A New-York, comme à Seattle ou à San Francisco, on se félicite des succès de l‘Amérique. Alors, les gens chics et snobs, les intellos et les bobos de Soho ou de Brooklyn se pincent un peu le nez à la lecture de certains tweets du président, mais quand ils reçoivent le relevé de leurs dividendes, les critiques se font plus nuancées. Quant à l’Amérique profonde, les fans de Trump continuent d’y croire dur comme fer.
Pour la majorité des analystes de l’économie, le seul risque que court le pays c’est la crise, mais quand et dans quel secteur ? Personne n’en sait rien. Le propre des crises, c’est d’éclater sans prévenir là où on ne l’attend pas. L’Amérique que Trump a pris « à la hussarde », explique un jeune trader de Midtown, était sortie de la crise, « il l’a encore plus boostée qu’avant ». Donc le risque c’est la surchauffe, l’endettement excessif, avec un retour de flamme sur les taux d’intérêt. Avec un risque de dérapage au niveau international dans les rapports avec les Chinois.
D’où les mouvements parfois erratiques des marchés boursiers que Trump calme en accusant la banque centrale de faire n’importe quoi, alors c’est lui qui a nommé la nouvelle gouvernance.
En attendant, à New-York, les magasins de luxe de la 5ème avenue ou les hôtels qui donnent sur Central Park, font le plein, les restaurants de l’Upper East où les additions ne sont pas inférieures à 100 dollars par tête sont toujours aussi fréquentés.
A Wall Street, le petit monde du trading, les jeunes diplômés qui travaillent dans les grandes banques, jubilent : jamais ils n’ont gagné autant d’argent, avec des niveaux au moins équivalents à ceux de leurs ainés avant la crise de 2008. D’ailleurs, la faillite de Lehman Brothers, qui s’en souvient ?
Car même vue de New York, la politique de Trump marche, et les New-Yorkais l’ont bien compris. Les échos qui parviennent de l’Amérique profonde, celle qui est en souffrance depuis les années 2010 et qui a cru dans les promesses de Donald Trump, lui font encore confiance. Les rallyes de campagne du président pour les mid-terms de novembre montrent toujours un engouement populaire spectaculaire. En Californie, où les geeks et start-uppers étaient plutôt vent debout contre cet homme d’affaires sans beaucoup de distinction, on a changé de discours. La puissance des marchés, sans doute.
Du coup, c’est sans appréhension que le président a répondu à une question qui lui était posée sur Fox Business. Oui, il est sûr à 100% de se représenter pour un deuxième mandat en 2020, et son insolence le fait même penser qu’il est sûr de remporter la mise…
Car les indicateurs du pays sont au beau fixe : la croissance devrait s’établir pour 2018 autour de 4%, l’inflation et les hausses de salaires repartent à la hausse, le chômage est au plus bas. Et Donald Trump s’estime y être nettement à l’origine.
Il faut dire qu’à la fois les couches populaires, qui ont vu en l’homme d’affaires un rempart contre la mondialisation qui les a tant affectées – et les couches supérieures, celles des riches ou des entreprises qui ont pour l’instant profité à plein de la politique fiscale du début de mandat, peuvent espérer que ça continue.
Donald Trump a mis en marche une politique budgétaire expansionniste impressionnante. La fiscalité et l’endettement – permis avec des taux très bas – ont apporté le carburant à un moment où la machine marchait déjà très bien, déjà mieux qu’en Europe.
Et plutôt que d’attendre que le cycle économique continue sur sa tendance, Donald Trump a relancé les machines à cash.
Amnistie fiscale d’une part pour les capitaux rentrants sur le territoire américain, qui a fonctionné. Apple ou Pfizer ont rapatrié respectivement environ 250 et 200 milliards de dollars aux Etats-Unis en échange d’une faible taxation de ces retours de capitaux, entre autres.
Baisse d’impôt d’autre part : sur les sociétés, avec un taux passant de 35% à 21% et suppression de la tranche marginale la plus haute de l’impôt sur le revenu.
Relance budgétaire avec un grand programme d’infrastructures.
Et c’est cette combinaison des politiques, menées en parallèle, qui marche : une pour les riches, une pour les pauvres.
D’abord pour les classes aisées, les entreprises, les gagnants de la mondialisation. Parce que cette fiscalité ultra light, ces retours de capitaux ont dopé les entreprises et donc les marchés financiers. Wall Street et le Nasdaq ont enchainé les records. Jamais des capitalisations boursières n‘avaient atteint de tels niveaux. Globalement, les indices américains ont grimpé de plus de 30% depuis l’arrivée de Trump – contre 11% pour les bourses européennes – et ont connu 100 records boursiers différents. La tech américaine, bien sûr, avec des GAFA toujours au plus haut et des capitalisations boursières jamais vues. Les 1000 milliards de dollars de capitalisation d’Apple, suivie en quelques jours par Amazon, resteront dans les mémoires comme ayant eu lieu sous la présidence Trump.
Puis il y a les banques, redevenues plus impériales que jamais. Alors que les grandes banques du pays viennent d’annoncer des résultats trimestriels en hausse de deux chiffres, les PDG de ces banques remercient tout spécialement la politique fiscale.
Bref, tous ceux qui sont impliqués sur les marchés financiers et ont des parts dans les entreprises le savent, Trump les a rendus encore plus riches.
Ensuite, le coup double de Donald Trump est qu’il s’est néanmoins beaucoup préoccupé des classes moyennes de l’Amérique profonde, le gros bataillon de ses électeurs. Tous ceux qui ont souffert de la crise des subprimes, ceux qui ont perdu leur maison, tous ceux qui ont pâti de la mondialisation. Le chômage est quasi-inexistant dans le pays, tombé à 3,7% en septembre, un record depuis 50 ans, autant dire qu’il ne s’agit que de chômage naturel, de mutations normales de travailleurs vers un autre emploi. Alors, beaucoup de petits boulots, comme souvent en Amérique, mais là-bas c’est toujours mieux que le chômage.
Conséquence à la fois de ce taux de chômage bas et de la bonne santé financière des entreprises : les salaires augmentent. Après Wal-Mart dans la grande distribution, Amazon a annoncé en début du mois que les salaires minimums de l’entreprise atteindraient maintenant 15 dollars par heure, soit deux fois le taux horaire minimum.
Enfin, le cheval de bataille du président : les usines. Depuis qu’il est au pouvoir, Donald Trump a inondé ces populations de tweets compassionnels et de promesses de redressement. Avec cette stratégie claire : promettre avant tout de restaurer ou de rapatrier les appareils de production.
Dans le secteur de l’industrie automobile, mécanique ou textile où les entreprises avaient fermé devant la concurrence des fabrications dans les pays émergents – Mexique, en Chine ou en Inde. Donald Trump a compris cette détresse.
Alors, des relocalisations d’usine de la part des industriels ? Il y en a eu, c’est le cas de General Motors, Boeing, Merckx & Co pour l’industrie pharmaceutique.
Certaines résultent directement, c’est vrai, des mesures protectionnistes prises sur l’acier et l’aluminium, mais la méthode Trump consiste aussi à choquer, menacer pour contraindre et négocier.
Le pragmatisme est pour l’instant la recette miracle du mandat. Pour beaucoup d’investisseurs, il y a les Etats-Unis et le reste du monde. Il y a un président qui sème la zizanie dans les relations commerciales, qui menace les Chinois, mais qui est à la tête d’une économie où le taux de croissance dépasse le taux de chômage, qui a su se normaliser et se guérir de l’après-crise en remontant ses taux directeurs. Bref, le pragmatisme des investisseurs les amène à penser qu’avec Trump au pouvoir, mieux vaut se garder de prendre trop de risques du côté des pays émergents et que la sécurité consiste donc à investir aux Etats-Unis. Au détriment des autres, et surtout de la Chine. C’est là que Donald Trump peut gagner son pari.
Un carambolage dans cette course à la croissance ? Provoqué par l’overdose ou l‘accident militaire avec les Chinois peut être. Mais ça marche tellement fort que personne ne veut y croire. Ni les riches, de plus en plus riches, ni les pauvres.
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