Trump, ou l’art de la déstabilisation, par Guy Millière

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Les informations disséminées en France concernant ce que fait Donald Trump étant, comme toujours, essentiellement fausses, il importe de rétablir les faits.

En politique étrangère, les choses se passent peu ou prou comme je l’avais écrit dans un article précédent. Les récents voyages de John Bolton et Mike Pompeo au Proche-Orient l’ont confirmé.

La décision de retrait des troupes américaines de Syrie a suscité le rapprochement entre les milices kurdes et le régime Assad, dont il n’est plus question depuis longtemps de se débarrasser. La Turquie s’est vue poser des limites strictes à son champ d’action. La Russie peut continuer à appuyer le régime Assad et garder ses bases de Tartous et Lattaquié à la condition stricte qu’elle restreigne fortement le champ d’action de l’Iran, qu’elle laisse Israël agir contre les forces iraniennes en Syrie et qu’elle fasse comprendre que toute action iranienne contre Israël conduirait à une action israélienne et américaine plus massive contre l’Iran. L’Iran, lui, voit se resserrer le processus d’asphyxie enclenché et en subit les conséquences.

John Bolton est venu réaffirmer le soutien indéfectible des Etats-Unis à Israël. Mike Pompeo, lui, est venu renforcer l’alliance conditionnelle entre l’Administration Trump et le monde arabe sunnite, en insistant sur le fait que l’axe de la doctrine Trump au Proche-Orient est, d’une part, l’asphyxie de l’Iran (et son discours est, sur ce plan, identique à celui de John Bolton), d’autre part, le rapprochement entre le monde arabe sunnite et Israël, qui devra conduire à la résolution de la question palestinienne dans un cadre qui sera proche de la solution à trois Etats (Israël, Jordanie, Egypte) souvent évoqué par John Bolton, sans Etat palestinien.

En parallèle, l’endiguement de la Chine et de la Corée du Nord se poursuit. Et l’Administration Trump regarde d’un œil intéressé le renforcement des mouvements “populistes” en Europe, la déstabilisation de Macron, le glissement de Merkel vers la retraite, et les perspectives qu’ouvre l’alliance Orban-Salvini pour l’Union Européenne. La victoire de Jair Bolsonaro au Brésil est un élément qui intéresse aussi beaucoup l’Administration Trump, qui discerne un effet Trump planétaire.

En politique intérieure Trump, en stratège, a considéré qu’il fallait déstabiliser d’emblée les Démocrates, qui ont une légère majorité à la Chambre des représentants, et qui aimeraient mener une offensive anti-Trump dans la perspective des élections de 2020. Il sait que les Démocrates entendent utiliser au maximum l’enquête du grand inquisiteur Mueller. Il sait qu’ils sont dans une dérive gauchiste incarnée par des léninistes délirants tels qu’Alexandria Ocasio-Cortez, et par des islamistes antisémites tels que Rashida Tlaib ou Ilhan Omar. Il pense que leur point faible, très faible, est leur position sur l’immigration illégale.

Il a, pour cette raison, décidé d’assumer la fermeture partielle du gouvernement fédéral (shutdown) sur la base du refus de financement par les Démocrates de la construction du mur sur la frontière sud. Il n’a pu, depuis deux ans, obtenir des Républicains du Congrès les moyens requis pour, cette construction, et plutôt que mener un bras de fer avec l’establishment républicain, il a décidé de mener un bras de fer avec les Démocrates en les accusant de ne pas être attentifs à la sécurité intérieure du pays.

C’est, pense-t-il, une position gagnante pour lui.

La fermeture partielle du gouvernement fédéral ne gêne quasiment pas la vie quotidienne des Américains. Elle gêne les fonctionnaires qui sont essentiellement des électeurs démocrates.

Trump a l’appui de tous les services de sécurité américains et de toutes leurs organisations, qui veulent la construction du mur, et qui ne cessent de dire que le mur est indispensable pour régler les lourds problèmes qui ne cessent de se poser à la frontière. Il peut dire que les Démocrates, qui sont favorables à l’immigration illégale, sont irresponsables en ce qu’ils refusent d’écouter les services de sécurité et se font complices du trafic d’êtres humains, et des gangs impliqués dans le trafic de drogue. Les Démocrates tentent de se justifier, mais c’est difficile pour eux, d’autant plus qu’ils sont dans une dérive gauchiste délirante qui mène certains d’entre eux à vouloir la suppression de la police de l’immigration.

Trump ne cèdera pas.

Il pourra, car il en a le droit constitutionnel, invoquer une urgence nationale et faire construire le mur par l’armée.

Il se réserve cette possibilité, mais entend d’abord susciter l’enlisement des Démocrates, qui eux-mêmes ne veulent pas céder car ils savent que s’ils cèdent, ils accorderont une victoire à Trump et se placeront en très mauvaise position pour 2020.

Le shutdown peut, dès lors, durer encore.

Les Démocrates peuvent difficilement parler d’autre chose tant qu’il durera, quand bien même ils brûlent d’envie de reparler abondamment de Russie, de collusion, et d’impeachment (j’y reviendrai).

La réponse au discours solennel de Trump depuis le bureau ovale a montré Nancy Pelosi et Chuck Schumer tels qu’ils sont : rigides, dogmatiques, non crédibles. La comparaison qui a été faite entre leur allure et les personnages du tableau de Grant Wood American Gothic est pleinement appropriée.

Un journaliste anti-Trump de CNN, Jim Acosta s’est rendu sur la frontière pour montrer que le mur était inutile et qu’il n’y avait pas de crise. Pas de chance pour lui, il l’a fait en un endroit où le mur existe déjà, et a donc très involontairement montré que le mur est efficace.

Après avoir parlé d’un mur de ciment, Trump veut maintenant un mur d’acier, et c’est ce mur qui a commencé à être construit  ; et cela donne a priori à Trump un atout gagnant supplémentaire, puisque la construction du mur va donner du travail aux aciéries américaines, situées dans des Etats décisifs pour 2020 (Pennsylvanie, Michigan).

Trump possède un art consommé de la déstabilisation de l’adversaire, il n’a cessé de le prouver. Il continue à le prouver.

Le shutdown fera, c’est clair, un vainqueur et un vaincu. Il définira de manière décisive le paysage politique qui mènera aux élections de 2020.

Si Trump gagne le shutdown, et il entend gagner, il sera réélu.

Si les Démocrates gagnent le shutdown, cela pourrait être différent.

Dois-je le dire ? Je n’imagine pas que Trump perdra le shutdown.

Pour l’heure, plus le shutdown dure, plus la proportion d’Américains approuvant la construction du mur s’accroît. Des commentateurs constatent que, dès lors que l’Etat fédéral fonctionne malgré le shutdown, cela montre qu’il y a trop de fonctionnaires fédéraux et qu’un bon nombre ne servent à rien, et ils suggèrent que des conclusions devront en être tirées.

Il était prévu que le shutdown dure au moins jusqu’au discours sur l’état de l’union que le Président prononce traditionnellement fin janvier. Nancy Pelosi, désormais à la tête de la Chambre des représentants, vient d’interdire à Donald Trump l’accès à la salle de la Chambre où le discours est prononcé (elle en a le droit, même si c’est sans précédent). Elle ne voulait visiblement pas que Donald Trump utilise un discours regardé par des millions d’Américains pour expliquer davantage encore pourquoi le mur doit être construit et pourquoi les positions démocrates sur l’immigration illégale sont irresponsables.

Nul ne sait en cet instant ce que Trump va décider, mais il est certain qu’il va riposter. Une première riposte a été l’interdiction par Trump de l’utilisation d’un avion appartenant au gouvernement fédéral par Nancy Pelosi, qui voulait se rendre au Proche-Orient pour un voyage de relations publiques, et qui s’est vue rappeler par Trump que la priorité était le shutdown, pas un voyage aux frais du contribuable. La suite sera vraisemblablement un discours sur l’état de l’union prononcé depuis le bureau ovale (ou le Sénat), avec un nombre de téléspectateurs au moins égal à ce qu’il a été les fois précédentes.

Trump est en campagne pour 2020. Les Démocrates aussi. Pour l’heure, et sauf retournement, je ne parierais pas sur un candidat démocrate.

Les journalistes anti-Trump ont été très dépités en novembre 2016. Je pense qu’ils le seront une fois de plus en novembre 2020.

© Guy Millière pour Dreuz.info

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