« Le septième jour, sera pour vous un jour distinct de repos sacré, un Chabbath pour D’ » (Chemoth 35,2)
Une fois, un Chabbath, on vint consulter rabbi Yossef ‘Haïm Zonnenfeld zatsal, rav de Jérusalem, pour lui raconter que dans une maison de son quartier, on utilisait le feu pour cuisiner le Chabbath même. Alarmé, rabbi Yossef ‘Haïm saisit sa veste et son chapeau et courut en direction de la maison qu’on lui avait indiquée. Mais il ne vit rien de particulier. En effet, les membres de la maisonnée avaient aperçu le rav par la fenêtre, et avaient précipitamment éteint le feu et retiré tout ce qui aurait pu prouver l’existence d’une profanation du Chabbath.
Le maître de maison s’adressa au rav en tonitruant : « Rabbi, vous n’avez pas agi avec savoir-vivre, qu’est-ce que cela signifie de forcer la porte sans raison ? » Rav Yossef ‘Haïm répondit : « J’ai entendu que le feu brûlait chez vous, et lorsque le feu brûle, il faut accourir pour porter secours aux victimes, si bien que toutes les règles de politesse et de savoir-vivre sont écartées. »
Chaque Juif doit retenir ce principe : la profanation du Chabbath ressemble à un feu, qui porte terriblement atteinte à l’homme.
Le jour du Chabbath ne ressemble pas à un jour de repos matériel. Dans le monde matériel, on travaille pour vivre, et à cet effet, un jour de repos a été institué, car, en son absence, il serait impossible de tenir le rythme et l’on serait sans forces. A l’issue du repos, on reprend le travail avec toute l’énergie retrouvée. Or, même aux heures de repos, on pense au travail, et très souvent, on regrette de devoir prendre une pause et d’abandonner son travail.
Dans la sphère de la Kedoucha, la sainteté, la situation est toute différente. Le jour de sainteté est aux antipodes : on travaille toute la semaine pour pouvoir subsister et se reposer le jour du Chabbath, le jour de l’âme, et se consacrer à la Tora et au service divin, comme il est écrit : « Alors tu te délecteras dans le Seigneur », et non seulement le travail est interdit, mais même les propos profanes sont bannis, comme il est dit (Chabbath 113a) : « D’en faire le sujet de tes entretiens », pour que les propos du Chabbath diffèrent de ceux de la semaine.
Quant à la nourriture consommée le Chabbath, par son entremise, on accède à la sérénité, comme il est dit : « Si tu considères le Chabbath comme un délice ». Lorsqu’on a faim, il est difficile de se concentrer, mais après avoir mangé et dormi, on devient serein et on peut étudier et servir le Créateur avec plus d’énergie.
Lorsqu’on honore le Chabbath, on bénéficie de toutes sortes d’influx de nature spirituelle et matérielle, comme le décrit le Zohar : toutes les Berakhot dépendent du Chabbath.
Le signe que ce repos n’est pas destiné au corps, mais seulement à l’accomplissement de la volonté divine, est manifeste dans le concept de Tosséfet Chabbath, la prolongation du Chabbath. On accueille le Chabbath tôt et on le fait sortir tard, signalant ainsi notre joie d’avoir reçu ce cadeau inestimable offert par D’. Lorsqu’on choisit délibérément de prolonger le Chabbath, c’est un signe d’honneur et d’affection pour le cadeau du Chabbath. Dans cette optique, le septième jour apporte toutes sortes de bénédictions et de délivrances.
On trouve ici l’origine de cette coutume pratiquée notamment par les ‘Hassidim : lors de la Se’ouda chelichit, le troisième repas du Chabbath, on prolonge le repas et on entonne des chants et cantiques de louanges. Toute la journée, on s’est reposé et délecté de la présence de D’ par le service divin, et à chaque moment, on a ressenti davantage le goût du Chabbath. Au moment du troisième repas en particulier, on a atteint un niveau où il est difficile de se séparer de ce bon présent, et non seulement on ne le quitte pas en fuyant, mais on chante et on loue Hachem, signe qu’on désire Sa présence. Ainsi, le Chabbath est grandement honoré et l’on bénéficie de nombreuses influences positives.
A ce sujet, on raconte une histoire sur un commerçant de la ville de Radyn, qui tardait toujours à accueillir le Chabbath et se hâtait de marquer sa fin. Le vendredi, il ne verrouillait pas son magasin avant la sortie des étoiles, et à l’issue du Chabbath, il l’ouvrait alors que le soleil était encore visible au-dessus de la cime des arbres.
Le ‘Hafets ‘Haïm le convoqua un jour et lui fit la morale. Il lui tint les propos suivants : « A quoi cette situation ressemble-t-elle ? A un paysan qui a vendu une grande quantité de pommes à un grossiste. Pour chaque sac de pommes déposé par les porteurs dans l’entrepôt, le grossiste inscrivait le nombre dans son carnet. Mais le paysan n’était pas satisfait de cette méthode, et il préconisait de placer un bol à côté du magasin. Pour chaque sac déposé, il plaçait une pièce en cuivre, pour calculer ce que le grossiste devait lui payer au final. Une fois qu’un nombre raisonnable de pièces fut déposé, le vendeur se laissa tenter par son mauvais penchant et de temps en temps, il glissait discrètement sa main vers l’assiette pour y attraper quelques pièces qu’il dissimulait dans sa poche. Tandis que le grossiste, vif d’esprit, fit comme s’il ne voyait rien, estimant qu’il volerait et serait perdant.
Et le ‘Hafets ‘Haïm de conclure : tu ressembles à cet homme. D’ nous a octroyé un précieux cadeau, le Chabbath. Pour chaque heure du Chabbath, Il nous envoie en parallèle des Berakhot et des bienfaits pendant les six jours de la semaine, et tu voles ces heures. Tu ne voles que ce qui t’appartient, tu te les soustrais à toi-même.
Nous pouvons interpréter le passage de notre paracha à cette lumière : le septième jour sera pour vous un jour distinct – le Chabbath sera pour vous un jour de sainteté et d’élévation spirituelle, et le signe en est : de repos sacré (Chabbath), un Chabbath pour D’ (Chabbaton) – le Chabbath se réfère à la majeure partie de la journée, et Chabbaton se réfère au « petit Chabbath » que l’on ajoute, la Tosséfeth Chabbath, lorsqu’on prolonge le Chabbath par amour pour Hachem. Nous indiquons par cette attitude que nous saisissons l’importance du Chabbath : pour chaque instant où l’on respecte le Chabbath, D’ déverse sur nous une abondance de bénédictions et de bienfaits sur le plan spirituel et matériel.