D’après le « Wall Street Journal », l’État hébreu aurait détruit plusieurs batteries antiaériennes iraniennes sur la base T4.
Les frappes menées la semaine dernière par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis en Syrie, en riposte à l’attaque chimique attribuée au régime syrien contre la ville de Douma, ont été accueillies à la fois avec satisfaction et déception en Israël. Satisfaction de voir les puissances occidentales intervenir en Syrie pour faire respecter leurs lignes rouges et d’entendre les Américains revenir sur leur décision de quitter dans l’immédiat le terrain syrien. Déception quant à l’ampleur des frappes. La nature des cibles frappées la semaine dernière met en évidence le fait que Paris, Londres et Washington ont agi spécifiquement contre les armes chimiques et non pas pour impacter la guerre civile syrienne dans son ensemble, et encore moins pour sortir Damas de l’orbite iranienne. Le sentiment que l’État hébreu a été livré à lui-même face à l’Iran sur son front nord est de plus en plus apparent dans la presse israélienne. Une source anonyme des renseignements israéliens déclarait ainsi à propos des frappes occidentales aux journalistes du Yediot Aharonot : « L’affirmation que la capacité d’Assad en matières d’armes chimiques est fatalement touchée est infondée. » L’article cite d’autres sources anonymes de l’appareil sécuritaire allant dans ce sens, Mossad inclus.
« Si Israël peut retarder l’implantation de l’Iran en Syrie ou en augmenter le coût par ces frappes, il ne peut l’arrêter. Pour cela, il lui faut l’appui soit de la Russie, soit des États-Unis. Aucun des deux ne semble vouloir vraiment s’y intéresser pour l’instant », souligne Michael Horowitz, consultant à LeBeck International, un think tank basé à Bahreïn. Récemment, le chef d’état-major israélien Gadi Eisenkot déclarait au quotidien Haaretz que « l’issue finale et désirée est le départ de toutes les forces irano-chiites de Syrie ». Un vœu pieu, justifié par la certitude qu’à terme la Syrie pourrait permettre à l’Iran d’ouvrir un second front face à Israël.
Moins de 10 km
D’après le Wall Street Journal, les frappes sur T4 ont détruit plusieurs batteries antiaériennes iraniennes, capables d’entraver la liberté d’action israélienne dans le ciel syrien. Si les Iraniens parviennent à déployer d’autres batteries antiaériennes, cela pourra créer une escalade plus importante avec l’État hébreu.
L’attaque contre la base T4 est la deuxième du genre avec le premier round d’escalade en février, où en l’espace de quelques heures un drone iranien et un F-16 israélien avaient été abattus. La base est également utilisée par la Russie pour faire décoller son aviation. Moscou n’avait pas été prévenu de l’intervention israélienne à venir. Le risque ainsi encouru réaffirme la détermination de Tel-Aviv à ne pas céder sur les lignes rouges déjà modérées. L’une d’entre elles interdisait le transfert de missiles de longue portée au Hezbollah. Se battant pour la survie du régime syrien, ce dernier a toutefois pu les acquérir en quantité, et Israël a dû se rabattre sur la limitation des missiles de précision.
La plus importante des lignes rouges, le maintien d’une zone tampon attenante à la frontière israélienne profonde d’au moins 10 km et vidée de toute présence iranienne, est désormais compromise par le déplacement de l’effort de guerre du régime vers le Sud et le Golan. Dans le contexte de l’élimination des dernières poches rebelles dans la périphérie de Damas, des médias prorégime ont annoncé une campagne militaire prochaine pour reprendre Deraa et Kuneitra sur les hauteurs du plateau. L’énergie du Hezbollah dans cette zone est pour le moment concentrée dans la guérilla contre les rebelles, mais Israël redoute un intérêt croissant pour la frontière.
Pour Tel-Aviv, il n’y a pas de modus operandi qui soit bon dans l’absolu. Contenir plus agressivement l’emprise iranienne comporte des risques, dont la multiplication des fronts au Liban et à Gaza où le Hamas est revenu dans le giron iranien, précipitant ainsi l’encerclement qu’Israël veut déjouer. Si Tel-Aviv envisage une défiance accrue à ses portes, il est probable que l’objectif iranien à moyen terme soit plutôt de stabiliser la Syrie en tant qu’État vassal. Un atout que Téhéran a obtenu au prix d’investissements substantiels, et qu’une confrontation directe avec Israël dilapiderait probablement en un dixième du temps consacré à son acquisition.
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