampon de l’Union orthodoxe (OU). Mais elle avait aussi un besoin urgent de machgi’him. En 1996, le groupe de cacherouth OU dirigé par Harry H. Beren a lancé un programme d’été pour la formation de machgi’him qui a vu sortir 1000 machgi’him qualifiés, dont beaucoup travaillent aujourd’hui à des postes de direction d’organismes de cacherout aux USA, en Israël, ou dans d’autres communautés juives du monde.