Nous voici entre Pessa’h et Chavou’oth. L’élément marquant de cette période est le décompte du ‘Omer.
Une mitswa liée au temps
Nous avons, dès le second jour de Pessa’h, commencé à compter le ‘Omer, ajoutant chaque jour un chiffre à notre « décompte ». Au bout de sept jours, nous comptons également les semaines.
C’est une mitswa simple et rapide, mais qui nécessite une grande discipline, en particulier si la communauté, notamment à l’étranger, prie le soir avant la tombée de la nuit. Il faut alors, quand la nuit est bien tombée, dire le décompte du ‘Omer, sans oublier le moindre jour ! Chacun se donne les moyens de s’en souvenir !
Du reste, c’est la raison pour laquelle les femmes ne tentent pas d’effectuer cette mitswa, liée au temps. Les femmes achkenazes disent la bénédiction, si elles effectuent la mitswa chaque jour. Si elles l’oublient, il faut qu’elles arrêtent de dire la bénédiction, mais elles peuvent continuer à faire le décompte.
N’oublions pas (et ceci est valable pour les hommes également) que dans le cas où on se rappelle le lendemain dans la journée qu’on a oublié de compter le ‘Omer, il est possible de dire le décompte, puis de compter le soir avec bénédiction. C’est pourquoi, dans certaines communautés, on redit le matin après l’office le décompte du jour.
En Alsace, afin d’encourager les jeunes à effectuer cette mitswa, on menaçait de ne donner du fameux gâteau au fromage de Chavou’oth qu’à ceux qui pouvaient attester avoir réussi à effectuer cette mitswa durant les 49 jours (mais comme personne ne pouvait en témoigner, il nous semble qu’on distribuait ce gâteau à tous…).
Il faut aussi faire attention à ne pas dire une fois la nuit tombée quel jour on est avant d’avoir effectué la mitswa… on perdrait la possibilité de dire la bénédiction, la mitswa de compter le jour étant faite ! Quand on nous interroge, il faut avoir le réflexe de dire « hier, on était tel ou tel jour ».
Il faut aussi être sûr du jour : effectuer ce décompte ne peut se concevoir que quand cela est fait d’une manière claire et définie. Dire « on est peut-être tel jour, ou peut-être un autre » n’est pas valable.
Une période marquée par le deuil des 24.000 élèves de rabbi ‘Aqiva
La période est également marquée par le deuil des 24.000 élèves de rabbi ‘Aqiva. La correspondance entre les deux éléments doit encore être établie, mais le fait est que c’est durant cette période, « entre Pessa’h et Chavou’oth » (Yevamoth 62b), qu’ils ont succombé à une épidémie. On imagine bien le drame que cette disparition représentait, en particulier à une époque où la communauté juive était restreinte, aux lendemains de la destruction du Temple. Le monde de la Tora a été reconstruit par la suite avec cinq disciples…
20Toutefois, il s’agit sans nul doute d’une période critique pour le peuple juif, puisqu’au Moyen Age de nombreux décrets et pogroms ont été perpétués contre notre peuple (cf. ‘Aroukh haChoul’han § 493). Certaines conduites de deuil plus strictes chez les achkenazes sont ainsi expliquées.
Certaines conduites de deuil ont été décrétées sur l’ensemble du peuple juif. La question, toutefois, est de savoir quand ces disciples sont morts : le Choul’han ‘Aroukh (§ 493) dit clairement que ce drame a cessé le 33e jour du ‘Omer (Lag ba’Omer) ; toutefois, un second avis a été émis, qui, s’il ne contredit pas ce décompte de 33 jours, affirme que ces gens ne sont pas morts les jours où on ne dit pas les supplications (entre autres, pas durant la dernière semaine du mois de nissan), ni à Pessa’h chéni (le 15 iyar) ni à Lag ba’Omer (le 18 iyar), et divise les jours durant lesquels cette conduite de deuil doit être respectée ; le Ari zal indique une troisième voie, celle selon laquelle on ne portera de soins à la chevelure et à la barbe jusqu’à la veille de Chavou’oth.
Quelles sont effectivement ces conduites ? Comme dit, l’une d’entre elle concerne les soins de la chevelure et de la barbe, qui sont interdits durant les jours de deuil en question (les sefarades, jusqu’au lendemain du 33e jour du ‘Omer, les achkenazes, jusqu’au jour de Lag ba’Omer, mais certains d’entre eux reprennent le lendemain de Lag ba’Omer). On n’effectuera pas non plus de mariages.
Pessa’h chéni et Lag ba’Omer
Deux jours plus positifs tombent durant cette période : Pessa’h chéni, le jour où les personnes qui n’avaient pas pu apporter leur sacrifice de Pessa’h en temps voulu étant impurs avaient droit à une « séance de rattrapage », un mois plus tard. On ne dit pas les supplications habituelles ce jour-là.
Lag ba’Omer est le jour de décès de rabbi Chim’on bar Yokhaï, le rédacteur du Zohar. C’est bizarrement un jour de grande joie, durant lequel on ne dit pas de supplications. On peut se marier et on a l’habitude d’allumer des feux en l’honneur de ce grand Sage. Cette joie repose sans doute sur l’avis du… Zohar, selon lequel le Tsadiq est invité, en son jour anniversaire de sa disparition, à passer à un domicile spirituel plus élevé que le précédent. En tout cas, cette conduite est particulièrement justifiée à l’égard de rabbi Chim’on (bien que dans le monde ‘hassidique, on l’ait élargie à de nombreux autres grands du peuple juif… Et comme il n’y a pas de jour sans Hiloula, on ne dit que rarement les supplications « quotidiennes » dans ces communautés).
Par M. Azoulay (kountrass numéro 164)