par Raymond Ibrahim
- « Je suis fier d’être Irakien, j’aime mon pays. Mais mon pays ne veut plus de moi. Ce qui arrive à mon peuple [chrétien] porte le nom de génocide… Réveillez-vous! » – Père Douglas al-Bazi, curé de la paroisse catholique d’Erbil.
- « Faire appel aux autorités nous oblige à nous dévoiler [en tant que chrétiens]. Comment être sûr que ceux qui au sein de l’appareil d’Etat devraient nous protéger ne sont pas ceux qui nous menacent ? » – Un chrétien irakien expliquant pourquoi les chrétiens d’Irak n’en appellent pas aux autorités pour les protéger.
- Les programmes scolaires élaborés par le gouvernement présentent les chrétiens comme des « étrangers » qui dérangent ; peu importe que l’Irak ait été chrétien des siècles avant la conquête islamique du VIIème siècle.
Selon le rapport « World Watch List 2018 », l’Irak – huitième au classement des persécutions de chrétiens dans le monde – inflige aux chrétiens des « persécutions extrêmes » qui ne sont pas seulement le fait d’« extrémistes ». Photo : une église incendiée et détruite à Qaraqosh ville à majorité chrétienne en Irak. (Photo par Chris McGrath / Getty Images) |
« Une autre vague de persécution et c’en sera fait de 2000 ans d’histoire chrétienne » en Irak, a récemment déclaré l’archevêque chaldéen de Bassora, Habib Nafali. A l’occasion d’une interview accordée début octobre, Habib Naftali a expliqué comment plus d’une décennie de violentes persécutions ont réduit à un quasi néant, la minorité chrétienne d’Irak. Depuis l’invasion américaine de 2003, la population chrétienne est passée de 1,5 million à 250 000 personnes environ, soit une perte de substance de 85%. Depuis 15 ans, les chrétiens sont enlevés, réduits en esclavage, violés et massacrés, parfois par crucifixion ; une église ou un monastère est détruit environ tous les 40 jours, a déclaré l’archevêque.
L’État islamique (ISIS) a souvent été accusé d’être à l’origine de ces persécutions, mais depuis que ce groupe terroriste s’est retiré d’Irak, la situation des chrétiens ne s’est guère améliorée. Une « violence systématique » s’acharne à « détruire leur langue, à briser leurs familles et à pousser les chrétiens hors d’Irak » a ajouté Habib Nafali.
La « World Watch List 2018 » classe l’Irak au huitième rang des pays qui persécutent les chrétiens. Ils y subiraient une « persécution extrême », et pas seulement de la part d’ « extrémistes ».
Le rapport met « très vigoureusement » en cause les « groupes religieux violents » (l’État islamique par exemple), mais pointe aussi « très fermement » du doigt deux groupes sociaux – rarement associées aux persécutions anti-chrétiennes en Irak. Il s’agit : 1) « des responsables gouvernementaux nationaux aussi bien que locaux » et 2) « de chefs religieux non chrétiens locaux et nationaux. » Trois autres groupes sociaux – 1) « les chefs de tribus », 2) « les citoyens normaux, y compris les foules », et 3) « les partis politiques représentés au plan local ou national » – persécutent également « fortement » les chrétiens en Irak. Bref, en matière de persécution de chrétiens, tout le monde est impliqué.
Le rapport indique:
« Les groupes religieux violents comme l’Etat Islamique ou divers autres groupes de militants radicaux sont réputés pour les enlèvements et assassinats infligés aux chrétiens et à d’autres minorités religieuses. Mais tous les leaders musulmans à tous les niveaux, sont source de persécution à commencer par les discours de haine dans les mosquées. Quant aux responsables gouvernementaux, locaux ou nationaux, tous menacent les chrétiens et les « encouragent » à émigrer. Dans le nord du pays par exemple, des citoyens « normaux » exigent publiquement de savoir pourquoi les chrétiens sont toujours en Irak. »
Plusieurs leaders chrétiens régionaux ont confirmé cet état des lieux. Selon l’évêque syriaque orthodoxe, George Saliba :
« La situation en Irak peut paraître étrange, mais pour les musulmans qui ont régulièrement maltraité, offensé et diffamé les chrétiens, tout est normal… Nous avons coexisté aux côtés des musulmans, mais ils ont fini par montrer les crocs… [Ils n’ont pas] le droit de prendre d’assaut nos maisons, de voler et d’attenter à l’honneur des chrétiens. Pourtant, la plupart des musulmans le font. Les Ottomans nous ont tués et l’Etat irakien qui a donné l’illusion de prendre conscience de la situation a toujours pris le parti des musulmans. L’islam n’a jamais changé. »
Le père Douglas al-Bazi – un prêtre catholique d’une paroisse d’Erbil dont le corps porte toujours les traces des tortures subies neuf ans auparavant – a fait la même observation :
« Je suis fier d’être irakien, j’aime mon pays. Mais mon pays ne veut plus de moi. Ce qui arrive à mon peuple [chrétien] n’est qu’un génocide et rien d’autre. Je vous en supplie : n’appelez pas cela un conflit. C’est un génocide… Quand l’islam habite parmi vous, la situation peut sembler acceptable. Mais vivre [en tant que minorité] aux côtés des musulmans est totalement impossible… Réveillez-vous! Le cancer est à votre porte. Ils vont vous détruire. Nous, chrétiens du Moyen-Orient, sommes le seul groupe à avoir vu le mal en face : l’islam. »
Le gouvernement irakien s’avère complice – quand il n’est pas acteur – des persécutions. Un chrétien à qui l’on demandait pourquoi les chrétiens d’Irak ne réclamaient pas aide et protection aux autorités a expliqué :
« Contacter les autorités nous oblige à nous dévoiler [en tant que chrétiens]. Nous ne sommes pas sûrs que ceux à qui nous demandons de nous protéger ne sont pas associés à ceux qui nous menacent. »
Quand les chrétiens prennent le risque d’en appeler aux autorités locales, la police les rejette : « [vous] ne devriez pas être en Irak, ce pays est un territoire musulman » disent-ils.
Le gouvernement irakien a régulièrement alimenté le ressentiment antichrétien. Depuis 2015 par exemple, une loi oblige tous les enfants chrétiens ou non musulmans à se convertir à l’islam si leur père s’est lui-même converti à l’islam ou si leur mère chrétiennes a épousé un musulman.
Les programmes scolaires des écoles publiques présentent les chrétiens autochtones comme des « étrangers » alors que l’Irak a été un pays chrétien longtemps avant d’être conquis par les musulmans au VIIème siècle. Un responsable politique chrétien du ministère de l’éducation a expliqué :
« Il n’y a presque rien sur nous [les chrétiens] dans nos livres d’histoire, et ce qui est écrit est tout à fait faux. Il n’est jamais écrit que nous étions déjà là, avant l’islam. Quand des chrétiens sont mentionnés, ils sont occidentaux. De nombreux Irakiens pensent que nous venons des pays occidentaux. Que nous nous sommes invités dans leur pays. »
« Si les enfants [chrétiens] disent qu’ils croient en Jésus » à l’école, note le ChristianPost, « ils sont battus et méprisés par leurs enseignants. »
Le plus révélateur est que le gouvernement irakien embauche et tend le micro à des imams radicaux dont les prêches sont quasi identiques à ceux de l’État islamique. Le Grand Ayatollah Ahmad al-Baghdadi, par exemple, l’un des principaux leaders chiites du pays, a expliqué lors d’une interview télévisée quelle doit être la place des non-musulmans en régime musulman :
« Si ce sont des gens du livre [Juifs et Chrétiens], nous exigeons la jizya [une taxe payée par les non-musulmans] – et s’ils refusent, nous les combattons. Un chrétien par exemple n’a que trois possibilités : il se convertit à l’islam, mais s’il souhaite rester chrétien, alors il paye la jizya. Mais s’il refuse de se convertir ou de payer – dans ce cas, nous lui faisons la guerre, nous enlevons sa femme et détruisons son église – c’est l’islam! … C’est la parole d’Allah ! »
Depuis leur plus tendre enfance, les musulmans d’Irak sont endoctrinés par cette rhétorique anti-chrétienne. Cela commence dans les salles de classe et se poursuit dans les mosquées. Comment s’étonner qu’à la première occasion, leur hostilité éclate contre leurs voisins chrétiens.
Une famille chrétienne d’Irak traumatisée a raconté dans une vidéo, comment ses jeunes enfants sont morts brûlés vifs « simplement parce qu’ils portaient la croix ». La mère a expliqué que les miliciens de l' »État islamique » qui ont attaqué et assassiné ses enfants étaient leurs voisins musulmans, ceux avec qui ils mangeaient, avec qui ils riaient et à qui ils rendaient même des services éducatifs et médicaux. Ces voisins bien connus se sont soudainement retournés contre eux.
A la question de savoir qui exactement a menacé et chassé les chrétiens de Mossoul, un autre réfugié chrétien a répondu :
« Nous avons quitté Mossoul quand l’Etat islamique a pris la ville. Les musulmans sunnites de Mossoul ont fait cause commune avec l’Etat islamique et ont chassé les chrétiens de la ville. La population a acclamé l’entrée de l’Etat islamique dans Mossoul, puis a chassé les chrétiens …. Le peuple qui a salué l’Etat islamique est celui-là même au sein duquel nous vivions … Oui, mes voisins, ces mêmes voisins et d’autres aussi nous ont menacés. Ils ont dit : « Partez avant que l’Etat islamique ne s’en prenne à vous ». Cela n’avait pas de sens. Ou aurions-nous été ? … Les chrétiens n’ont reçu aucun soutien en Irak. Quiconque affirme avoir protégé les chrétiens est un menteur. Un menteur ! »
Les Chrétiens d’Irak sont une espèce en voie d’extinction, moins à cause de l’Etat islamique que parce que l’ensemble de la société irakienne travaille à les mettre en pièces.
« Si ce n’est pas un génocide », a déclaré l’archevêque chaldéen Habib Nafali à la fin d’un entretien récemment accordé, « alors je ne sais pas ce que c’est. »
Raymond Ibrahim, auteur de l’ouvrage récemment paru Sword and Scimitar, Fourteen Centuries of War between Islam and the West(L’épée et le cimeterre, Quatorze siècles de guerre entre l’Islam et l’Occident), est Distinguished Senior Fellow du Gatestone Institute et fellow du Judith Rosen Friedman au Middle East Forum.