Une nouvelle initiative dans le domaine des filtrages Internet

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T.A.G

Le phénomène demande encore à être compris : il ne fait aucun doute que dans la mentalité française, une limitation des possibilités du savoir est très mal perçue. On ne pourra concevoir l’interdiction de lire certains ouvrages. Dans les temps modernes, on ne comprendra pas non plus qu’il faille limiter les accès à Internet. « Que fais-je de mal ? Je n’ai pas volé, je n’ai pas violenté qui que ce soit, alors quoi ? »

La réponse est connue de la plupart d’entre nous. C’est la Tora elle-même qui exige de notre part une certaine limitation : « Cela formera pour vous des franges [les tsitsioth] dont la vue vous rappellera tous les commandements de l’Éternel, afin que vous les exécutiez et ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité » (Bamidbar/Nombres 15,39). Ce verset fait d’ailleurs partie du Qriath Chema’. Il doit donc être bien central dans le judaïsme…

Mais le « yétser hara‘ » de la France (plus qu’ailleurs, sauf erreur de notre part) fait que nous éprouvons une difficulté énorme à accepter l’idée d’un contrôle ou d’une limitation de ce que nous pouvons voir, et même lire. D’ailleurs, en France, 99% des gens utilisent Internet librement, sans la moindre limitation. Aux Etats-Unis, par contre, un filtre comme K9 propose un service gratuit, et informe que 5 millions de foyers et d’entreprises l’utilisent !

Alors quand Kountrass revient à la charge avec une nouvelle initiative dans le domaine des filtrages Internet, nous savons pertinemment que plus d’un de nos lecteurs risque de passer à l’article suivant. Mais quand le rav Naftali Lévy, fils de notre grand lecteur – et correcteur occasionnel et apprécié par l’intermédiaire de ses courriers fréquents – le rav Yits’haq Lévy d’Epinay, est venu nous informer de l’initiative qu’il a prise, avec d’autres, d’adapter le filtrage « T. A. G. » de Lakewood à la France, nous n’avons pas hésité : il est de notre devoir d’en faire part au public !

A chacun d’agir à sa guise, mais si nous parvenons à obtenir que certains lecteurs s’intéressent à ce projet, le jeu en valait la chandelle.

En fait, n’exagérons pas : le problème des possibilités extrêmes d’Internet concerne tout le monde, y compris les non-Juifs. Preuve en est que Google propose lui-même un filtrage aux informations qu’il fournit ! Chacun peut en choisir le niveau personnel.

Il est de notoriété publique que l’explosion d’Internet, en quelques courtes années, est due au fait qu’on peut y trouver les sites les plus licencieux – ils forment du reste les deux tiers des sites d’Internet (70 millions de sites, selon les spécialistes). Sans oublier les sites de violence, d’immoralité et tout le reste. L’influence de ces sites ne relève pas que de la simple « religion », ils génèrent des addictions terribles et puissantes, et peuvent troubler les enfants les plus sérieux.

Le problème est réel, et ne peut que nous interpeller.

L’éveil à Lakewood

La communauté orthodoxe de Lakewood a décidé de se doter d’outils pour faire face à ce problème, sous l’influence et la direction du rav Matithiahou Solomon, le Machgia’h de la Yechiva.

Le responsable local est le rav Ne’hémia Goetlieb.  Ce dernier nous explique dans quel esprit cette décision a été prise. Il parle d’un réel défi lancé à la communauté pratiquante.

« Notre monde est balayé par une révolution numérique qui se caractérise par la vitesse et l’innovation. Les outils avec lesquels nous interagissons avec le monde évoluent rapidement devant nos yeux. Les conséquences de cette révolution numérique sont variées. Certaines sont utiles, d’autres sont nocives, et certaines sont même pire… Le monde entier est fortement investi dans la technologie : bien que les gens soient conscients de plusieurs de ses pièges, en général, ils sont euphoriques à propos de ses vertus. Cette situation est alarmante. Nous n’avons jamais été aussi dépendants d’un outil tellement méconnu, et parfois mal utilisé.

« Récemment, la communauté juive a pris conscience de la nature complexe de la technologie en général, et de ses implications pour nous, les Juifs, en particulier. Nous avons des valeurs spécifiques et donc des problèmes uniques, qui exigent des solutions créatives. Dans un monde en évolution rapide, nous n’avons pas la chance d’avoir des lignes directrices claires ou une tradition bien définie sur la façon de faire face aux défis numériques. Ceci, couplé avec la fréquence à laquelle nous sommes confrontés aux épreuves, et avec la rapidité avec laquelle on peut faire un faux mouvement, risque d’engendrer une situation qui peut s’avérer très difficile, même pour des personnes vivant selon des principes de haut niveau. Ce qui était encore clairement considéré comme inacceptable il y a quelques années devient rapidement toléré, puis finit par devenir un passe-temps quotidien. Dans une certaine mesure, notre communauté est en chute libre. Il serait naïf de croire qu’elle s’arrêtera miraculeusement juste au seuil de la catastrophe, sans efforts sérieux de notre part. »

A partir de ces constatations, un groupe de sensibilisation à l’égard des problèmes des technologies modernes a été fondé. Il est plus qu’important de comprendre l’esprit de ce travail, nous explique rav Goetlieb : il s’agit de permettre l’utilisation de ces moyens de communication avec un minimum de dégâts, et non point de tout interdire !

« TAG a été créé par des rabbanim et des éducateurs pour les personnes qui doivent naviguer sur la toile du web. TAG souhaite attirer l’attention sur les problèmes et les pièges, et apporter des solutions efficaces, proposant en temps réel un support technique pour leur mise en œuvre.

« La croissance et l’acceptation de TAG comme partie intégrante des services fournis par la communauté religieuse a été fulgurante. A l’heure actuelle, plus de 25 communautés de par le monde ont établi des bureaux TAG. Ils sont gérés par des membres de la communauté, des bénévoles qui ont suivi la formation de TAG, ayant acquis l’expérience nécessaire pour guider les adultes et les enfants vers une utilisation responsable de la technologie.

« TAG ne prend pas de décisions morales ou religieuses pour vous. Nous n’allons pas vous dicter vos lignes directrices et vos limites. Vous pouvez consulter un rav ou un éducateur pour cela. Le travail de TAG est de vous faire prendre conscience des questions qui se posent, et de vous aider à mettre en œuvre le niveau de protection que vous désirez. TAG reconnaît que chaque individu et chaque cas sont différents, et travaillera avec vous pour concevoir la solution unique qui s’adapte à vos besoins. Il va sans dire que la confidentialité et la vie privée sont pleinement respectées. »

TAG arrive donc en France !

Pourquoi plutôt TAG qu’un autre filtre ?

La direction choisie est différente de celle employée en Erets Israël, où le grand produit dans ce domaine est Rimon – Ethrog (ce dernier étant plus strict que le premier), en ce que cette compagnie est également serveur d’accès à Internet, ce qui n’est pas réalisable en France par exemple, ni ne l’a été aux USA, du fait du grand investissement que cela représente. De plus, comme les gens ont des abonnements diversifiés, concernant également leurs autres appareils de communication, cette direction a été abandonnée.

Nativ, ce filtre israélien, a été importé en France, mais ce logiciel a des côtés plus stricts que ce que la moyenne des gens est en mesure d’accepter, et correspond surtout à ceux qui utilisent Internet de manière restreinte.

Puis enfin, la direction prise aux Etats-Unis est celle d’un produit gratuit !

Nous n’avons cité ici que quelques filtres, mais il y en a davantage, dont un filtre arabe.

Rav Naftali Lévy nous en dit plus :

« TAG s’inspire de K9. Les gens qui ont lancé ce logiciel ont auparavant établi des catégories de ce qui se fait sur Internet, obtenant 80 sortes de sujets différents : la drogue, la violence, l’impudeur, etc. La personne qui veut passer par K9, ou par TAG, va en un premier temps faire le point sur ses besoins avec la compagnie : qui est l’utilisateur, les enfants également ? Puis le choix des sites : il peut s’agir également de sites commerçants, mais ce n’est pas toujours recommandable. Là, se situe notre travail : TAG a taillé des cadres sur mesure adaptés au public juif pratiquant, même si finalement la définition sera personnelle.

« Toutefois, il est constamment possible de modifier les paramètres.

« Selon la demande, nous pouvons même en arriver à permettre l’accès à la télévision, à Youtube ou à des réseaux sociaux ! »

Mais ne sont-ce pas les secteurs les plus problématiques d’Internet ?

« C’est ce que rav Matithiyahou Solomon a décidé ! Son argument était le suivant : un individu qui se rend dans une grande surface, ou dans un canyon, rencontrera presque à coup sûr divers éléments qui ne sont pas corrects. Est-il critiquable à cet égard ? S’il n’a pas le choix, certainement non.

« Les réseaux sociaux : on proposera de ne conserver qu’un seul parmi eux, mais si le client veut accès à tout, cela reste possible. »

Et si une personne reçoit un mail lui indiquant un lien auquel il n’a pas accès du fait du filtrage ?

« Sans aucun problème. Toutefois, en cela, TAG fonctionne différemment de K9 : chez eux, chaque personne a son code et peut ouvrir ou fermer une option. Rav Solomon n’était pas d’accord pour TAG, mais a indiqué que chaque personne doit livrer son numéro de téléphone à l’organisation, et c’est cette dernière qui effectue cette ouverture. Si les gens eux-mêmes peuvent le faire, le principe même du filtrage s’effondre…

« Techniquement, aux Etats-Unis, le bureau est ouvert pratiquement toute la journée, avec quatre secrétaires à plein temps. Ici, on en est encore au tout début, mais on peut contacter à tout moment les services américains, qui ont également les informations concernant la France. »

Ce service peut-il être dispensé en Erets Israël également ?

« Bien sûr, mais je ne cherche pas à le développer : il y a sur place des grands rabbanim, qui donnent leurs instructions sur les formules proposées au public. Les rabbanim de l’étranger peuvent prendre d’autres directions, et je ne voudrais pas que nous empiétions ailleurs.

Ceci dit, on peut utiliser nos programmes à partir de n’importe quel pays du monde. »

Financièrement, comment faites-vous ?

« Tout est gratuit ! Le rav Solomon voulait que les gens ne soient pas refroidis par le problème financier. Tous les gens qui travaillent chez TAG sont des volontaires, si ce n’est les frais de bureau.

Notre organisme espère que les communautés comprendront par la suite que ce service s’inscrit aux côtés des autres dépenses de la communauté, telle que la surveillance des produits cachers ou le miqwé, parce que c’est vraiment un service essentiel. »

Vous avez organisé en début adar une réunion de rabbanim français à ce sujet…

« En effet, et la mobilisation a été grande, même si l’on pouvait s’attendre à encore mieux. Les rabbanim orthodoxes ont répondu à l’appel, et ont fait part de leur grand enthousiasme pour aider au développement de ce filtre dans le cadre de leurs communautés, et nous espérons que le mouvement va aller en se développant partout en France.

Il faut que les rabbanim soient à la pointe du combat, et qu’ils prêchent la bonne parole – c’est ce qu’a dit ce soir-là le rav Ya’aqov Méïr Zonnenfeld, rav de Rekhassim, l’un des rabbanim israéliens les plus engagés dans ce domaine, venu en France spécialement pour cette réunion. On ne peut plus dormir sur ses lauriers. Les mentalités sont tellement profondément éloignées de ce problème ! Le temps est venu de réveiller les consciences. »

 

Un pas de plus a donc été fait vers une certaine sensibilisation du public dans ce domaine.

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