Extrait de Kountrass Magazine nº 116 – ‘Hechwan 5767 / Novembre 2006
________________________________________
Nous avons adapté assez librement deux interventions de rav Chalom Noa’h Bersovski zatsal., décédé en 2000 à Jérusalem. Son ouvrage s’intitule le Netivoth Chalom.
« Qu’est-ce que ‘Hanouka ? Nos Maîtres ont enseigné que les jours de ‘Hanouka débutent le 25 Kisslew… Quand les Grecs ont pénétré dans le Hékhal [l’antichambre du Temple], ils ont profané toutes les huiles qui y étaient entreposées. Après avoir vaincu les profanateurs, les ‘Hachmonaïm ont immédiatement cherché de l’huile pure pour rallumer le Candélabre. Ils n’ont trouvé qu’un seul flacon d’huile encore scellé avec le cachet du Grand prêtre, et qui ne contenait que la quantité nécessaire à l’allumage d’une seule journée. Mais un miracle se produisit, et cette huile brûla finalement durant huit jours… L’année suivante, ils ont donc fixé des jours de fête, avec louanges et grâces… » (Chabbath 21b). Rachi revient sur la question de la Guemara, « Qu’est-ce que ‘Hanouka ? », et explique qu’elle demande quel avait été le miracle essentiel justifiant l’institution d’une fête par les Sages. La Guemara répond que le miracle est le fait d’avoir trouvé une fiole d’huile encore pure, laquelle a maintenu le candélabre allumé durant huit jours. Mais cette réponse laisse perplexe : pourquoi le miracle de la fiole est-il considéré comme le miracle principal ? Celui de la victoire durant la guerre n’est-il pas plus impressionnant ? Nous récitons dans le ‘Al haNissim1: « Tu as livré des gens forts entre les mains de gens faibles, des gens nombreux entre celles de quelques individus » ; les ‘Hachmonaïm n’étaient qu’une poignée d’hommes face à une armée aussi nombreuse que le sable de la mer, et il est vrai que leur victoire dépasse tout entendement.
On pourra mieux comprendre ce sujet grâce au Midrach commentant le verset du début de Beréchith (Beréchith Rabba 2,4) Et la terre n’était que solitude et chaos (Tohu vaBohu) ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme et le souffle de D’ planait sur la face des eaux. Le Midrach rapporte ces expressions aux quatre exils : « Et la terre n’était que solitude – c’est l’exil en Babylonie ; et chaos – c’est l’exil chez les Mèdes ; des ténèbres – c’est l’exil grec, durant lequel les yeux des Juifs ont été assombris, car on leur disait : « Ecrivez sur une corne de taureau que vous n’avez aucune part au D’ d’Israël » ; la face de l’abîme – c’est l’exil de la royauté scélérate [Edom – Esaü], qui n’a pas de fin, tout comme l’abîme semble sans fond. Et le souffle de D’ planait sur la face des eaux – c’est le souffle du Machia’h.
On pourrait expliquer le verset suivant « Et l’Eternel dit que la lumière soit, et elle fut » en disant que chaque exil représente une écorce, dont on peut se libérer en utilisant la force de la lumière divine. Celle-ci « brisera » ces « filtres » pour se dévoiler à nouveau.
Chaque exil incarnant un tourment particulier, le verset définit donc l’exil grec comme celui de l’obscurité, parce que les Grecs ont voulu aveugler les yeux du peuple d’Israël avec leurs décrets hérétiques. Les Grecs savaient qu’éloigner les Juifs de la Tora était la seule façon d’asseoir leur domination sur le peuple juif. C’est pourquoi ils les ont forcés à écrire sur la corne du taureau qu’ils n’avaient aucune part au D’ d’Israël, la source essentielle de force et de rayonnement du peuple juif résidant dans leur conviction profonde d’avoir un lien avec D’. Tant que le Juif se sent proche de D’, il peut supporter les affres et les difficultés de tous les exils, comme il est dit (Tehilim/Psaumes 91,15) : Il M’appellera et Je lui répondrai, Je suis avec lui dans la détresse, Je le sauverai et le comblerai d’honneurs. S’il reste proche de Son Créateur, l’homme ressent que D’ est à ses côtés et comprend que tout ce qui lui arrive vient d’Hachem, comme il est dit (Chemoth/Exode 3,7) : Car Je connais ses souffrances.
C’est pourquoi les Grecs n’ont eu de cesse de séparer les Juifs de leur D’, et d’annihiler leurs liens afin de saper la base même de l’existence du peuple juif. C’est la raison pour laquelle ils ont tenté d’empêcher la pratique du Chabbath, de la circoncision (Brith Mila) et de la célébration de la néoménie (Roch ‘Hodech), car ce sont des actes saints qui éveillent l’âme du Juif et lui permettent de ressentir son lien avec le Créateur du monde. Chabbath symbolise par excellence l’alliance entre Israël et D’. Treize alliances ont été scellées sur la Brith Mila. De la même manière le renouveau de la lune, qui rythme le calendrier juif en marquant le début du mois, souligne la proximité avec le Maître du monde2. Les Grecs ont compris dans leur perfide « sagesse » qu’empêcher l’accomplissement de ces Mitsvoth aveuglerait les Juifs en les éloignant de leur Source. Leur funeste dessein était d’ailleurs clairement inscrit sur la corne du taureau : « Le peuple juif n’a pas de lien avec D’ ».
C’est ce que nous récitons dans l’action de grâces du ‘Al haNissim : » Lorsque l’empire grec perfide s’est levé contre Ton peuple d’Israël pour lui faire oublier Ta Tora et leur faire transgresser les lois de Ta volonté »… Les Grecs ne cherchaient pas à supprimer physiquement les Juifs, mais à les annihiler spirituellement en leur faisant oublier la Tora, en les détournant de la Volonté divine et les amenant à s’assimiler. Ils savaient que tant qu’une étincelle subsisterait dans l’âme du peuple juif, ils ne pourraient atteindre leur but ; ils ont donc tenté de supprimer les éléments qui maintiennent cette flamme spirituelle. Une fois leurs yeux et leurs âmes plongés dans l’obscurité, les Juifs oublieraient la Tora et abandonneraient d’eux-mêmes la pratique des Mitsvoth.
C’est pourquoi le miracle essentiel des événements de ‘Hanouka est celui de la lumière de la Menora, qui a éclairé de nouveau les yeux du peuple d’Israël. Le fait même de dénicher cette fiole d’huile pure était inouï, et à plus forte raison le maintien de sa flamme durant huit jours. C’est en cela qu’Israël a vaincu, car la lumière est revenue éclairer le peuple d’Israël.
L’année suivante, ils l’ont marqué et en ont fait des jours de fête. L’année suivante, et non pas dès la survenue du miracle, parce que chez les Juifs, on ne fixe pas des jours de fête pour se souvenir ! Le nombre de miracles qui se sont produits au cours des générations est incalculable. Citons notamment le grand miracle qui advint du temps de ‘Hizqiyahou/Ezéchias, roi de Judée, quand le peuple juif était perdu, sans espoir aucun : en une nuit, D’ a sauvé le peuple juif et réduit à néant l’immense armée de San’hériv et ses 185.000 capitaines. Aucune fête n’a été instaurée en souvenir de ce miracle parce que son incidence n’a été que ponctuelle. On ne fixe pas de jour de fête simplement à titre de souvenir, mais uniquement lorsque le miracle reste toujours sensible chaque année à la même période. C’est pourquoi les ‘Hachmonaïm n’ont fixé la fête de ‘Hanouka que l’année suivant leur victoire, lorsqu’ils constatèrent qu’au-delà du miracle militaire ponctuel, celui des lumières spirituelles est éternel, qui éclairent d’année en année, toujours, les âmes du peuple juif. C’est pourquoi ils ont décrété la fête de ‘Hanouka en se basant sur le miracle de la fiole d’huile, qui est essentiel au regard des générations à venir. C’est là la quintessence de la fête : rappeler au Juif qu’il est éternellement lié au D’ d’Israël.
Pourquoi le miracle de ‘Hanouka est-il éternel ? Car c’est le dernier miracle qui ait été réalisé avant l’exil actuel, défini comme « l’exil de la royauté scélérate, qui n’a pas de fin, tout comme l’abîme semble sans fond ». L’exil d’Edom est comme un abîme béant dont on ne voit ni le fond ni l’issue ; le nombre de malheurs qui s’abattent sur Israël est immense, et nul ne sait quand il prendra fin. Le miracle de ‘Hanouka et ses huit jours de fête ont été fixés dans le but d’éclairer l’obscurité de cette période difficile. Ses lumières réjouissent l’âme du peuple juif et lui donnent la force de subsister dans cet exil si long, si ténébreux et si profond – jusqu’à ce que se dévoile le souffle de D’, qu’arrive le Machia’h et que la lumière du candélabre brille à nouveau comme naguère dans le Temple. On comprend ici pourquoi c’est cet événement spécifique de ‘Hanoukaqui a été pris en compte pour les générations à venir : afin d’apporter la lumière au plus profond de l’abîme du long exil. La Guemara le dit bien, qui répond que la fête de ‘Hanouka ne symbolise pas la victoire militaire, mais le miracle de la lumière qui resplendit chaque année.
(1) Section de prière rajoutée dans le Birkath haMazon et dans la ‘Amida pendant les huit jours de ‘Hanouka.
retour
(2) L’auteur fait sans doute allusion au fait que le peuple juif ait le pouvoir de fixer la date du début du mois qui influence la fixation de toutes les fêtes (cf. Kountrass n° 55, « Les décrets grecs »).
retour