Les populations druzes souhaitent-elles réellement le retour de la souveraineté syrienne sur le plateau du Golan ? L’examen d’une photo de l’agence Reuters révèle la supercherie.
Le Monde n’a pas apprécié la déclaration de Donald Trump en faveur d’une reconnaissance de la souveraineté israéliennesur le plateau du Golan.
Dans son éditorial du 22 mars 2019, le grand quotidien du soir n’a pas eu de mots assez durs pour condamner la prise de position du président américain. Donald Trump y est accusé de « violer le droit international », « d’ignorance crasse » des réalités du Proche-Orient, « d’humilier » les arabes…
Pour Le Monde, le plateau du Golan, conquis en juin 1967 par l’armée israélienne lors de la guerre des Six jours, devra tôt ou tard repasser sous la souveraineté de la Syrie.
Dans ce cas de figure, les 22.000 Druzes qui y habitent seraient donc placés sous l’autorité du régime de Damas et de son dictateur Bachar el-Assad.
Pour soutenir ce point de vue, Le Monde a relaté une manifestation de Druzes qui s’est tenue à Majdal Shams, l’une des principales localités du Golan.
A en juger à la lecture de cet article, les Druzes du Golan souhaiteraient le départ des Israéliens et le retour de leurs frères syriens.
Est-il permis d’en douter ?
Au fait, combien étaient ces manifestants qui trépignent d’impatience de pouvoir redevenir sujets du raïs de Damas ? Des dizaines milliers, quelques milliers… Plusieurs centaines ?
Le reportage ne le dit pas. Il se borne à indiquer que « des membres de la communauté druze du plateau du Golan ont manifesté contre la déclaration du président américain ».
Pourquoi un tel « flou artistique » ?
A InfoEquitable, nous avons voulu en avoir le coeur net.
Nous avons examiné à la loupe la photo prise ce jour-là par le reporter de l’agence Reuters, Ammar Awad, et diffusée par Le Monde pour illustrer son article. Nous avons compté un à un les manifestants réunis sur la Grand’place de Majdal Shams.
Nous avons dénombré 44 manifestants !
Il y a certes d’autres manifestants qui n’apparaissent pas sur la photo. Après enquête et recoupement des sources, InfoEquitable est en mesure d’estimer que la manifestation de Majdal Shams a réuni une centaine de personnes.
Ce qui, pour une ville de 10.000 habitants, ne constitue pas vraiment un succès.
Et pour une communauté de 22.000 âmes réparties dans quelques localités du petit plateau du Golan, cela constitue franchement un bide.
A ce niveau-là, lorsque Le Monde écrit en sous-titre : « La communauté arabophone, dont de nombreux membres se considèrent comme Syriens, s’est mobilisée samedi pour montrer son opposition à une souveraineté israélienne », il s’agit d’une information pour le moins exagérée.
Les manifestations pro-syriennes, un grand classique du battage médiatique à Majdal Shams
Ces manifestations de Druzes en faveur d’un retour du Golan dans le giron de la Syrie font en réalité partie du « folklore » de Majdal Shams.
Le 14 février dernier, date anniversaire de l’annexion du Golan par Israël en 1981, un « cortège » avait traversé la ville pour clamer son attachement à la Syrie.
Le reporter Ammar Awad avait à nouveau immortalisé l’événement… en usant d’un procédé similaire : un cadrage serré suggère un « effet de foule » là où il n’y a que neuf manifestants.
Sur cet autre cliché, pris le même jour, on en dénombre onze…
En octobre 2018, des militants ont tenté de bloquer des bureaux de vote pour s’opposer à la tenue des élections municipales israéliennes.
Le photographe de Reuters a encore réalisé cette photo…
… où l’on reconnait des visages désormais familiers, déjà aperçus sur le cliché précédent (l’homme barbu à gauche est présent à droite sur la photo du 14 février 2019)…
Ce ne sont-là que quelques exemples. Des photos de cet acabit, nous en avons trouvé beaucoup sur internet.
En revanche, nous avons exploré les banques d’images à la recherche de manifestations plus nombreuses permettant d’attester d’une « mobilisation » de la population druze.
Nous n’en avons pas trouvé.
Des photos qui attestent de la démocratie en Israël
On se consolera en relevant que ces photos apportent au moins une information exacte : la démocratie israélienne permet à une poignée de militants druzes de manifester en brandissant le drapeau d’un des ennemis les plus irréductibles d’Israël, pour autant que la manifestation soit pacifique.
Il est possible en Israël de défiler en exhibant le portrait de Bachar el-Assad, dirigeant d’un pays en guerre avec Israël, sans encourir les foudres de la répression.
Les Druzes du Golan souhaitent-ils réellement le retour de la Syrie ?
On a quand-même du mal à imaginer que la majorité des Druzes du Golan aient réellement le désir de retrouver la mère patrie syrienne.
Les moins de 55 ans n’ont d’ailleurs connu que la société israélienne et tous ses avantages.
Les plus âgés, quant à eux, ont l’expérience de la dictature syrienne des années 60 et peuvent faire la comparaison avec la démocratie et la prospérité israélienne.
Qui voudrait vivre dans un pays aujourd’hui dévasté ?
Dans la situation actuelle, une souveraineté syrienne sur le plateau du Golan est-elle seulement envisageable?
Un article du Figaro donne la mesure de l’ampleur du désastre. Après huit ans de guerre le pays est dévasté.
La guerre a fait au moins 370.000 morts. Plus de la moitié des 23 millions d’habitant a été déplacée dont 6 millions ont fuit à l’étranger. Des dizaines de milliers de personnes ont disparu. Selon les experts, l’économie du pays est revenue trois décennies en arrière. Les infrastructures sont anéanties, la désindustrialisation est massive. Les exportations ont chuté de 92%. Le coût des destructions est estimé à 400 milliards de dollars… Il n’y a que l’implacable dictature de Bachar el-Assad qui se porte bien.