Bien que l’obscurité soit synonyme d’exil, la nuit d’étude de Chavou’oth est là pour nous rappeler que l’exil n’a de sens que pour autant où il orienté vers sa délivrance. Puisqu’à l’image de la nuit attendant son dénouement dans les premiers rayons de l’aurore, la « veillée » nous enseigne que l’exil doit produire en nous la conscience de notre présence au monde, c’est-à-dire de ce qui nous sépare encore de notre propre accomplissement.
Il n’y a d’exil que pour celui qui espère son dévoilement
Car il n’y a d’exil que pour celui qui espère son dévoilement. L’engagement déterminé d’Israël à dévoiler la Tora dans le monde – la raison pour laquelle il supporte la galouth – c’est précisément cela qui l’achemine vers sa délivrance.
Et réciproquement, si le mont Sinaï porte ce nom, c’est aussi parce que cette résistance du réel devant la réalisation effective du peuple juif – ce qu’on appelle aussi la sina – s’est installée au milieu des nations (Chabbath 89b), comme un aiguillon obligeant Israël à devenir ce qu’il est.
L’engagement déterminé d’Israël à dévoiler la Tora dans le monde – la raison pour laquelle il supporte la galouth – c’est précisément cela qui l’achemine vers sa délivrance
La garde de la Tora lors de la veillée de Chavou’oth doit nous faire prendre conscience que notre existence est liée à un projet qui la dépasse et que notre présence au monde n’a rien d’insignifiant. Un Juif doit savoir qu’il est un maillon irremplaçable dans une chaîne d’évènements qui obéissent à une logique qui, même si elle lui semble parfois n’avoir aucun sens, le rappelle régulièrement à ses origines et à la singularité de son accomplissement. L’histoire du peuple Israël n’est pas neutre. Car, pour lui, le temps n’est pas une plate réalisation de soi-même (…), il suit un but à l’image d’un enfantement.
‘Ets ‘Haïm
Chavou’oth est donc en toute logique la fête des semaines puisque c’est elle qui accomplit le sens du temps. Et lorsque nous arrivons au pied du Sinaï, le 6 sivan, nous atteignons la direction que nous avons prise pendant toute la sefirath ha’Omer, depuis le jour de notre véritable naissance à tous, lorsque nous sommes sortis d’Egypte, passant de la condition d’étranger à celle d’homme libre. Un homme qui touche désormais le dévoilement de sa véritable raison d’être, l’exprimant en acte dans la lumière créatrice émanant de la Tora, comme il est dit : « J’ai proclamé : vous êtes enfants divins, tous fils du Ciel… » (Tehilim/Psaumes 82,6).
Et la fête de Chavou’oth ne pouvait se trouver qu’ « au milieu » des trois fêtes, tout comme le Ets ha’Haïm, « l’arbre de la vie » est « au milieu du jardin » (Beréchith/Genèse 2,9) – et ce, conformément à la règle qui pose que tout ce qui se trouve être « au milieu » be’Emtsa est toujours ce qui est le plus essentiel. Car le ‘Ets ‘haïm, c’est la Tora elle-même, l’arbre de la connaissance (Michlé/Proverbes 3, 18).
Une fête messianique
Enfin, si la fête de Chavou’oth ne dure qu’un seul jour c’est parce que l’union parfaite avec la Tora est exclusive de toute autre forme de compréhension, elle est é’had et absolue. Mais c’est encore parce qu’elle est le référentiel de toute temporalité, du passé, du présent, et de l’avenir. Nuit unique en son genre, elle nous oblige, plus que tout, à inscrire le jour suivant dans la suite de ce qu’elle est venue révéler, Chavou’oth constitue le meilleur moyen pour rapprocher l’avènement messianique. Accorder notre réel à la Parole qui y est déposée en désirant son dévoilement de toutes nos forces, voilà ce qui nous est demandé de faire pour produire la réalisation de notre essence, le projet divin lui-même. Enoncer la révélation de la Tora à travers son étude certes, mais surtout faire apparaître au cœur de son existence la vérité qu’elle produit. Comme il est enseigné « C’est aujourd’hui que j’arrive ! (…) « Si vous écoutez Ma voix, aujourd’hui » (Tehilim/Psaumes 95,7) » (Sanhédrin 98a).
Y. RUCK