A Jérusalem, le casse-tête de la prolifération des chats

0
479

Une dizaine de chats se réveillent, apeurés, derrière les barreaux de cages posées les unes sur les autres dans une petite pièce à l’odeur âcre à Jérusalem, près d’une salle d’opération où deux vétérinaires opèrent à la chaîne pour les stériliser.

Dans les rues de la Ville sainte, la concentration de chats est parmi les plus élevées de la région, voire du monde, d’après les experts : Jérusalem en compte près de 2.000 au kilomètre carré, soit 240.000 chats pour une ville de plus de 900.000 habitants, estime Asaf Bril, chargé des services vétérinaires de Jérusalem.

Or leur prolifération pose des problèmes environnementaux et menace l’écosystème dans l’agglomération, s’inquiètent les spécialistes.

Capturés dans les rues par des employés des services vétérinaires de la ville ou amenés par des habitants, plus d’une quinzaine de chats sont presque tous les jours stérilisés dans le centre vétérinaire municipal de Jérusalem.

Mais les moyens et la main-d’œuvre disponibles sont insuffisants pour permettre de stabiliser la population des félins. Pour M. Bril, seule une campagne de stérilisation massive et rapide de 80% des chats errants en six mois pourrait permettre d’y parvenir.

« Pour obtenir un tel résultat, il faudrait 25 cliniques comme la mienne afin de stériliser 500 chats par jour », explique-t-il, depuis le centre municipal des services vétérinaires, un ensemble de bâtiments défraîchis situé à l’entrée de Jérusalem.

Enterrer les poubelles

L’autre angle d’attaque pour contrôler la population des chats est de réduire leur accès à la nourriture. Les félins de Jérusalem se nourrissent principalement de ce qu’ils trouvent dans les poubelles, des bennes à ciel ouvert et des conteneurs en plastique qui débordent souvent en raison d’une collecte des ordures aléatoire, notamment dans les quartiers Est de la ville, majoritairement palestiniens.

La mairie a récemment entrepris de moderniser le système de ramassage des déchets, en enterrant une partie des ordures, privant ainsi les félins de leur principale source de nourriture.

« A terme, les poubelles souterraines, qui diminuent la disponibilité de la nourriture pour les chats, sont l’unique solution pour réguler la taille de la population », estime Amir Balaban, directeur du département urbain de la Société de Protection de la Nature.

Mais tous n’adhèrent pas à l’idée d’affamer les chats pour diminuer leur nombre.

Le maire fraîchement élu Moshé Lion a annoncé dès janvier la création dans la ville de stations d’alimentation pour chats, avec des granulés notamment, pour un budget annuel de 100.000 shekels (environ 24.000 euros).

Cette décision est censée permettre une transition entre le libre accès actuel des chats aux poubelles et leur privation à terme de tout accès, les ordures devant progressivement être enterrées dans tous les quartiers de Jérusalem.

Une mesure cosmétique, dénonce l’avocate Inbal Keidar, qui défend les droits des animaux. « Ce qu’il faut, c’est une vraie décision politique pour régler le problème (de la prolifération des félins), avec une campagne de stérilisation massive des chats, en mobilisant les associations et les pouvoirs publics », dit-elle.

Transférer à l’étranger ?

Si les experts sont convaincus qu’on n’en finira pas sans stérilisation, l’idée ne fait cependant pas l’unanimité du côté des politiques.

Pour le ministre de l’Agriculture Ouri Ariel, un juif orthodoxe, la stérilisation des félins est contraire à la loi religieuse juive : en 2015, il a refusé d’utiliser 4,5 millions de dollars (4 millions d’euros) alloués à son ministère dans ce but et a proposé comme alternative de transférer dans un autre pays les chats et chiens errants.

Dénonçant l’insuffisance des moyens publics, des associations et des bénévoles se mobilisent.

Ilana Ben Joya, une institutrice quinquagénaire qui prône une stérilisation à grande échelle des chats errants, nourrit en attendant des dizaines de félins dans sa rue, dans un quartier populaire de Jérusalem, deux fois par jour. « Je ne peux pas supporter de savoir qu’ils sont aussi nombreux dehors à avoir faim », explique cette mère de deux enfants.

Une foule de chats se précipitent vers elle dès qu’elle sort de sa voiture. « Ce qui me désespère, c’est de savoir que dans quelques semaines, les femelles vont avoir des petits et qu’on va de nouveau entendre les cris des chatons… »

Chacals en ville

La prolifération des chats engendre d’autres maux. Selon Amir Balaban, l’installation de points d’alimentation fixes pour les nourrir attire d’autres animaux, tels que des chacals, qui ont été repérés dans plusieurs quartiers de Jérusalem. Or certains de ces animaux sauvages sont porteurs de maladies transmissibles à l’homme comme la rage ou la leishmaniose.

Et l’équilibre est subtil entre la protection des chats et celle de l’environnement, relève M. Balaban.

« Les chats sauvages sont actifs la nuit, ils mangent des rongeurs ». « Les chats domestiqués, eux, à l’instar des chats de gouttière, dépendants de l’homme, sont actifs le jour et chassent de petits animaux, des lézards, des reptiles et des petits oiseaux. Quand ils sont très nombreux, comme c’est le cas actuellement à Jérusalem et dans nombre de grandes villes d’Israël, ils menacent ces espèces ».

Source www.rtbf.be

Aucun commentaire

Laisser un commentaire